Contenu du sommaire : Sociologie et anthropologie. Convergences, croisements et dissonances

Revue L'Année sociologique Mir@bel
Numéro vol. 62, no 1, 2012
Titre du numéro Sociologie et anthropologie. Convergences, croisements et dissonances
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Études réunies et présentées par Francis Affergan et Erwan Dianteill

    • Introduction - Francis Affergan, Erwan Dianteill p. 9-22 accès libre
    • Le Japon à fronts renversés. Stoetzel versus Benedict - Francis Affergan p. 23-39 accès libre avec résumé
      Nous nous proposons dans cet article de confronter deux lectures du Japon de l'immédiat après-guerre. La première, celle de Ruth Benedict, est restée célèbre en raison d'une approche inaugurale d'une société japonaise qu'en tant qu'anthropologue, elle n'a pas visitée. La seconde, celle de Jean Stoetzel, relevant de la sociologie statistique d'enquête, s'est appuyée sur une étude de terrain très fouillée, surtout auprès de la jeunesse. Cette double lecture d'un même objet nous aura enseigné qu'en sciences sociales, les méthodes et les enquêtes se pratiquent souvent à fronts renversés. Le sociologue quantitativiste a révélé, grâce à une approche authentiquement ethnographique, une réalité d'une grande complexité. L'anthropologue, endeuillée par l'absence de données de terrain, nous livre, quant à elle, une réflexion philosophique et abstraite sur un Japon plus rêvé que réel, plus idéalisé que présent et dont la beauté nous conduit aux confins d'une fiction inattendue.
    • L'impact de Bergson sur la sociologie et l'ethnologie françaises - Heike Delitz p. 41-65 accès libre avec résumé
      L'article suit la trace d'Henri Bergson dont la philosophie a une influence très grande sur la pensée française au XXe siècle. Pourtant, l'histoire de la science sociale semble ne pas s'intéresser beaucoup à Bergson, y compris lorsqu'il s'agit de mesurer son influence sur la sociologie ou l'ethnologie. Afin d'expliquer les incidences cachées de cet auteur, déclencheur d'un « choc » dans la philosophie française, sur la pensée sociologique et ethnologique, l'article vise à montrer 1) qu'il y avait une « répulsion typique » vis-à-vis de Bergson dans l'École de Durkheim, 2) que Bergson lui-même a développé une théorie sociologique en réponse à Durkheim, et 3) qu'au-delà de cette querelle il y a une pensée sociologique et ethnologique spécifique qui relève de la philosophie de Bergson. C'est avant tout au niveau théorique que la quête des « effets Bergson » ajoute des chapitres à l'histoire de la pensée sociologique et ethnologique.
    • L'interprétation des terrains et le recours à des propositions théoriques - Pierre Demeulenaere p. 67-91 accès libre avec résumé
      Dans cet article, nous affirmons que l'ethnographie ne devrait pas être séparée entre travail empirique de terrain et interprétation théorique qui constituerait un moment distinct. L'idée est que toute entreprise ethnographique, qu'elle soit descriptive ou explicative, est basée sur des propositions générales théoriques qui ne sont pas déduites directement du travail de terrain qui est à interpréter. L'article propose une typologie de ces propositions générales et considère leur localisation dans le raisonnement explicatif qui est essentiellement déductif.
    • Anthropologie culturelle ou anthropologie sociale ? Une dispute transatlantique - Erwan Dianteill p. 93-122 accès libre avec résumé
      Comment l'expression « anthropologie sociale » s'est-elle imposée en France ? Pourquoi l'appellation « anthropologie culturelle » n'a-t-elle pas été retenue ? La réponse semble se trouver dans la filiation menant de Durkheim à Lévi-Strauss en passant par Mauss. Toutefois, cette explication fait peu cas d'un débat important ? auquel Lévi-Strauss a participé ? entre Britanniques et Américains portant sur la nature de la discipline dans les années 1950 : l'anthropologie doit-elle être culturelle ou sociale ? L'anthropologie sociale est-elle bien de l'« anthropologie » ? Ou bien s'agit-il de sociologie ? En France et au Royaume-Uni, les partisans de l'anthropologie « sociale » sont victorieux, même si Lévi-Strauss s'écarte paradoxalement de la sociologie en prenant la linguistique structurale comme modèle ; aux États-Unis, l'anthropologie reste « culturelle », c'est-à-dire ouverte à la psychologie, l'archéologie, la géographie, la technologie, l'histoire, l'esthétique et les humanités en général.
    • Max Weber et l'anthropologie - Michael Löwy, Eleni Varikas p. 123-141 accès libre avec résumé
      Malgré la présence évidente d'analyses de type anthropologique dans ses écrits, Weber est rarement considéré comme anthropologue. Il nous semble cependant que le « moment anthropologique » est bel et bien une des composantes de son oeuvre : une bonne partie de ses écrits porte sur les sociétés dites « archaïques ». Au fond, son projet scientifique ? comment émerge la modernité rationnelle occidentale ? ne prend sens que dans l'écart avec les sociétés non modernes, « primitives ». Weber est donc bien anthropologue, au sens où il rend raison des sociétés prémodernes, et de cette analyse découlent des concepts utiles pour comprendre la modernité. Anthropologie et sociologie sont inséparables d'une approche historique. Ce qui les distingue n'est pas tant la méthode ou les objets ? religion, normes sociales, famille ? que le type de société/communauté étudiée.
  • Varia

