Contenu du sommaire : L'espace des classes moyennes

Revue Espaces et Sociétés Mir@bel
Numéro no 148-149, 2012/1
Titre du numéro L'espace des classes moyennes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • I. L'espace des classes moyennes

    • Éditorial - Jean-Yves Authier, Stéphanie Vermeersch p. 7-16 accès libre
    • Le logement, facteur de sécurisation pour des classes moyennes fragilisées ? - François Cusin p. 17-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les classes moyennes font aujourd'hui l'objet d'une attention accrue, moins pour célébrer leur hégémonie que pour souligner les difficultés croissantes d'une partie d'entre elles. À l'issue d'une vaste enquête sur la population active en France, cet article montre les décalages existant entre l'appartenance aux classes moyennes sur la base du statut socioprofessionnel et les conditions matérielles de vie et de logement. En cause : la faible progression des revenus, l'augmentation des dépenses contraintes (au premier rang desquelles figure le logement) et surtout, le déclassement professionnel d'une partie des ménages des classes moyennes. Les fortes disparités internes à ce groupe accroissent la différenciation des trajectoires résidentielles. Trois type se dégagent nettement : les trajectoires ascendantes qui nourrissent une logique d'aspirations croissantes ; les trajectoires descendantes de ménages confrontés à une « logique de subsistance », au même titre que les fractions les plus modestes des couches populaires ; et, dans l'entre-deux, les trajectoires obéissant à une logique de sécurisation par le logement, tant sur le plan patrimonial, que social et statutaire.
      The middle classes are today attracting renewed attention not so much because of their hegemony but rather because of the growing difficulties that some of them are experiencing. As a result of a vast enquiry into the working population of France, this paper draws attention to the mismatches existing between belonging to the middle classes on the basis of socio-professional status and the actual material conditions of living and housing. This focuses attention on the depreciation of incomes, increasing necessary costs (primarily housing) and most especially the professional downgrading of some middle class households. The striking internal disparities within this group are marked by the differentiation of their residential trajectories. Three types clearly appear: socially upward trajectories with growing aspirations; socially downward trajectories gripped by a “logic of subsistence” in the same way as the lower classes; and, between the two, trajectories protecting social status via housing as much by patrimonial as by social or statutory means.
    • Le loft: habitat atypique et innovation sociale pour deux générations de « nouvelles classes moyennes » - Anaïs Collet p. 37-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La reconversion d'anciens locaux d'activité en logements est un phénomène certes marginal, mais révélateur de certaines innovations sociales dans les franges supérieures des classes moyennes. Plusieurs auteurs ont vu dans la diffusion des lofts l'effet de la récupération marchande de la critique artiste et d'une demande croissante envers un habitat distinguant. L'analyse de cinq cas d'habitants ayant reconverti d'anciens locaux industriels dans le Bas-Montreuil, en région parisienne, fait apparaître d'autres ressorts d'un tel choix résidentiel. Pour la génération des « nouvelles classes moyennes » arrivée dans les années 1980, ces espaces ont permis de mettre en œuvre des normes d'habitat alternatives et de donner sens à une position sociale nouvelle. Pour leurs successeurs, arrivés dans les années 2000, la conversion de locaux d'activité permet de valoriser des ressources non financières et de compenser une position sur le marché immobilier fragilisée par la précarisation de l'emploi.
      Conversion of former industrial premises into housing is certainly a marginal phenomenon, but it reveals social innovations in the upper fringes of the middle classes. Several authors have seen in the multiplication of lofts the effect of the market absorption of the artistic critique and a growing demand for a distinctive kind of housing. The analysis of five cases of people who converted old industrial buildings in the Bas Montreuil, near Paris, reveals other explanations for such a residential choice. For the generation of the “new middle classes”, who settled there in the 1980s, these spaces allowed for the creation of alternative housing norms and gave significance to their new social position. For their successors, settled in the 2000s, converting industrial premises is a way of revaluing non-financial resources and to compensate for a position on the housing market that is weakened by precarious employment.
    • Des « pionniers » prisonniers : immobilité résidentielle et déclassement social des pavillonnaires en ville nouvelle - Anne Lambert p. 53-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose de revenir, dans une perspective dynamique, sur les significations sociales de l'habitat pavillonnaire de ville nouvelle pour les classes moyennes qui s'y sont installées. Différents ressorts pourraient permettre d'expliquer le déclassement vécu (approche subjective) et mesuré par les données statistiques (approche objective). Ils concernent aussi bien les évolutions socio-démographiques des quartiers d'habitat pavillonnaire que les trajectoires inter- et intragénérationnelles d'une partie des cadres du privé touchés par l'instabilité professionnelle dès les années 1980. En outre, la question de l'entretien des ensembles pavillonnaires cristallise les tensions avec la Mairie socialiste à mesure de leur vieillissement ; elle révèle des enjeux politiques liés à la représentation des classes moyennes pavillonnaires sur la scène municipale et à leur perte de pouvoir résidentiel.
