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Titre Saillance et cécité : parcours haptique sur le Mont Gins
Auteur Marie-Dominique Garnier
Mir@bel Revue Revue de Géographie Alpine
Numéro vol. 104, no 2, 2016 La saillance et le discours sur le relief
Résumé Cet article suit une improbable ligne de crête entre architecture, géographie et linguistique, entre les bords optiques et haptiques du concept de saillance, à travers une lecture de l'essai de trans-biographie intitulé Helen Keller or Arakawa (1994) par Madeline Gins. Dans un chapitre intitulé « Ou bien des montagnes, ou bien des lignes », toute proéminence envisagée depuis l'angle de vue d'une personne qui voit cède le pas, sous condition de cécité, à des points de bascule, des zones de tâtonnement stylistique, à une « faillance » ou défaillance du mot ou de la syntaxe. La saillance, revue selon les termes d'une perception en aveugle où les montagnes sont, pour Helen Keller, des masses vaporeuses et mobiles, conduit à une écriture faite de tâtonnements et à ce que j'appelle ici une « faillance » discursive : défaut de stabilité des référents discursifs, réversibilité inquiétante des lignes syntaxiques articulées par exemple au point de bascule d'une forme en « -ing ». L'écriture de Gins mobilise une saisie tactile, une cathexis haptique du monde par le langage. Afin de faciliter l'accès à une perception « défaillante », Gins fait transiter ses lecteurs par la description de la manière dont le cartographe aveugle William Prescott aborde stylistiquement la Cordillère des Andes, perçue comme rhizome mobile et non comme ensemble de points saillants fixes. Pour une vision (en) aveugle, cartographier signifie construire à partir de lignes d'erre autant que lignes d'air.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais This paper attempts to follow an improbable ridge line between architecture, geography and linguistics, between the optic and haptic ends of the concept of salience, through a reading of Helen Keller Or Arakawa, Madeline Gins's 1994 essay-cum-joint-biography partly devoted to “salience” approached through the blind figure of Helen Keller (1880-1968). In a chapter titled “Or Mountains Or Lines”, prominent features envisaged from a sighted perception give way, under the condition of blindness, to saddle-points, swivel-areas and moments of stylistic tentativeness when words and/or syntax begins to fail. Salience, revisited through Keller's apprehension of mountains as vaporous and mobile masses, leads to tentativeness in writing and to what I here call “failience” in discourse: the failure to stabilise discursive referents, the unsettling reversibility of syntactic lines based, for example, on the swivel-point of an “-ing” form. At work in Gins's writing is the invention of a cathectic, tactile grasp of the world through langage. In order to ease access to a “faulty” perception, Gins invites her readers to transit through the writing of blind cartographer William Prescott, in particular through his “tactile”, linear mapping of the Andes Cordillera, approached as a mobile rhizome rather than as a collection of fixed, “raised” points. Mapping, under conditions of blindness, implies wander lines as much as lines of (thin) air.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/rga/3445