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Titre L'invention de la Bretagne
Auteur Catherine Bertho
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro vol. 35, no. 1, 1980
Page 45-62
Résumé L'invention de la Bretagne Genèse sociale d'un stéréotype. C'est au lendemain de la Révolution, au moment où les provinces disparaissent comme entités politiques, qu'elles se constituent comme objets culturels. En ce qui concerne la Bretagne, des représentations codifiées s'élaborent à partir d'éléments empruntés à la culture matérielle rurale (habitat, costume...), à la langue, à la race, au climat, et se cristallisent en stéréotypes. Leur charge idéologique et politique évolue en fonction de la place des différentes générations d'auteurs dans le champ littéraire et de la position de leur public. L'évolution du stéréotype régional est très directement liée à celle de la représentation du paysan en général : découverte du paysan sous le Consulat et l'Empire ; élaboration d'une représentation «noire» sous la Restauration ; passage à une vision plus aimable et en même temps conservatrice dans la seconde moitié du XIXe siècle ; apparition d'une dimension dérisoire au plus fort de l'émigration rurale après 1880. Elle ne lui est cependant pas totalement réductible dans la mesure où la déréalisation de la vie rurale et son érection en spectacle est beaucoup plus poussée dans le cas des stéréotypes régionaux et où cela favorise la fixation sur le stéréotype régional de contenus politiques et idéologiques stables : la Bretagne par exemple est un lieu d'investissement privilégié où des générations successives (légitimistes de 1830, républicains d'ordre de 1870, émigrés de fraîche date de 1900, petits-bourgeois bretons de 1930, «nouveaux régionalistes» d'après 1968 enfin) vont projeter l'utopie d'une société agraire sans histoire et sans conflits.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The Invention of Brittany. The Social Genesis of a Stereotype. Just after the French Revolution, when the provinces were disappearing as political entities, they emerged as cultural objects. In the case of Brittany, codified representations were built up on the basis of elements taken from the material rural culture (houses, costume, etc.), the Breton language, the race and the climate, and they then crystallized into stereotypes. Their ideological and political charge changed according to the position of the different generations of writers in the literary field and the position of their readerships. The evolution of the regional stereotype is very directly linked to the changing image of the peasant in general. The peasant was «discovered» under the Consulate and the Empire ; a sinister image was developed during the Restoration ; this gave way to a more attractive and also more conservative image in the second half of the 19th century ; a derisory dimension appears at the height of emigration from the countryside after 1880. However, the regional stereotype is not totally reducible to the general image : rural life is much more de-realized, more readily turned into a spectacle, in the case of regional stereotypes, which can more easily be made to carry stable political and ideological connotations. Brittany, for example, has received particular attention from successive generations —legitimists after 1830, con- servative republicans after 1870, recent emigrants around 1900, petty-bourgeois Bretons in the 1930s, and now post-1968 «neo-regionalists»— who have built up the utopian image of an agrarian society without a history and without conflict.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1980_num_35_1_2099