      This article studies the evolution of the social meanings that suburban housings in new cities bear on the middle classes that live there. Several reasons could explain the drop in status that they experience (subjective approach) and that is measured with statistical data (objective approach). They deal with the socio-demographic evolutions of the suburban areas as well as with the personal and family path in life of part of the middle management who have experienced professional instability and unemployment since the 1980s. Moreover, as years go by, the issue of the maintenance of the ageing suburban areas strengthens tensions with the left-wing city council representatives. It reveals the underlying political issues linked to the representation of the suburban middle classes on the local political scene.
    • Trajectoires résidentielles et choix électoraux chez les couches moyennes périurbaines - Jean Rivière p. 73-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les zones pavillonnaires périurbaines sont souvent considérées comme l'espace des couches moyennes par excellence. Depuis 2002 et avec les évolutions électorales récentes, s'est développée une tendance à la stigmatisation de ces mondes périurbains en raison des pratiques électorales supposées illégitimes de leurs habitants. Une enquête par questionnaire « sortie des urnes » réalisée lors de la présidentielle de 2007 permet de discuter de la validité empirique de ce qui est souvent présenté comme des évidences scientifiques en matière de socialisation résidentielle et politique des couches moyennes. Son exploitation montre qu'en contexte périurbain comme ailleurs, les positions et trajectoires socio-résidentielles des habitants continuent de peser lourd sur leurs choix électoraux.
      Suburban areas are usually looked upon as the middle class space par excellence. Since 2002 and with the recent electoral change, voting patterns of suburban areas inhabitants have led to a growing stigmatization of these areas which are sometimes seen as bastions of protest and extremism. Using “right at the polling booth” opinion polls collected during the 2007 presidential election, this paper intends to show that in a suburban context as anywhere else, the social status and trajectories of residents have a sizeable impact on their electoral choices.
    • Pratiques et représentations des couches moyennes en banlieue rouge : stratégies résidentielles et ancrage territorial - Lina Raad p. 91-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse les caractéristiques et les pratiques des couches moyennes habitant les quartiers anciens de banlieue, et tente de dégager une éventuelle spécificité de ces groupes du point de vue de leur rapport au quartier et de leurs modes d'investissement. À Saint-Denis, ville populaire de la banlieue rouge, le centre ancien connaît en même temps une dégradation et un réinvestissement par des couches moyennes. En venant s'y installer, les membres des couches moyennes mettent en œuvre des stratégies résidentielles leur permettant de concilier centralité et qualité de logement, à un coût compatible avec leur capital économique, ce qui ne peut s'obtenir qu'au prix d'un éloignement du centre de Paris. Leurs pratiques et leurs formes d'engagement centrées sur leur quartier montrent qu'ils sont à la recherche d'un ancrage territorial. L'investissement des gentrifieurs et la mixité résidentielle n'entraînent pas pour autant un réel mélange social.
      This article is an analysis of the characteristics and practices of middle class residents living in the old suburbs of Paris. It attempts to demonstrate the hypothetical specificity of their relationship with the neighborhood and their type of investment. The old center of Saint-Denis, one of the “red” blue-collar suburbs in the North of Paris, is deteriorating while it is also being reinvested in by middle class residents at the same time. By settling down in Saint-Denis' center, middle class residents implement a residential strategy that allows them to combine central location and quality of housing, which can only be achieved by moving outside of Paris. Their daily practices and their investment in the neighborhood demonstrate that they are seeking a territorial foothold. Nevertheless, gentrifiers' investment and residential diversity do not lead to a true social blend.
    • Choix résidentiels et différenciation des modes de vie des familles de classes moyennes en Suisse - Marie-Paule Thomas, Luca Pattaroni p. 111-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article approche la question de la différenciation des classes moyennes par la thématique des choix résidentiels. Basés sur une enquête auprès de ménages familiaux des agglomérations de Lausanne et Berne (Suisse), l'article propose une approche en termes de modes de vie – saisissant dans un même cadre d'analyse les dimensions sensibles, sociales et fonctionnelles du rapport à l'environnement construit. Les résultats permettent ainsi d'identifier sept modes de vie résidentiels contrastés au sein des classes moyennes qui permettent de lier aspirations résidentielles et manières de vivre. La diversité en jeu n'est ici pas simplement relative à une transformation des valeurs ou des modes de consommation mais elle renvoie à l'articulation complexe des différentes sphères du mode de vie révélant une sédimentation historique des différentes manières de se rapporter au logement et au territoire apparu au fil du siècle dernier.
      This article deals with the question of middle class differentiation via residential choices. Based on a study of family households in the Lausanne and Berne agglomerations in Switzerland, life styles are examined with reference to sensitive social and functional dimensions as they relate to the built environment. Seven contrasting residential life styles within the middle classes are identified which link residential aspirations and life styles. The diversity at play does not simply reflect a transformation of values or consumption patterns but refers back to the complex articulation of different life styles revealing a historical sedimentation accumulated throughout the last century of different ways of relating to housing and territory.
