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Titre Le commun peut-il tenir dans un porc ? Conflits ordinaires autour de la propriété des biens des âmes en Espagne au XVIIIe siècle
Auteur Thomas Glesener
Mir@bel Revue Politix
Numéro vol. 30, no 119, 2017 Politiques du commun (XVIe-XIXe siècles)
Rubrique / Thématique
Dossier : Politiques du commun (XVIe-XIXe siècles)
Page 53-78
Résumé Le « porc des âmes » est une pratique répandue dans toute l'Europe méridionale d'Ancien Régime qui consiste à nourrir collectivement un porc avant de le mettre en loterie pour appliquer son produit à des messes en la mémoire des morts. Les études ethnographiques qui ont été menées à partir des survivances contemporaines de ce phénomène ont placé celui-ci du côté des croyances religieuses, des rites communautaires et du syncrétisme entre religion populaire et christianisme. À partir d'un petit nombre de procès conservés dans les archives de la Navarre espagnole, cet article prétend prendre le contre-pied de cette lecture en cherchant à mettre en valeur la dimension politique de cette pratique. Il apparaît que la question de la propriété du porc, en tant que bien consacré aux âmes et donc réputé inaliénable, se trouve au cœur de conflits opposant les curés de paroisse aux magistratures locales. Loin d'être une pratique irénique, le porc des âmes cristallise un rapport de force entre des acteurs locaux qui cherchent à construire leur autorité sur la communauté en démontrant leur légitimité à administrer les biens destinés aux défunts. En étudiant les revendications de propriété des différents acteurs, cet article analyse les modalités selon lesquelles, dans les communautés rurales d'Ancien Régime, les notions de « public », de « sacré » et de « commun » ont pu entrer en concurrence. Selon le statut assigné au porc, ce sont des conceptions différentes de la localité, de son territoire et de l'appartenance à la communauté qui se confrontent.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The “pig of souls” was a common practice throughout southern Europe during the Ancien Régime, consisting in collectively feeding a pig before putting it into a lottery for its meat to be used at masses in memory of the dead. Ethnographic studies based on the contemporary survivals of this phenomenon have placed it on the side of religious beliefs, community rites, and syncretism between popular religion and Christianity. Based on a small number of cases kept in the archives of Navarra in Spain, this article aims to counterbalance this interpretation by seeking to highlight the political dimension of this practice. It appears that the question of the ownership of the pig, as a property consecrated to souls and therefore considered inalienable, was at the heart of conflicts between parish priests and local magistrates. Far from being an irenic practice, the pig of souls crystallizes a struggle between local actors who sought to build their authority over the community by demonstrating their legitimacy to administrate the goods destined to the dead. By studying the ownership claims of the various actors, this article analyzes the ways in which the notions of “public,” “sacred,” and “common” were in competition in rural communities of the Ancien Régime. Depending on the status assigned to the pig, different conceptions of the locality, its territory and its membership confront each other.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=POX_119_0053