Contenu de l'article

Titre Pouvoir politique et catastrophe sanitaire : la « publication » des épidémies de peste dans la France moderne
Auteur Élisabeth Belmas
Mir@bel Revue Parlement[s]
Numéro no 25, 2017/1 « Oiseaux de malheur »
Rubrique / Thématique
Recherche
Page 31-54
Résumé Durant près de quatre siècles, de 1347 – la peste noire – à 1720 – la peste de Marseille –, les Etats d'Europe occidentale subirent régulièrement des poussées de la peste, une maladie infectieuse très contagieuse. Rapprochées jusqu'en 1536, ces poussées s'espacèrent progressivement par la suite, jusqu'en 1670. La peste disparut alors pour resurgir dans la cité phocéenne en 1720-1722, apportée par un navire en provenance du Levant. Responsables de la police sanitaire de leur ville, les municipalités se trouvèrent régulièrement confrontées à la gestion d'un fléau susceptible de décimer leurs administrés en quelques mois. Leur première réponse consista à promulguer des règlements draconiens, imposant une véritable « terreur sanitaire » – isolement des malades, destruction des biens des pestiférés, poursuite des pillards –, d'autant qu'elles disposaient de moyens financiers et humains limités pour combattre le fléau. Pourtant, les autorités municipales, « lanceurs d'alerte » désignés contre les épidémies avaient tendance à différer la « publication » de la peste. Disposant des structures et des règlements qui leur permettaient d'agir, elles préféraient le plus souvent attendre… au risque de voir la contamination s'étendre ! Les raisons ne manquaient pas pour justifier leur attitude : aux incertitudes de la science médicale s'ajoutaient les atermoiements de municipalités paralysées de crainte, à la perspective des désordres économiques et sociaux qu'une telle annonce ne manquerait pas d'entraîner. Réalisée trop tôt, cette « publication » pénalisait les villes et leur commerce ; réalisée trop tard, et par défaut, elle condamnait à mort les populations claquemurées dans une cité assiégée, et menaçait de contagion les contrées alentour. Confrontés à ce double écueil, les édiles municipaux des temps modernes ont presque toujours tergiversé avant de reconnaître avec retard, parfois contraints et forcés, la présence d'une épidémie devenue manifeste et incontrôlable.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais For nearly four centuries from 1347 – The Black Plague – to 1720 – The Plague of Marseilles –, the states of Western Europe regularly suffered outbreaks of plague, a highly contagious infectious disease. Close until 1536, these break-out gradually became less frequent thereafter, until 1670. The plague then disappeared to reappear in Marseille in 1720-1722, brought by a ship from the Levant. Responsible for health police of their city, municipalities found themselves regularly confronted with managing a scourge that could decimate their people in a few months Their first response was to enact draconian regulations, imposing a veritable “Health terror” – quarantine of sick people, destruction of property of plague victims, prosecution of pillagers –, especially since they had limited financial and human resources to fight the scourge. However, municipal authorities, “whistleblowers” designated against epidemics, tended to defer the “publication” of the plague. With structures and regulations that allowed them to act, they preferred usually wait… at the risk of contamination spreading! The reasons were not wanting to justify their behavior: to the uncertainties of medical science were added the procrastination of municipalities paralyzed with fear at the prospect of economic and social disorders such announcement would surely result. Performed too early, this “publication” penalized towns and their trade; realized too late, and by default, it condemned to death people cooped up in a besieged city, and threatened to contagion the surrounding regions. Faced with this double danger, the city fathers of modern times have almost always procrastinated before acknowledging late, sometimes under duress, the presence of a manifest and become uncontrollable epidemic.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PARL2_025_0031