Contenu du sommaire : Propriété et classes populaires

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 26, no 101, 2013
Titre du numéro Propriété et classes populaires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier : Propriété et classes populaires

    • Propriété et classes populaires : des politiques aux trajectoires - Violaine Girard, Anne Lambert, Hélène Steinmetz p. 7-20 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La propriété populaire d'occupation constitue un mot d'ordre politique mobilisé dans des contextes nationaux et historiques variés. Si les classes populaires ont très souvent été associées au logement social, ce dossier porte le regard sur la fabrique des politiques de promotion de l'accession populaire et sur leurs effets en termes de stratification sociale. Parce que les logiques socio-politiques et institutionnelles de production de l'accession populaire comme les trajectoires sociales des accédants, participent à la redéfinition des hiérarchies sociales, ce dossier souhaite ainsi contribuer à la réflexion sur le renouvellement des rapports sociaux de classe.
      Working-Classes and Homeownership: from Policies to social and residential Careers
      Promoting home-ownership for low-income households has become a political motto in a variety of national and historical contexts. However, at least in France and Western countries, the sociological study of working-classes has often focused on social housing estates. This issue analyzes the making of policies supporting the rise of homeownership among working-classes, and the role of high-ranking civil servants, experts, local authorities or home-builders in it. It also questions the impacts of such housing policies on social inequalities. How do the residential careers of homeowners, partly shaped by such public policies, contribute to redefine social hierarchies? Introducing the different contributions of this issue, this paper highlights how they participate to a renewed study of social classes, and calls for further research on this matter.
    • Les Chalandonnettes : La production par le haut d'une accession bas de gamme - Hélène Steinmetz p. 21-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite de la contribution de l'action publique à la genèse et à la dévalorisation des formes de la propriété populaire, en interrogeant la construction politique des marchés du logement. Il analyse précisément la manière dont le ministère de l'Équipement suscite, au début des années 1970, une offre de maisons individuelles à bas prix, à travers la construction de près de 70 000 pavillons connus sous le nom de « chalandonnettes ». En se fondant sur les archives du ministère, ce texte analyse le rôle des hauts fonctionnaires de l'Équipement dans la genèse de cette politique. À la fin des années 1960, la nécessité d'une intervention directe et centralisée de l'État dans la production de maisons « bas de gamme », pour encadrer le développement spontané de l'habitat pavillonnaire, s'impose parmi eux comme une évidence. Toutefois, les transformations des rapports de force dans le champ des politiques du logement, au cours des années 1970, contribuent à la perte de légitimité de cette forme d'action publique, au profit d'une intervention étatique plus indirecte sur le marché de la maison à bas prix, qui contribue à redessiner l'espace des possibles de la propriété populaire.
      « The political production of low-price property ownership: the French “chalandonnettes” in the 1970's »Does public action contribute to the rise and decline of historical forms of working-class property ownership? This is what this article demonstrates, focusing on the political construction of housing markets. It deals specifically with a state policy implemented at the beginning of the 1970's in France by the Ministry of Equipment, meant to arouse a new offer of low price houses known as “chalandonnettes”. Analysing the archives of the Ministry, we can conclude that, at the end of the 1960's, the idea that a centralised and direct state is necessary to regulate the development of suburban housing is taken as granted by the civil servants of central administration. However, as power relations change in the housing field during the 1970s, this kind of public intervention on housing market tends to lose its legitimity and gives way to a more indirect way of encouraging working-class property ownership.
    • Une maison pour le peuple portugais : Genèse et trajectoire d'un quartier du programme des « maisons économiques » à Porto (1938-1974) - Virgílio Borges Pereira, João Queirós p. 49-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une caractérisation générale de la « question du logement » dans la première moitié du XXe siècle au Portugal, cet article propose une analyse du processus de mise en œuvre de la première grande politique de logement de l'État portugais : le programme des maisons économiques (programa das casas económicas), la réponse de l'Estado Novo à la crise du logement qui sévit à l'époque dans le pays, organisée en 1933 autour de la promotion de la propriété de la maison. En s'appuyant sur l'étude de la législation, sur des données issues d'archives et tirant parti des mémoires de résidents âgés, le texte reconstitue les processus de sélection sociale, de ségrégation spatiale et de contrôle moral qui organisaient le quotidien du plus grand quartier de maisons économiques de la ville de Porto – le quartier d'Amial, construit en 1938 et étendu en 1958.