    • Les jurés populaires et les épreuves de la cour d'assises : entre légitimité d'un regard profane et interpellation du pouvoir des juges - Aziz Jellab, Armelle Giglio-Jacquemot p. 143-193 accès libre avec résumé
      Citoyens tirés au sort à partir de listes électorales, les jurés de cour d'assises doivent se socialiser assez rapidement à un univers judiciaire et à un rôle auquel ils ne sont guère préparés. Cette socialisation ne va pas de soi, car non seulement les jurés s'interrogent sur leur légitimité puisqu'ils sont rarement des juristes mais aussi, ils découvrent des professionnels du droit, des faits incriminés et des mondes sociaux dont la cruauté les déstabilise alors même qu'ils doivent conserver une neutralité quant à la fonction de juger. La rencontre avec les professionnels de la cour d'assises et plus particulièrement avec les juges est marquée par de nombreuses épreuves et génère des sentiments très ambivalents, tenant aussi bien aux modes d'accueil, de qualification et de disqualification qui leur sont réservés, qu'aux écarts observés entre la légitimité des magistrats professionnels et des pratiques judiciaires perçues comme « manipulatoires ». Si juger n'exige pas de la part des citoyens la connaissance du droit mais une attention et un usage de la « raison » en vue de construire leur « intime conviction », l'émotion qu'ils éprouvent à l'écoute des faits incriminés apparaît aux juges comme à la fois inévitable et susceptible de déstabiliser la sérénité du jugement. Aussi, les rapports de pouvoir qui naissent lors de cette rencontre entre juges professionnels et jurés profanes ne prennent sens qu'à l'aune des contraintes institutionnelles qui s'exercent sur les premiers et des manières dont les seconds pensent plus ou moins peser sur la justice pendant le délibéré. L'appropriation socialement différenciée de son rôle de juré comme les différences relevées chez les magistrats quant à la conduite des procès et à la place accordée aux jurés ne remettent pas en cause le poids dominant des juges mais laissent entrevoir des effets différenciés de cette expérience sur les citoyens-juges. La contestation du pouvoir des juges qui cohabite avec l'attachement des jurés au maintien d'une justice échevine démontre qu'au-delà des épreuves vécues, la socialisation à la cour d'assises est une promesse de démocratie apportant une certaine reconnaissance aux individus.
    • Interprétations de la cohésion sociale et perceptions du rôle des institutions de l'État social - Caroline Guibet Lafaye, Annick Kieffer p. 195-241 accès libre avec résumé
      La référence à la cohésion sociale est, depuis les années 1980, récurrente dans le discours politique mais la littérature scientifique qui lui est consacrée demeure réduite. Nous nous appuierons sur l'European Social Survey 4e édition (2008) pour reconstruire des représentations individuelles et des conceptions déterminées de la cohésion sociale en France. L'analyse des jugements, formulés par les enquêtés, concernant les politiques sociales, la solidarité sociale et la coexistence des différents groupes sociaux dans le cadre national permet de mettre en évidence des attitudes typiques à l'égard de la cohésion sociale. Au sein de chacune d'entre elles prévalent des facteurs spécifiquement caractérisables et jugés déterminants dans la constitution de la cohésion sociale. L'ensemble de cette étude contribue à mettre en évidence la cohérence des représentations de la cohésion sociale émergeant dans cette enquête.
  • Note de lecture

  • Analyses bibliographiques générales