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Titre Moins de rhétorique régionale, plus de diversité. L'urbanisation des Alpes dans l'intérêt de sociétés cohésives
Auteur Manfred Perlik
Mir@bel Revue Revue de Géographie Alpine
Numéro vol. 106, no 2, 2018 Métropoles alpines. Vers une nouvelle alliance entre villes et montagnes ?
Résumé Les stratégies de développement régional actuelles exigent des régions de montagne qu'elles se spécialisent dans leurs ressources paysagères et qu'elles les valorisent de manière indépendante. L'hypothèse est que cette stratégie doit être remise en question compte tenu de l'accroissement des inégalités spatiales en Europe. Dans les zones périphériques, cette inégalité est principalement due aux différences dans les opportunités de développement. Elle trouve son expression dans un clivage social croissant, qui s'exprime à son tour dans les pratiques de vote polarisé de la population : les régions riches agissent de façon régionaliste afin de quitter la communauté plus large de solidarité de l'État-nation. Les régions pauvres voient se répandre des courants nationalistes et ouvertement racistes. Les villes, y compris celles des Alpes, attirent une population éduquée et plus prospère et sont capables de gérer plus généreusement les conflits sociaux. L'écart entre les grands villes centres et leur arrière-pays s'élargit. Dans l'intérêt des sociétés cohésives, il ne semble pas très utile dans cette situation d'intensifier davantage la concurrence régionale en valorisant sélectivement les ressources paysagères. D'une part, toutes les régions ne sont pas en mesure de le faire. D'autre part, la valorisation des ressources paysagères, notamment dans les Alpes, doit être rentable pour leurs habitants afin qu'ils n'émigrent pas. Cependant, des bénéfices moyens ne peuvent être obtenus que par le biais de grandes structures économiques. En retour, celles-ci alimentent la mobilité mondiale, sont problématiques pour des raisons écologiques et excluent la population locale de leur utilisation. Le clivage actuel des sociétés européennes confirme le travail historique sur le caractère de ressource des relations sociales (le concept de capital de Bourdieu, interprété comme capital territorial) et l'effet positif des différences nombreuses mais plates dans une société (les clivages transversaux de Rokkan).Dans ce contexte, l'accent mis par le développement régional sur une identité alpine étroitement définie, qui refuse de servir les intérêts des régions métropolitaines voisines, apparaît de plus en plus contre-productif. D'une part, parce qu'elle annule les nombreux conflits en faveur d'un seul conflit profond entre les régions métropolitaines extra-alpines et une pseudo-ruralité alpine, et d'autre part, parce qu'elle coupe les régions périphériques des connaissances externes, dont elles ont besoin si elles veulent être "durables". Les innovations sociales, qui sont particulièrement importantes pour les régions faiblement peuplées, n'apparaissent que si, outre la confiance en soi régionale, il existe une ouverture d'esprit à l'égard des connaissances extérieures. C'est la seule façon de défendre des structures et des modes de vie dignes d'être préservés contre la majorité de la population en dehors des Alpes. Le concept de macro-régions européennes pourrait offrir un moyen de sortir de la tension entre identité et ouverture, à condition que les macro-régions tentent sérieusement de combler les écarts de prospérité et de dépasser les limites des frontières nationales par leur large périmètre géographiques. Pour ce faire, elles ont besoin d'une compétence suffisante et de la volonté de façonner les relations entre les Alpes et la plaine de telle sorte que les intérêts de travailler et de vivre dans les régions de montagne dans des conditions topographiques particulières soient protégés. Cela ne sera pas possible sans subventions croisées ; pour y parvenir, les zones de montagne devront, dans une certaine mesure, répondre aux besoins des zones urbaines. Il reste à renégocier les relations entre les Alpes et les plaines afin de redéfinir la complémentarité entre elles sur la base d'une nouvelle solidarité territoriale.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais The current regional development strategies require mountain regions to specialise in their landscape resources and to value them independently. The hypothesis is that this strategy has to be questioned in view of increasing spatial inequality in Europe. In the peripheral areas, this inequality is mainly due to differences in development opportunities. It finds its expression in an increasing social cleavage, which in turn is expressed in polarized voting practices of the population: Rich regions are acting regionalist in order to leave the larger community of solidarity of the nation state. Poor regions see nationalist and openly racist currents spreading. Cities, including those in the Alps, attract an educated and more prosperous population and are able to handle social conflicts more generously. The gap between the large core cities and their hinterlands is widening. In the interest of cohesive societies, it does not seem very expedient in this situation to further intensify regional competition by selectively valorising landscape resources. On the one hand, not all regions are in a position to do so. On the other hand, the valorisation of landscape resources, especially in the Alps, means that it must be profitable for their inhabitants so that they do not out-migrate. However, average benefits are only achievable through large economic structures. In turn, they fuel global mobility, are problematic for ecological reasons and often exclude the local population from use. The current division of European societies confirms the historical work on the resource character of social relations (Bourdieu's concept of capital, interpreted as territorial capital) and the positive effect of many but flat lines of conflict in a society (Rokkan's cross-cutting cleavages). In this light, the focus of regional development on a narrowly defined Alpine identity, which refuses to serve the interests of the neighbouring metropolitan regions, appears increasingly counterproductive. On the one hand, because it cancels out the many conflicts in favour of one single deep conflict between extra-Alpine metropolitan regions and an alpine pseudo-rurality, and on the other hand, because it cuts off the peripheral regions from external knowledge, which they need if they want to be "sustainable". Social innovations, which are particularly important for sparsely populated regions, only arise if there is an open mind towards external knowledge in addition to regional self-confidence. This is the only way to defend structures and ways of life worth preserving against the majority of the population living outside the Alps. The concept of European macro-regions could offer a way out of the tension between identity and openness, provided that these macro-regions seriously attempt to bridge prosperity trenches and national borders with their geographically wide demarcation. In order to do so, they need sufficient competence and the willingness to shape the relationship between the Alps and the plain in such a way that the interests to work and live in the mountain regions under the special conditions of topography are protected. This will not be possible without cross-subsidisation; to achieve this, mountain areas will have to some extent respond to the needs of urban areas. The task remains to renegotiate relations between the Alps and the plains in order to redefine complementarity between them on the basis of a new territorial solidarity.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/rga/4581