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Titre L'Afrique et le sida : questions à l'anthropologie, l'anthropologie en question
Auteur Claude Raynaut
Mir@bel Revue Sciences Sociales et Santé
Numéro vol. 15, no 4, décembre 1997 Sida : nouvelles perspectives en anthropologie et en sociologie ?
Page 9-38
Résumé Résumé. Pour aider à comprendre le développement de l'épidémie de sida en Afrique et pour être en mesure d'y répondre plus efficacement, la connaissance de faits relevant de l'analyse des sciences sociales s'est trouvée particulièrement sollicitée au cours de cette dernière décennie. Avant même que les sciences sociales aient repéré la maladie et l'épidémie comme des objets de recherche potentiels, ce sont les disciplines médicales et les acteurs de la santé publique qui, les premiers, ont dessiné les contours d'un champ de questionnement sur ses dimensions non médicales. Ils ont soulevé, notamment, des interrogations sur la « spécificité africaine », sur l'inégale répartition géographique et sociale des facteurs de risque, sur les blocages culturels rencontrés par la prévention. Bien souvent ils partaient de présupposés sur le milieu social qui étaient formulés en dehors de toute intervention des sciences sociales. En dépit de l'apparente demande de « savoir » anthropologique pour répondre aux nécessités concrètes de l'action, le dialogue interdisciplinaire est donc resté limité sur le terrain africain. En France du moins, les anthropologues, au fur et à mesure qu'ils découvraient le sida, ont progressivement élaboré leur propre problématique permettant d'en faire un objet de recherche pertinent à leurs yeux. Si défi à la discipline et remise en question il y a eu, ce sont donc, avant tout, ceux dus à la construction du sida comme objet scientifique, avec les problèmes théoriques, méthodologiques et éthiques qui ont accompagné cette démarche. Cet article esquisse quelques pistes de réflexion qui s'ordonnent autour d'une question centrale que l'on peut formuler ainsi : « En quoi le fait de s'intéresser au sida peut-il contribuer à faire bouger l'anthropologie sur ses bases théoriques et méthodologiques - et, ceci, autour de contradictions, ou de " lignes de faille ", qu'elle porte déjà en elle ? » Dans une approche qui reste encore toute provisoire, on a retenu trois points de départ pour poser cette question : les usages de la notion de culture ; la place du sujet individuel dans l'analyse anthropologique, les conditions d'application de la démarche d'observation participante. Dans ces trois domaines, on verra que l'étude du sida confronte les chercheurs à des ambiguïtés anciennes de la discipline, à des paradoxes mal résolus, et qu'elles les met sur le chemin de mises au point et d'ajustements qui sont porteurs de renouvellement.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Africa and AIDS: questions for anthropology, anthropology called into question In order to provide a better understanding of the spread of the AIDS epidemic in Africa and to be in a position to respond to it more effectively, the last ten years have seen a considerable upsurge in demand for information which could be said to fall under the heading of the social sciences. Before social scientists had even begun to focus on the illness and the epidemic as potential subjects for research, the medical disciplines and those in the public health sector were the first to set out guidelines to define the framework for research into the non medical dimensions of the illness. In particular, they raised questions about the very specific « African problem », the uneven geographical and social distribution of risk factors, the cultural obstacles that have hindered prevention. Often, their hypothesis were based on presuppositions regarding the social environment which had been formulated with no reference whatsoever to social scientists. Despite the apparent demand for anthropological « knowledge » in order to respond positively to concrete requirements, there has been only limited interdisciplinary dialogue on the ground in Africa. In France, at least, as anthropologists have become aware of AIDS, they have gradually formulated their own set of questions on the subject, thus creating a topic which is relevant to their field of research. If a challenge has indeed been levelled at anthropologists, then it has been above ail due to the way AIDS has been developed by them as a scientific subject, with ail the theoretical, methodological and ethical problems that this process entails. This article outlines some trains of thought which have developed around a central question, which is this: might the fact that anthropology is becoming interested in AIDS cause it to shift on some of its basic theories and methodologies - around contradictions or «fault llnes» that are already inhérent in the discipline? Although this is as yet an entirely provisional approach, three points can be raised around this question: the uses of the notion of culture, the place of the individual subject in anthropological analysis, the conditions for applying participant observation procedures. In these three areas, we shall see that in the study of AIDS, researchers are confronted with ail the old ambiguities of the discipline, with unresolved paradoxes, and they are thus being guided towards adjustments and fine tuning which must ultimately be a source of renewal.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_1997_num_15_4_1410