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Titre La résistance à la psychologisation des difficultés au travail - Le cas des policiers de voie publique
Auteur Marc Loriol, Valérie Boussard et Sandrine Caroly
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 165, décembre 2006 Santé et travail
Rubrique / Thématique
Santé et travail (2)
Page 106
Résumé La prise en charge psychologique du stress dans les métiers réputés difficiles peut être une aide et une ressource pour les agents confrontés à des tâches pénibles. Mais les discours et pratiques psychologiques sur le stress, défini comme une mauvaise adaptation individuelle à l'environnement, peuvent également conduire à stigmatiser et à culpabiliser celui qui se plaint : s'il ne sait pas gérer son stress, ce n'est pas un bon professionnel ! Si les infirmières ont globalement repris à leur compte cette logique et si les conducteurs de bus sont parvenus, grâce à l'action de leurs syndicats et de psychologues militants, à rejeter cette dimension trop individualisante, les policiers ont préféré une forme de résistance fondée sur la gestion en interne des difficultés. Face à des psychologues peu intégrés au monde policier et proposant une prise en charge standardisée, centrée sur le vécu des émotions, les brigades de police et leur hiérarchie de proximité ont développé des formes de régulation autonome du stress et des situations potentiellement pénibles. Dès lors, le stress et le recours au psychologue apparaissent comme les signes d'une défaillance individuelle et d'une incapacité du groupe et des chefs de brigade à gérer les difficultés. La construction du stress comme caractéristique de quelques individus fragiles participe donc au renforcement du groupe de collègues. Celui-ci est perçu comme seul capable de donner un sens aux activités de travail et de prévenir ou de régler les problèmes, au détriment de ceux qui ne peuvent s'intégrer à lui.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The psychological management of stress in occupations that are deemed to be difficult might be a helpful resource for the workers confronted with tiresome tasks. But the psychological discourses and practices relating to stress defined as an individual ill-adaptation to the environment can also lead the victim of stress to develop a feeling of stigmatization and guilt: if she is not able to manage her stress, she is not really professional! While the nurses have been able to build claims on the basis of this logic, and while the bus drivers, assist-ed by their trade unions and by militant psychologists, have been able to reject this overly individualizing dimension, police forces have opted for a form of resistance based on the internal management of difficulties. Confronted with psycho-logists who are not well integrated in the professional police world and who offer a standardized management of stress, centered on actual emotional experience, police squads and their top officers have developed autonomous forms of stress regulation. In this context, feeling stressed and turning to a psychologist for help becomes a sign of individual failure or collective incapacity, indicating that the group and the squad leaders are unable to deal with difficulties. The construction of stress as the characteristic of a handful of fragile individuals therefore contributes to reinforcing the professional group of peers as the only group able to make work-related activities meaningful, and to prevent or deal with problems –with detrimental consequences for those who are not well integrated into it.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_165_0106