Contenu de l'article

Titre « C'est plein de mecs bien en taule ! » Incarcération de masse aux États-Unis et ambivalence des épouses
Auteur Megan Comfort
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 169, septembre 2007 Varia
Rubrique / Thématique
Varia
Page 22
Résumé Ces dernières années ont vu l'émergence d'une discussion des « effets sociaux » – ou des « conséquences collatérales » – du modèle américain d'emprisonnement de masse sur la société et sur la vie familiale. Les chercheurs tendent à considérer que la condamnation à la réclusion est la force déstabilisatrice qui provoque la perte d'emploi, la désintégration de la cellule familiale, l'ostracisme social, etc. Une analyse des relations amoureuses qu'entretiennent les femmes avec les détenus montre cependant que les prisons peuvent offrir un lieu de substitution à la vie domestique et conjugale – qui peut paradoxalement être préférable ou plus simple à gérer que le foyer familial où règnent le chaos et le stress. Cet article, qui s'appuie sur un travail ethnographique mené dans la prison d'État de San Quentin (au Nord de la Californie) et sur 50 entretiens avec des femmes dont le mari, le fiancé ou le petit ami était incarcéré, analyse la façon dont des femmes paupérisées et sans appui institutionnel recourent à la justice pénale comme à une instance de protection face à des hommes marginalisés qu'il faut gérer au quotidien. Dans le prolongement de la théorie classique de Donald Clemmer sur la « prisonisation », on peut voir que les femmes dont le partenaire est incarcéré connaissent une « prisonisation secondaire », processus de socialisation aux normes carcérales et à la soumission au contrôle pénal qui pousse ces femmes à avoir recours aux instances carcérales. Bien conscientes de ce que les prisons ne sont que des substituts dégradés des services dont elles ont besoin mais dont l'accès leur est refusé, ces femmes expriment une profonde ambivalence à l'endroit du contrôle pénitentiaire qui pèse sur elles et sur leur partenaire.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais A discussion of the “social effects” or “collateral consequences” of the American phenomenon of mass incarceration on social and family life has emerged in recent years. Keenly attuned to the poverty, unemployment, and other socio-economic burdens shouldered by those most affected by the United States' punitive penal policies, researchers often claim that being sentenced to spend time in prison is the disruptive force that results in job loss and family disintegration. However, an analysis of women's romantic relationships with prisoners demonstrates that in the near-total absence of basic social services characterizing the United States today, prisons provide substitute sites for domestic and conjugal life that, paradoxically, may be preferable to or easier to manage than the chaos and stress of the family home. This article draws on ethnographic observation at northern California's San Quentin State Prison and interviews with fifty women whose husband, fiancé, or boyfriend was incarcerated to analyze how impoverished women –lacking mental-health services, substance-abuse treatment, domestic-violence intervention, and other social-welfare assistance for themselves and their partners– engage the criminal justice system as a protective intervention in their relationships with marginalized men. Extending Donald Clemmer's classic theory of “prisonization,” it's possible to argue that women with incarcerated partners undergo “secondary prisonization”, a less absolute but still powerful process of socialization to carceral norms and subjection to penal control that induces women to rely on the correctional facility as the most powerful public institution available to them. Aware that prisons provide only degraded proxies of the services they need, but denied the means of obtaining these services in a more humane manner, women express profound ambivalence about the penitentiary's control over them and their partners.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_169_0022