    • Comment partager les mêmes espaces ? Les classes moyennes à Durban (Afrique du Sud) - Sophie Chevalier p. 129-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans une recherche menée depuis plusieurs années à Durban, sur les classes moyennes blanches et non blanches, l'auteur de cet article s'intéresse à la façon dont s'articulent race et classe sociale dans la nouvelle Afrique du Sud, en posant l'hypothèse que l'identification à la classe sociale se renforce et tendrait peu à peu à supplanter, dans certains cas, l'identification raciale. Les exemples pris ici concernent l'organisation spatiale urbaine, plus précisément, des espaces résidentiels et un espace de loisirs, la plage. Elle montre que les classes moyennes jouent un rôle important dans la réorganisation et la reconstruction de l'espace urbain, qui s'inscrivent dans des enjeux de partage de territoires. Les modalités de ce partage de la ville et du « vivre ensemble » différent selon les espaces considérés, et de nouvelles identifications sociales se créent même si les anciennes références communautaires restent encore très fortes.
      This paper is concerned with the articulation of race and social class in the new South Africa. It is based on research into the white and non-white middle classes undertaken in Durban over several years. Its main hypothesis is that class identity both reinforces and gradually replaces race identity. The examples presented here are taken from the spatial organization of the city, specifically residential areas and a recreation area, the beach. I show that the middle classes play an important part in the reorganization and reshaping of urban spaces, raising issues about how territory is to be shared. How people share the city and “live together” varies between the two examples given; and new social identities are created even if the old points of communal reference remain very strong.
    • Classe moyenne versus classe ouvrière. Working Class Suburbs et le mythe de la banlieue étatsunienne - Maria Margarita Gonzalez Cardenas p. 145-158 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il y a cinquante ans est paru l'un des premiers livres à mettre en cause ce qui a été appelé « le mythe de la banlieue » étatsunienne. Il s'agit d'une publication à la fois peu médiatisée et durement critiquée à l'époque. Écrit par Bennett M. Berger, le livre a fait la réputation de son auteur, tout en réveillant l'intérêt pour les études sociales sur la banlieue. L'analyse du livre permet d'étudier la relation aux États-Unis entre banlieues et classes sociales. Cet article présente le livre aux lecteurs francophones et explique sa conception, en même temps qu'il tente d'évaluer son intérêt cinquante ans après sa parution.
      At the beginning of the sixties the American sociologist Bennett M. Berger published his first book calling into question what was then referred to as the ‘suburban myth' of the United States. When published it was neither a best seller nor considered reputable research. It was probably one of the first publications on working class suburbia; if not an original view of suburbia, it offered a different view from those of the early fifties. This article studies the book and introduces its contents to the French public in order to evaluate the study fifty years after its completion.
  • II. Hors-dossier

    • « Jouer son atout » : figuration et sociabilité de rue dans une banlieue de Lisbonne - João Pedro S. Nunes p. 159-176 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le rassemblement quotidien d'un groupe d'hommes jouant aux cartes sur l'un des trottoirs de leur quartier de résidence. Cette pratique est perçue ici comme une figuration de rue, notion qui permet l'interprétation de ses effets sur l'élaboration des formes de sociabilité dans un espace public de proximité. En reconstituant l'émergence et la consolidation de ce petit monde social, on explore la production d'un ordre social local. À la fin de l'article, le caractère public de cette figuration de rue est débattu (ou analysé), en considérant la manière dont cet usage de l'espace et la sociabilité qui y est pratiquée transforment la condition sociale et urbaine des protagonistes.
      This article analyses the daily gathering of a group of men who meet to play cards on a pavement in their neighbourhood. This practice is understood as a pattern of street behaviour, a notion that enables the interpretation of its effects on the public space of the neighbourhood. By reconstituting the emergence and the consolidation of this small social world, an exploration of the production of a local social order is carried out. At the end, the public character of this street pattern is discussed in terms of the ways in which such uses of space and sociable practices change both the social and urban condition of the players.
    • Quand les managers publics locaux inventent la métropole procédurale - Marie-Pierre Lefeuvre p. 177-194 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article met en évidence le rôle de certains managers locaux dans la construction politique des métropoles, en s'appuyant sur l'étude de terrains français. Ces administrateurs et ces techniciens, qui coordonnent des actions impliquant plusieurs institutions (collectivités territoriales, établissements publics) et sont situés dans l'orbite du champ politique, peuvent être classés en trois catégories : les régulateurs de l'intercommunalité, les inventeurs de territoires, les pilotes d'actions publiques. Ils occupent une position de marginal sécant et développent leur capacité d'action en s'appuyant sur différentes ressources : la maîtrise des règles du jeu ; la territorialité ; la « sectorialité ». Les métropoles qu'ils co-construisent peuvent être qualifiées de procédurales parce qu'elles procèdent de la recherche approximative des régulations possibles à partir de ces trois types de ressources.
      This article highlights the role of certain local managers in the political construction of metropolises based on the study of French case studies. These administrators and technicians coordinate actions involving several institutions (territorial administrations, public institutions). Situated in the political sphere they can be classified in three categories: inter-municipal regulators, territory inventors and public action initiators. They occupy a gatekeeper (marginal secant) position and develop their scope of action by relying on various resources: mastering the rules of the game; territoriality; “sectoriality”. The metropolises they co-build can be considered as procedural because they proceed from the approximate search for possible regulations from these three types of resources.
  • Controverses

  • Notes de lecture