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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 665, janvier 2013
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • À propos de la « Porte Noire » de Besançon et de la « Porte de Mars » de Reims - Caroline Blonce p. 3-21 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Moins célèbres et moins étudiés que leurs homologues de Narbonnaise (Orange, Glanum), les arcs de Besançon (Germanie Supérieure) et de Reims (Gaule Belgique) n'en sont pas moins de magnifiques exemples de l'urbanisme et de l'art monumental romains. Le but du présent article est d'offrir une étude détaillée et comparée de ces deux édifices, faisant ainsi ressortir la profonde originalité de leur décor figuré, mais aussi la proximité qui existe entre eux. L'attention portée aux détails de ce décor (grâce notamment à une restauration de grande ampleur à Besançon) permet de mieux comprendre le contexte de création de ces arcs et, de ce fait, d'avancer une nouvelle proposition de datation : la fin du règne de Marc Aurèle. Les deux arcs sont ainsi replacés dans le contexte des campagnes germaniques et du triomphe célébré par Marc Aurèle et Commode en 176 ap. J.-C. Ces deux monuments reflètent la pénétration de la culture gréco-romaine, à travers les mythes, dans les provinces occidentales de l'empire romain. Ils attestent également l'importance de la mise en scène du pouvoir impérial dans l'espace de la cité, à travers l'urbanisme.
    Two monumental arches are located in Besançon (known as “Porte Noire”) and in Reims (known as “Porte de Mars”), in the former Roman provinces of Germania Superior and Gallia Belgica. They may be less famous than those of Orange or Glanum, in former Gallia Narbonensis, but they nevertheless are very good examples of Roman urbanism and monumental art. This article aims to compare these two monuments in order to show how original they are, especially in terms of iconography, but also how close they are. In Besançon, the “Porte Noire” is a one-passageway monumental arch almost entirely covered by highly detailed carvings. On the exterior of the passageway, these carvings mostly show mythological scenes (Castor and Pollux, Herakles, Ajax, Leda...). On the top of the archway, Zeus is seen fighting against Giants. Inside the archway, the carvings depict the Roman army fighting against Eastern (Parthians) and Western (Germanic) enemies. In Reims, the “Porte de Mars” is a wide three-passageway arch. The carvings placed inside the central passageway also showed the Roman army fighting against enemies, but they are now in a very poor state. This monument is mostly famous for the carvings located on the ceilings of the three passageways. The two lateral scenes show mythological figures (Zeus and Leda ; Romulus and Remus), while the central one depicts a calendar, illustrated with rural motives. A very close study of this unique sculptural ornamentation (thanks to a very recent cleaning operation in the case of Besançon) allows a better understanding of the context of their construction, and, therefore, to propose a new dating : the end of emperor Marcus Aurelius' reign. Both arches must be placed in the context of the Marcommanic Wars and of the triumphal procession held by the emperor and his son Commodus in Rome in 176 AD. Both arches testify of the penetration of Greco-Roman culture and mythology in the western provinces of the Roman Empire. They also reflect the importance taken by the celebration and the staging of the imperial power in urban and civic space.
  • Une chancellerie complexe. La production d'actes dans l'entourage comtal pendant l'union personnelle des comtés de Flandre et de Hainaut (1191-1244) - Els De Paermentier p. 23-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Faisant suite aux études de Thérèse de Hemptinne et de Walter Prevenier, cette contribution tente de formuler une réponse à des questions concernant le fonctionnement de la chancellerie de Flandre sous les successeurs du comte Philippe d'Alsace († 1191) : Comment la chancellerie comtale a-t-elle évolué jusqu'au milieu du XIIIe siècle ? Quelles personnes étaient responsables de l'expédition et de la confection des chartes comtales ? Quelles formes d'organisation la chancellerie a-t-elle prises, et peut-on parler d'un concept univoque de « chancellerie » ? L'existence d'une union personnelle entre les comtés de Flandre et du Hainaut depuis 1191 a influencé ce questionnement, à savoir comment les activités de chancellerie se sont-elles développées par la suite dans les deux comtés administrés par les mêmes princes(ses). Afin de pouvoir répondre à ces questions, trois approches méthodologiques ont été utilisées, à savoir une analyse diplomatique du dictamen des actes comtaux, une étude paléographique des originaux conservés et un inventaire prosopographique du personnel de la chancellerie. La base de données Diplomata Belgica s'est révélée d'une valeur inestimable pour chacune de ces approches. Les résultats de l'étude ont abouti à une nouvelle compréhension de la participation de la chancellerie comtale de Flandre-Hainaut au processus de la « révolution de l'écrit », et de la bureaucratisation dans les Pays-Bas méridionaux au début du xiiie siècle. Finalement, les conclusions nous ont porté à nuancer quelque peu la définition d'une « chancellerie princière territoriale ».
