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Titre Transféminicides : des violences de genre spécifiques ?
Auteur Giovanna Rincon, Simon Jutant, Pauline Delage, Marylène Lieber
Mir@bel Revue Cahiers du genre
Numéro no 73, 2022 Fémi(ni)cide
Page 161-175
Résumé La question des féminicides, qui occupe ce numéro, fait l'objet d'une actualité militante et académique dans le contexte français, quand celle des transféminicides est moins connue. Dans le contexte brésilien, la sociologue Berenice Bento (2016) les définit comme « une politique éparse, intentionnelle et systématique d'élimination de la population trans […] avec pour mobile la haine et le dégoût ». Comme les féminicides, ils sont, selon elle, symptomatiques d'une vision de la place des femmes dans la société, qui est exacerbée par les corps trans. Si le genre est l'une des motivations premières des meurtres, les transféminicides se caractérisent, selon cette chercheuse, par une violence ritualisée et spectaculaire, le fait de se dérouler dans l'espace public, l'absence de reconnaissance, tant en termes de poursuite pénale que de sépulture, ou encore par le mégenrage systématique des victimes.Le meurtre dans le bois de Boulogne, en août 2018, de Vanessa Campos, une travailleuse du sexe trans, a suscité un énorme émoi tant dans la communauté trans que dans celle du travail du sexe. Il a donné lieu à une campagne de politisation sans précédent en France, permettant aux associations et au syndicat du travail du sexe de dénoncer la récurrence de ce type d'assassinat et le silence assourdissant qui les entoure, tout comme les formes de mégenrage qui restent de mise, ces femmes étant souvent qualifiées de « prostitué travesti »1. Il nous a donc semblé utile de donner la parole à Giovanna Rincon et Simon Jutant, deux membres d'Acceptess-T2, une association de santé communautaire3 francilienne créée par plusieurs femmes trans originaires d'Amérique du Sud, concernées par le travail du sexe, par le VIH et par les parcours d'exil. Cette association a joué un rôle important dans la politisation des enjeux trans, et des transféminicides en particulier. Giovanna Rincon et Simon Jutant présentent la reconnaissance parfois ambivalente dont le terme fait l'objet, en soulignant à la fois les ressorts spécifiques de la transphobie, tout en mettant en évidence la nécessité d'inclure les femmes trans dans un débat féministe plus large. L'entretien s'est déroulé en janvier 2022, alors que le procès des accusés du meurtre de Vanesa Campos venait de commencer et qu'Acceptess-T demandait à se constituer partie civile, ce qui lui a été refusé.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDGE_073_0161