      A House for the Portuguese People
      Taking as reference a general reading of the “housing question” during the first half of the 20th century in Portugal, this paper offers an analysis of the process of development of the country's first major state housing policy: the “programme of economic houses” (programa das casas económicas), the answer of the regime (Estado Novo) to the housing crisis the main Portuguese cities faced by that time. Organized in 1933 around the ideal of homeownership of single-family houses in the city periphery, the programme of economic houses was presented as the definite state answer to “the housing problems of the Portuguese people”, but was never able to accomplish its wide ambitions. Through the analysis of legislation, archives and the memories of old residents, this paper reconstitutes the processes of social selection, spatial segregation and moral control that organized everyday life in the largest neighbourhood of economic houses in the city of Porto – the neighbourhood of Amial, built in 1938 and expanded in 1958.
    • Devenir propriétaire en cité HLM : Petites promotions résidentielles et évolution des styles de vie dans un quartier populaire en rénovation - Pierre Gilbert p. 79-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La différenciation croissante à l'intérieur des classes populaires se manifeste notamment par un clivage entre fractions précaires des cités HLM et fractions stables propriétaires des zones pavillonnaires. En promouvant l'accession à la propriété au cœur des cités, la politique de rénovation urbaine est susceptible de modifier les logiques à l'origine de ce clivage résidentiel. À partir d'une monographie de quartier, cet article souligne que, au lieu des classes moyennes attendues, les accédants à la propriété appartiennent aux fractions stables des classes populaires. Devenir propriétaire en cité HLM leur permet de connaître une petite mobilité résidentielle tout en préservant les liens familiaux et de proximité essentiels à leur équilibre domestique. Leur trajectoire et les efforts imposés par ce nouvel habitat les conduisent à investir intensément leur monde privé et à mettre à distance le quartier et ses habitants les moins « respectables ». Si la rénovation urbaine modifie le peuplement des cités en freinant les logiques centrifuges qui suscitaient jusque-là le départ des catégories stables, la cohabitation de celles-ci avec les plus précaires ne se traduit donc pas par leur rapprochement social.
      Becoming a homeowner on a social-housing estate
      The growing differentiation within the working classes is expressed in particular by a divide between unstable populations on social-housing estates and stable homeowner populations in areas of private detached housing. By promoting access to home-ownership within social-housing estates, urban regeneration policy is likely to modify the processes at the origin of this residential divide. This article, based on a monograph of a neighbourhood in Lyon, France, highlights the fact that, instead of the expected arrival of the middle classes, the new homeowners taking advantage of access schemes come from stable working-class populations. Becoming homeowners on a social-housing estate enables them to enjoy a small degree of residential mobility while retaining the links with family, friends and local acquaintances that are essential to their domestic equilibrium. Their residential trajectory and the efforts that this new occupancy status demands leads them to invest heavily in their private sphere and distance themselves from the neighbourhood and its less “respectable” residents. So, although urban renewal modifies the populating of social-housing estates by slowing down the centrifugal processes that, until now, led to the departure of stable population groups, the cohabitation of these groups with the most unstable population groups does not result in closer social relations between the two.
    • La gauche et le périurbain : Les ambiguïtés de la politique de « mixité sociale » dans une petite commune pavillonnaire et ses effets sur le peuplement - Anne Lambert p. 105-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment les élus des petites communes périurbaines se saisissent-ils des politiques nationales de logement – entre soutien à la propriété et promotion de la mixité sociale – pour tenter d'agir sur le bâti et le peuplement de leur territoire ? C'est la question que pose cet article à partir de l'étude d'une commune pavillonnaire en forte croissance et passée à gauche en 1983, un contexte dans lequel la question de la mixité sociale n'est que très rarement posée. L'analyse des logiques socio-politiques et institutionnelles qui sous-tendent, localement, la production des lotissements révèle, dès lors, leur ambiguïté : les grands lotissements « à l'américaine » visent à attirer les familles de classes moyennes lyonnaises, tandis que l'imposition de quotas de logements sociaux dans les nouveaux programmes doit permettre de loger les ménages modestes de la commune, majoritairement ouvriers et employés. Toutefois, la politique des élus se trouve largement infléchie par les promoteurs immobiliers, en particulier en période de crise économique. L'analyse statistique du peuplement des lotissements montre en effet l'écart qui sépare le projet politique de sa réalisation, avec l'apparition de processus de micro-ségrégation sociale et raciale à l'échelle des lotissements.