    As a sequel to earlier studies of Thérèse de Hemptinne and Walter Prevenier on the origin and development of the comital chancery in Flanders during the twelfth century, this research aims at examining how this chancery had further developed during the first half of the thirteenth century, under the government of the successors to Philip of Alsace († 1191), by trying to give an answer to those central research questions : « how was the comital chancery organised during the first half of the thirteenth century ? », « who within this administrative organ called ‘chancery' was responsible for both the validation and the intellectual and material production of the charters issued by the count(esse)s ? », « can we still speak of an univocal concept of a ‘chancery' ? ». Furthermore, the personal union between the two counties of Flanders and Hainaut since 1191 entailed an additional research question, namely on the extent to which this political construction could have influenced the working of one chancery for two different counties governed by one prince(ss). In this study, I applied a combined methodology of diplomatics, palaeography and prosopography in order to determine the membership of the counts' administration, as well as ascertaining which charters were drawn up and written down within the comital chancery, and which ones were not. For each of these three methodological approaches, the digital source database Diplomata Belgica offered an invaluable support. The results of this study have lead to new insights into the organisation and operation of the comital chancery during a period when this administrative bureau was still developing, and more generally into the progress of bureaucratisation in the southern Low Countries in the first half of the thirteenth century. Finally, these conclusions have brought myself to slightly nuance the existing and commonly accepted definitions of the concept « territorial princely chancery ».
  • La rivalité des pardons. Géographie politique de la grâce dans le royaume de France et les Pays-Bas bourguignons, de Charles VI à François Ier - Léonard Dauphant p. 57-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'étude du ressort des lettres de rémission permet de mesurer l'impact de la justice du roi de France au sein de son royaume, et donc de territorialiser et de quantifier la souveraineté. Le roi accorde sa grâce dans tout le royaume, sauf trois principautés (Bretagne, Barrois, Guyenne anglaise). Les rémissions émises par les chancelleries princières sont moins nombreuses et bien plus mal conservées (Barrois). La grâce du roi domine très largement dans le royaume, y compris dans les principautés de l'intérieur (État Bourbonnais). Seuls les Pays-Bas bourguignons font exception, à cheval entre Empire et royaume. Une étude quantitative des rémissions octroyées par les deux chancelleries (royale et ducale) dans un même territoire, l'Artois et la Flandre, est possible pour les années 1498-1502. Elle montre leur concurrence ainsi qu'un partage coutumier de l'espace des Pays-Bas bourguignons entre l'appel auprès de la chancellerie de Paris (Artois) et l'appel auprès de la chancellerie de l'archiduc (Flandre flamingante), la Flandre wallonne étant partagée. Ces pratiques suggèrent que la souveraineté royale a survécu en Artois jusqu'au règne de Charles Quint, portée par une pratique populaire du recours au roi contre la justice ducale. La souveraineté, ici redéfinie comme justice en dernier ressort reliant la capitale et les sujets du duc, ne survit pas à la guerre des années 1520 qui impose une frontière fondée sur la domination militaire.
    The study of the jurisdiction of the letters of remission allows to analyse the impact of the King of France's justice in his Realm. Thus, this helps to quantify the practice of sovereignty and to measure its geographical scope. The King gives pardon in the whole realm with the exception of three Principalities (Brittany, Barrois, British Guyenne). There are not so many remissions issued by the Princely Chanceries. Besides, they are not so well preserved (Barrois). The King's pardon largely predominates in the Realm, including the inner Principalities (Bourbonnais). The Burgundian Low Countries stand as exception, between Empire and Realm. A quantitative study of remissions granted by both Royal and Ducal chanceries is possible for a unique territory, Artois and Flanders from 1498 to 1502. We can find 71 letters produced by the Royal chancery and still conserved about Artois (50), Gallic Flander (6), Flemish Flander (1) and others cases in the border (14). During the same years, we can find 165 letters produced by the Ducal chancery about Flemish Flanders (133), Gallic Flander (27) and Artois (3). The study shows the competition between the chanceries as well as a customary division of the Burgundian Netherlands' territory. The appeal to the Chancery of Paris prevails in Artois whereas the appeal to the Archduke is dominant in Flemish part of the county of Flanders, the Gallic Flanders being divided. These practices suggest that the Royal sovereignty survived in Artois until the reign of Emperor Charles V, kept by a popular custom of the resort to King's justice against the Archduke's justice. The sovereignty which stands here as a last resort justice that creates a link between the capital and the Archduke's subjects will not endure the war in the years 1520. The latter will impose a border based on military domination.
