Titre | Les juifs dans la structure des classes en Hongrie | |
---|---|---|
Auteur | Victor Karady, Istvan Kemény | |
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales | |
Numéro | vol. 22, no. 1, 1978 | |
Page | 25-59 | |
Résumé |
Les Juifs dans la structure des classes en Hongrie. Essai sur les antécédents historiques des crises d'antisémitisme au XXe siècle. La première crise d'antisémitisme en Hongrie date des lendemains de la Première Guerre. Cet essai tente d'en éclairer les conditions de possibilité par l'analyse de l'intégration sociale massive des immigrants juifs au XIXe siècle et des déséquilibres structurels qu'elle a produits dans la société hongroise. Un survol des circonstances historiques d'installation des israélites en Europe de l'est et du centre fait comprendre la singularité de la situation hongroise qui offrait depuis le décret de tolérance de Joseph II (en 1781) des conditions d'accueil optimales et suscitait une immigration massive si bien que vers la fin du siècle le pays réunissait une combinaison historiquement unique de proportion de juifs élevée «à l'orientale» et un potentiel d'intégration «à l'occidentale». La politique de magyarisation et d'intégration de la noblesse libérale et nationaliste -que marquent la loi civique des états généraux en 1840, la loi d'émancipation, aux effets éphémères, votée par l'Assemblée révolutionnaire en 1849 (la première du genre en Europe centrale et orientale) et la loi d'émancipation définitive acquise par suite du Compromis austro-hongrois de 1867 -ont ouvert la voie devant l'assimilation socio-culturelle des juifs et l'incapacité de reconversion sociale de la même noblesse dans les professions bourgeoises a laissé un champ libre aux éléments mobiles des immigrants juifs pour prendre en main le marché des échanges commerciaux (commerce des produits agricoles surtout) et entrer dans les métiers intellectuels. Les obstacles économiques ayant été levés devant le développement capitaliste après le Compromis de 1867 la bourgeoisie juive, dotée de compétences sociales remarquables pour les affaires et de capitaux mobiles, se renforce de plus en plus et participe de façon prépondérante à la création de l'infrastructure industrielle, bancaire et commerciale du pays tout en restant en marge des classes politiquement dirigeantes. Ainsi s'établit vers la fin du siècle une division du travail de domination sociale, les descendants de la noblesse, souvent appauvris (la gentry) se reconvertissent dans la fonction publique et gardent le pouvoir politique tandis que la bourgeoisie, majoritairement juive, s'attribue le pouvoir économique. Comme les classes dominantes, les classes moyennes -notamment l'intelligentsia- restent divisées en fractions juives et chrétiennes marquées d'abord chacune par une origine sociale, un ethos et des ambitions collectives différents et occupant des positions relativement séparées dans les professions intellectuelles et libérales. Au début du XXe siècle, on observe d'une part un mouvement de fusion entre l'intelligentsia juive et chrétienne dans les champs de production intellectuelle éloignés du pouvoir et à forte composante israélite tandis que sur les autres marchés d'activité des classes moyennes la concurrence entre juifs et chrétiens se renforce. Cette concurrence sera exacerbée par suite de la Guerre qui provoque un rétrécissement dramatique des marchés de production économique et symbolique et servira de prétexte, l'effondrement du régime politique libéral aidant à un activisme antisémite dans les classes moyennes qui ira croissant jusqu'à la seconde guerre mondiale. Source : Éditeur (via Persée) |
|
Résumé anglais |
Jews in the class structure of Hungary. An essay on the historical roots of the anti-semitic crises of the twentieth century. The first crisis of anti-Semitism in Hungary occured immediately after World War One. The present essay attemps to elucidate the conditions which made this crisis possible by means of an analysis of the massive social integration of Jewish immigrants in the nineteenth century and of the structural disequilibrium this produced in various areas of Hungarian society. A survey of the historical circumstances of the establishment of Jewish communities in Eastern and Central Europe brings out the singular nature of the Hungarian situation : from the time of the edict of toleration proclaimed by Joseph II in 1781, Hungary offered optimal conditions for neweomers which elicited a massive immigration. As a result, towards the end of the century there existed a historically unique combination of a large number of Jews raised «in the Oriental manner» and the possibility of their becoming integrated «in the Western manner». The political policy of Magyarization and of integration pursued by the liberal and nationalist nobility led to such measures as the citizenship law of the Estates General of 1840, the Jaw of emancipation voted by the Revolutionary Assembly in 1849 (though its effects were only ephemeral, its was the first of its kind in Eastern or Central Europe), and the definitive law of emancipation which foliowed the Austro-Hungarian Compromise of 1867. This policy openend the way for the socio-cultural assimilation of the Jews. At the same time, the incapacity of this same nobility to enter into the bourgeois professions left the field free for the mobile elements among the immigrant Jews to take over control of the country's wholesale trade (especially in agricultural products) and to enter the intellectual occupations. After the compromise of 1867 there no longer existed any obstacles to the development of capitalism, and the Jewish bourgeoisie, endowed with remarkable business skills and in possession of liquid capital, steadily strengthened its position, playing the major role in the creation of the country's industrial, financial, and commercial infrastructure, while simultaneously remaining outside the governing classes. Thus, towards the end of the century, a division of the work of social domination became established in which the descendants of the nobility, who were often impoverished, the gentry), took up new positions in the official administration while the bourgeoisie, the majority of whom were Jewish, took possession of the economic power. Like the dominant classes, the middle classes, -notably the intelligentsia- remained divided into Jewish and Christian fractions, each of which was marked, at first, by different social origins, by a different ethos, and by different collective ambitions and each of which occupied relatively separate positions within the intellectual and liberal professions. At the beginning of the twentieth century one can observe, on the one hand, a fusion of the Jewish and Christian intelligentsia in the fields of intellectual production which were situated far from the center of socio-economic power and which included a large proportion of Jews, and, on the other hand, an increasing degree of competition between Jews and Christians in the other areas of middle class activity. This competition was exacerbated by World War One, which provo-ked a dramatic contraction of the markets of economic and symbolic production. This development, in turn, served as the pretext - helped along by the collapse of the liberal political regime - for an anti-Semitic activism in the middle classes which continued to increase until World War Two. Source : Éditeur (via Persée) |
|
Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1978_num_22_1_2599 |