      The Left and the periurban
      How do local authorities of small periurban towns come to adopt national housing policy in order to influence their built environment and population – be it in favor of home ownership or mixed-income regulations? We seek to answer this question with this article. Based on the study of a growing residential community outside of Lyon known to vote left wing since 1983, we will tackle the question of diversity policies, one that is rarely posed when discussing this type of periurban settlement. Our analysis on the sociopolitical and institutional logics underlying the construction of housing developments reveals their ambiguity: the larger “American style” residences aim to attract middle class families from urban areas, while affordable housing quotas are imposed in new programs in order to meet the needs of the local modest households. Nevertheless, local policies are strongly influenced by real estate developers, especially in periods of economic crisis. The statistical analysis of population settlements reveals the gap between the political project of social diversity and its concrete realization, and further shows the appearance of ethno-racial and socioeconomic micro-segregations happening at the level of residential sections.
    • Propriété immobilière et autochtonie : Les trajectoires immobilières, sociales et politiques d'un maçon breton et de ses descendant-e-s - Sibylle Gollac p. 133-159 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article mobilise la notion de capital d'autochtonie pour comprendre l'importance du patrimoine immobilier dans les stratégies collectives de reproduction sociale des descendants d'un maçon breton : la propriété immobilière acquise par autoconstruction, mise au service de l'entretien du capital social, constitue ici un dispositif privilégié de production de l'autochtonie et devient la pierre de touche d'une stratégie familiale de perpétuation du statut de la lignée dans l'espace local. En combinant cette monographie à l'analyse de données statistiques, on situe socialement la façon dont propriété immobilière et autochtonie s'articulent chez les Le Vennec : ancrage résidentiel et recours à l'autoconstruction sont liés à des types de ressources et de contraintes socialement situées, à la fois typiques des classes populaires et associées à des trajectoires sociales spécifiques. Mais il s'agit aussi d'interroger ce que les processus d'accumulation du capital d'autochtonie, parce qu'ils reposent aussi sur l'accumulation de biens immobiliers, font aux relations de parenté et en particulier aux rapports sociaux de sexe qui se jouent dans la famille : toutes et tous ne sont pas propriétaires, ne restent pas à proximité et ne tirent pas les mêmes profits, en particulier professionnels et politiques, du capital d'autochtonie familial.
      House ownership and autochtony
      This article uses the Bozon and Chamboredon's notion of “capital of autochtony” to understand the importance of house ownership in the collective strategies of social reproduction of the kinship group of a Breton mason: autoconstructed real estate serves the maintenance of a social capital and constitutes a privileged device of production of autochtony. It becomes the touchstone of a family strategy of perpetuation of the status of the descent group in the local space. By combining this monograph and the analysis of statistical data, we show that the way the Le Vennec articulate real estate property and autochtony is socially situated: residential rooting and autoconstruction are bound to typical popular types of resources and constraints and, at the same time, associated with specific social trajectories. This paper also analyses how the processes of accumulation of capital of autochtony, because they also base on the accumulation of real estate, weigh on family relationships and in particular on the social relations between the sexes as they take place in the family: husbands and wives, sisters and brothers, sons and daughters are not all real estate owners, do not stay all nearby and do not pull equivalent profits, in particular professional and political, from the family's capital of autochtony.
    • Gérer son immeuble comme une « affaire » ? : Dispositions économiques et réticences à la « mise en copropriété » de l'habitat collectif en Russie postcommuniste - Hélène Richard p. 161-182 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que la privatisation des appartements au bénéfice de leurs locataires lancée en 1991 a transformé les immeubles soviétiques en copropriétés, cet article explore l'appropriation du droit de la copropriété par des citoyens ordinaires à partir d'une enquête centrée sur Moscou. En repartant des questionnements sur les conditions sociales et historiques des manières de concevoir l'économique, on observe que certains individus apparaissent plus disposés que d'autres à se saisir d'un nouveau modèle d'administration des immeubles. Le nouveau cadre juridique induit, en effet, une redéfinition des habitants comme des associés potentiels et rapproche la gestion de l'immeuble de la conduite d'une « affaire » comme les autres. Pour le saisir, on s'appuie sur une approche dispositionnelle en comparant les modes d'investissement dans les affaires de leur immeuble de deux femmes situées à des positions éloignées de l'espace social. Ces cas sont tirés d'une enquête extensive géographiquement mais recentrée sur un type particulier d'habitants. Leur analyse permet d'apprécier le poids des trajectoires sociales et des positionnements résidentiels sur le façonnage des lectures du droit et, partant, d'éclairer la fabrique de la copropriété en Russie postcommuniste par ses usages habitants.
