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Titre Les deux visages du ghetto - Construire un concept sociologique suivi de :
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 160, décembre 2005 Figures du ghetto
Rubrique / Thématique
Figures du ghetto
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Résumé Bien que les sciences sociales aient fait un large usage du « ghetto » comme terme descriptif, elles ont échoué à en forger un concept analytique robuste, au lieu de quoi elles se sont reposées sur les notions indigènes qui allaient de soi à chaque époque dans la société étudiée. Cet article construit un concept relationnel du ghetto comme instrument bifront d'enfermement et de contrôle ethnoracial, en s'appuyant sur l'historiographie de la diaspora juive pendant la Renaissance européenne, la sociologie de l'expérience noire américaine dans les métropoles fordistes et l'anthropologie des parias ethniques en Asie Orientale. Croiser ces travaux fait apercevoir qu'un ghetto est un dispositif socio-organisationnel composé de quatre éléments (stigmate, contrainte, confinement spatial, cloisonnement institutionnel) qui utilise l'espace pour concilier ces deux objectifs antinomiques que sont l'exploitation économique et l'ostracisation sociale. Le ghetto n'est pas une « aire naturelle » coextensive à l'« histoire des migrations » (comme le soutenait Louis Wirth) mais une forme spéciale de violence collective concrétisée dans l'espace urbain. Articuler le concept de ghetto permet de démêler les rapports entre ghettoïsation, pauvreté urbaine et ségrégation, et partant de clarifier les différences structurales et fonctionnelles entre ghetto et quartier ethnique. Cela permet aussi de mettre au jour le rôle du ghetto comme incubateur symbolique et matrice de production d'une identité souillée et suggère que le ghetto gagnerait à être étudié par analogie avec d'autres institutions de confinement forcé des groupes déshérités et déshonorés tels que la réserve, le camp de réfugiés et la prison.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Although the social sciences have made extensive use of the term “ghetto” as a descriptive term, they have failed to forge a robust analytical concept of the same, relying instead on the folk notions taken for granted at each epoch in the society under examination. This article constructs a relational concept of the ghetto as a Janus-faced instrument of ethnoracial closure and control by drawing on the historiography of the Jewish diaspora in Renaissance Europe, the sociology of the black American experience in the Fordist metropolis, and the anthropology of ethnic outcasts in East Asia. This reveals that a ghetto is a social-organizational device composed of four elements (stigma, constraint, spatial confinement, and institutional encasement) that employs space to reconcile the two antinomic purposes of economic exploitation and social ostracization. The ghetto is not a “natural area” coterminous with “the history of migration” (as Louis Wirth argued), but a special form of collective violence concretized in urban space. Articulating the concept of ghetto makes it possible to disentangle the relationship between ghettoization, urban poverty, and segregation, and to clarify the structural and functional differences between ghettos and ethnic clusters. It also enables us to spotlight the role of the ghetto as a symbolic incubator and matrix for the production of a spoiled identity, and suggests that it should be studied by analogy with other institutions for the forced confinement of dispossessed and dishonored groups such as the reservation, the refugee camp, and the prison.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_160_0004