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Titre Modalités d'interpellation d'êtres non humains en contexte pluri-thérapeutique à Yaoundé (Cameroun)
Auteur Fernand Idriss Mintoogue
Mir@bel Revue Politiques de communication
Numéro Hors série no 2, 2023 Politique des non‑humains
Page 85-115
Résumé Au cœur des sociétés africaines et notamment au Cameroun, où je mène mes enquêtes et collecte mes données, il existe deux constantes difficilement négligeables dans l'analyse du panorama socio-économique et religieux local : les plaintes récurrentes liées aux attaques sorcellaires, couplées à une offre thérapeutique si originale et variée qu'elle semble illimitée. C'est que, les populations, dans leurs déboires, leurs plaintes et leurs quêtes de guérison, n'ont que l'embarras du choix avec la consultation des médecins, des pasteurs/prophètes et des guérisseurs « traditionnels », spécialistes relevant des trois sphères curatives majoritaires. En dehors des médecins et leurs savoirs biomédicaux respectifs, les deux autres figures thérapeutiques travaillent régulièrement en mobilisant des forces surnaturelles détenues par certains non-humains – êtres présentés localement comme spirituels –, lorsqu'elles ne prétendent pas, être détentrices de ces pouvoirs obtenus dans le cadre d'une alliance avec tels êtres. Ces pouvoirs peuvent, par exemple, ainsi être obtenus via l'atteinte d'un niveau d'expertise rituelle plus ou moins avancé, qui les autorise à communiquer avec ces êtres. Or, cette communication se retrouve au cœur de leurs stratégies thérapeutiques, lorsque ces guérisseurs allient les connaissances développées du monde naturel – de la pharmacopée – et des divers types de ces entités non humaines (divinités, esprits, ancêtres ou encore créatures particulières) aux modalités d'interpellation particulières (discours, oraisons, lieux spéciaux, techniques/gestes techniques, matériaux, chants/louanges, etc.) dans le but d'obtenir (ou négocier) d'elles des services de guérison/revitalisation, de purification/conjuration ou encore de dépossession et de bénédiction. L'objectif de la présente proposition sera surtout d'évaluer, à partir de l'exemple de deux thérapeutes exerçant au Centre du Cameroun – un « prêtre gnostique », selon sa propre formule, et un guérisseur « traditionnel » –, les modes de construction de l'agentivité (Gell 1998) de ces non-humains, leurs classifications, et surtout les manières de rentrer en contact avec eux, afin de mobiliser leurs capacités d'action particulières, lors de certaines séquences de soin. Je m'appuierai principalement sur des matériaux collectés sur plusieurs mois en observations passive et participative entre 2021 et 2022, dans le cadre de mes travaux de thèse. Le but sera alors de décrypter les techniques employées par certains humains – les experts rituels – établissent des relations ou coopèrent avec de tels non-humains singuliers, invisibles mais qui ne sont pourtant pas des êtres de fiction et dont l'impact sur la vie des populations ne saurait être négligée.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais At the heart of African societies, and particularly in Cameroon, where I carry out my investigations and collect my data, there are two constants that are difficult to ignore when analyzing the local socio-economic and religious panorama: recurring complaints linked to witchcraft attacks, coupled with a range of therapies so original and varied that they seem limitless. This is because, in their trials and tribulations, their complaints and their quest for healing, people are spoilt for choice when it comes to consulting doctors, pastors/prophets and « traditional » healers, specialists in the three main healing spheres. Apart from doctors and their respective biomedical knowledge, the other two therapeutic figures regularly work by mobilizing supernatural forces held by certain non-humans – beings presented locally as spiritual – when they do not claim to hold these powers obtained within the framework of an alliance with such beings. These powers can – for example – be obtained by attaining a more or less advanced level of ritual expertise, which authorizes them to communicate with these Beings. This communication lies at the heart of their therapeutic strategies, when these healers combine their knowledge of the natural world – of pharmacopoeia – and of the various types of non-human entities (divinities, spirits, ancestors or even particular creatures) with particular methods of interpellation (speeches, orations, special places, techniques/technical gestures, materials, songs/praises, etc.) in order to obtain (or negotiate) healing/revitalization, purification/conjuration, dispossession and blessing services from them. The aim of the present proposal will be to evaluate, using the example of two therapists performing in central Cameroon – a « gnostic priest », according to his own formula, and a « traditional » healer – the ways in which these non-humans construct their agentivity (Gell 1998), their classifications, and above all the ways of making contact with them, in order to mobilize their particular capacities for action during certain care sequences. I will be relying mainly on material collected over several months of passive and participatory observation between 2021 and 2022, as part of my thesis work. The aim will then be to decipher the ways in which certain humans – ritual experts – establish relationships or cooperate with such singular, invisible non-humans, who are nonetheless not fictional beings and whose impact on people's lives cannot be overlooked.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=PDC_HS02_0085 (accès réservé)