      Managing Its Building as a Normal « Business »?
      The privatization of the apartments for the benefit of their legal occupants has made the once Soviet residential buildings into multi-owners properties (or condominiums). This article explores the appropriation of a new legal and economic model of building management by ordinary people living in Moscow. In line of literature that places the emphasis on the historical and social forces driving the economic exchanges, we note that some individuals are more likely to seize the new model. To show this, we start off from an in-depth, comparative case study of two women hailing from different social milieu that got involved in their building's affairs. In turn, these extreme cases function as a magnifying prism of ordinary situations, and help us shed light on intermediate cases as well. They underline how social and residential trajectories shape the ordinary interpretation and uses of law. We take them as an original way to study social construction of condominiums in post-communist Russia.
    • Sur la politisation des classes populaires périurbaines : Trajectoires de promotion, recompositions des appartenances sociales et distance(s) vis-à-vis de la gauche - Violaine Girard p. 183-215 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une part importante des ménages d'ouvriers et d'employés résident aujourd'hui dans les territoires périurbains. Souvent décrits comme y subissant une relégation socio-spatiale, ces ménages se seraient convertis en nombre au vote Front national. À partir d'une enquête ethnographique, cet article montre que ces ménages appartiennent au contraire aux fractions stables ou en ascension des classes populaires et sont porteurs d'aspirations à la promotion sociale, par l'accès à la propriété ou la valorisation de qualifications techniques. Leurs attitudes politiques apparaissent alors façonnées par leurs dispositions sociales : ces périurbains issus des classes populaires, confrontés aux réorganisations de l'emploi industriel, sont portés à valoriser des formes de stabilisation économique plutôt qu'un modèle de réussite par les ressources culturelles. Autant de facteurs qui concourent, par-delà la diversité de leurs pratiques électorales, à la distanciation de nombre d'entre eux vis-à-vis d'une offre politique de gauche.
      On the Politicization of the periurban Working Classes
      A growing part of industrial workers or employees are living nowadays in French periurban areas. These popular households are generally describes as victims of a social or spatial “relegation”. They are also supposed to be largely right-leaning, and often converted to supporters of the FN (National Front, the main far-right party in France). Based on an ethnographic investigation conducted in a periurban industrial area, this article aims at discussing these patterns. The popular inhabitants belong to the stable fractions of the working classes and express aspirations for social advancement: most of them own their homes. Some of them, who had professional qualifications, manage to achieve relatively steady positions, and even supervisory roles or technician jobs. Their voting practices are indeed linked with their social dispositions: faced with massive reorganizations of forms of employment on offer, these working classes voters seem disposed to valuing forms of economic stabilization rather than access to distinctive cultural or educational resources. What become apparent from this case-study is the long-term effects of work reorganization policies: these evolutions drift industrial workers away from left-wing parties.
  • Varia

    • Délinquance et action publique : les illusions d'un diagnostic - Philippe Robert, Renée Zauberman, Fadoua Jouwahri p. 217-245 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le débat sur la délinquance s'attarde sur les moyens, pas sur un diagnostic de ses évolutions. Sur ce dernier point, la doxa peut se résumer ainsi : « la violence croît tandis que les atteintes aux biens diminuent ». Une analyse détaillée des données disponibles sur le moyen terme permet de montrer qu'en rester là est trompeur et ne permet pas de sortir les politiques de sécurité de leurs impasses.
      Crime and government response: the illusions of a diagnosis
      Public debate about crime dwells upon ways and means, not upon an accurate diagnosis of its trends. A commonly shared discourse is that “violence increases, while property crime decreases”. A detailed review of available medium term data shows how wrong this diagnosis is and how misleading for public safety policies.
  • Notes de lecture