  • Le parlement de Savoie (1536-1559), un outil politique au service du roi de France, entre occupation pragmatique et intégration au royaume - Marie Houllemare p. 89-117 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le parlement de Chambéry n'eut qu'une existence éphémère pendant l'occupation française de la Savoie (1536-1559). Pour rendre compte de son activité, les chercheurs disposent de sources variées : registres parlementaires des édits-bulles, correspondances administratives et procès-verbaux d'enquête, mais aussi papiers personnels du président Pellisson. Leur confrontation atteste que cette institution, loin de se limiter à rendre justice, servait aussi à consolider la conquête, en assumant par exemple une fonction de logistique militaire et de surveillance des frontières. Elle participait plus généralement de l'affirmation de la souveraineté française dans une région restée en partie fidèle au duc de Savoie, en tentant de susciter la confiance des élites locales et en manifestant la bonne volonté du roi à l'égard de ceux qui lui obéissaient. Enfin, son activité était marquée par les efforts d'unification administrative du royaume au milieu du XVIe siècle, passant plus par la circulation et la surveillance des magistrats que par la procédure.
    The short-lived Parliament of Chambéry was born during the French occupation of Savoy (1536-1559). Its activity can be traced back by using various sources : the Edits-Bulles registrers of the parliament ; many official letters and reports of enquiry and the papers of President Pellisson. By confronting these various sources, it appears that this institution, far from being only judicial, was used as a means to reinforce the conquest of Savoy by performing numerous tasks, such as military logistics or boarder control. Moreover, by trying to gain local elites confidence and showing the king's good will towards his obedient subjects, it was playing an important part in promoting French sovereignty over a region whose loyalty still lay with the Duke of Savoy. Finally, its activity shows how the central power tried to unify administration in the mid-XVith century by means of circulation and surveillance of officers, far more than by imposing a common procedure in courts.
  • Le savoir contemplatif : les religieuses et les limites de la connaissance (Espagne, XVIe siècle) - Antoine Roullet p. 119-143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose de revenir sur le rapport des religieuses à la culture savante en réévaluant leurs appropriations du savoir théologique. Il s'appuie sur un dépouillement de leurs autobiographies spirituelles et de l'hagiographie des carmélites espagnoles, entre les années 1560 et les années 1630. Il met en évidence quatre postures vis-à-vis du savoir lui-même : l'ignorance feinte, la mise en scène du doute, la préservation du mystère et la mise en œuvre d'une herméneutique du savoir visionnaire. Toutes ces attitudes expliquent les incertitudes et les ambiguïtés qui caractérisent l'écriture des religieuses, que l'historiographie a jusqu'ici justement analysée comme les signes d'une rhétorique défensive féminine, voire féministe, face aux censures masculines et inquisitoriales. Mais le flou savamment entretenu de leur prose dès lors qu'elle traite du mystère participe aussi d'une démarche moins genrée, celle de la construction et de la préservation de la croyance.
    This paper deals with the use of theological concepts in nun's writings. It is based on a reading of discalced Carmelites' manuscript and printed lives and of their spiritual autobiographies, between 1560 and 1630. It argues that the uncertainty of their prose when it comes to theology is not only the mark of a defensive rhetoric of femininity. In the same time, their use of divine knowledge seeks to enlighten the nature of god and to defend and preserve its mysteries. It is consciously ambiguous by nature. Their feigned ignorance, their staged doubts, and the cautious hermeneutics they apply to their visions vouch for it and shows how the controlled use of reason and understanding contribute to create the conditions of belief.
  • L'autre côté de la barricade : perceptions et pratiques policières en mai et juin 1968 - Lilian Mathieu p. 145-172 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les affrontements entre étudiants et forces de l'ordre ont nourri la dynamique protestataire de mai 1968, et leurs images sont aujourd'hui au cœur de la mémoire de l'événement. L'article se penche sur ces interactions conflictuelles en privilégiant le point de vue policier. Il se base pour cela sur l'étude des archives policières de la préfecture de Paris et des départements du Rhône et de la Loire. Après avoir présenté l'organisation des troupes mobilisées et les enjeux de leurs modes d'intervention, l'article étudie les fluctuations conjoncturelles des modalités du maintien de l'ordre : à une première phase de désajustement des anticipations et des pratiques policières succède, à partir du 13 mai, une phase de suspension de la présence et de l'activité des forces de l'ordre ; celle-ci s'achève aux alentours du 24 mai par une radicalisation du conflit et une reprise des affrontements violents. Mises en échec pendant une partie de la crise, les forces de l'ordre sauront par la suite tirer les leçons de mai 1968 en matière d'équipement et d'organisation du maintien de l'ordre.
    Violent fights between students and police have fed the contentious dynamics of May 68, and their pictures stand still at the core of the memory of the event. The article highlights these contentious interactions by privileging the police point of view. It relies on the study of the police archives from the Paris prefecture and the Rhône and Loire départements. The article first recalls the organisation of the troops that participated to the event and the stakes of their intervention. It then studies the fluctuations of their modus operandi : after a first phase of maladjustment of police anticipations and practices, appears after May 13th a period of withholding of police presence and activity ; a third phase develops after May 24th, with a radicalization of conflict and the renewal of violent fights. The police have been defeated at some moments during the crisis, but have been able soon after to learn from May 68 in terms of equipment and law enforcement.
  • Comptes rendus - p. 173-247 accès libre