Contenu du sommaire : Le travail politique par et pour les médias

Revue Réseaux (communication - technologie - société) Mir@bel
Numéro vol. 32, no 187, 2014
Titre du numéro Le travail politique par et pour les médias
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation

  • Dossier : Le travail politique par et pour les médias

    • Construire des manifestations de papier : L'action des buralistes face à la lutte contre le tabagisme - Caroline Frau p. 22-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le prolongement du texte canonique de Patrick Champagne sur les manifestations de papier, cet article analyse les ressorts du recours au nombre et ses modalités concrètes d'organisation par un syndicat de commerçants, la Confédération des buralistes. Plutôt que de voir dans cet usage la radicalisation du répertoire d'action de cette organisation professionnelle, il est démontré que ce sont avant tout des pratiques du travail de communication commerciale qui sont exportées et reproduites dans la sphère syndicale. Cette étude de l'usage de la manifestation prolonge les recherches sur la communication politique en éclairant les savoir-faire nécessaires à cette action symbolique et en montrant la présence d'acteurs jusque-là pas ou peu identifiés dans les travaux sur les mobilisations (sociétés d'événementiel, comédiens, agences de sécurité privée...) sur le marché des prestations politiques orientées vers les médias.
      Building paper demonstrations
      As follow-up to Patrick Champagne's seminal paper on “paper demonstrations”, this article analyses the motivations for, and the modalities of, the use of numbers by a shopkeepers' union, the Confédération des buralistes. Rather than seeing this approach as the radicalization of this trade union's action, the author shows that it bears witness to trade unions' importation and reproduction of commercial communication practices. This study of the use of demonstrations is a continuation of research on political communication, in so far as it sheds light on the know-how needed for this symbolic action. It also shows the presence of actors who until now were not, or seldom, identified in studies on mobilization (by events organizers, actors, private security agencies, etc.) on the media-oriented political services market.
    • « Passer à la télé » : Analyser la présence des professionnels de la politique au sein des émissions conversationnelles - Pierre Leroux, Philippe Riutort p. 51-77 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'invitation des professionnels de la politique à la télévision est devenue au fil du temps une évidence guère interrogée. L'irruption des émissions de divertissement fournit pourtant l'occasion de s'interroger sur les formes de classement des programmes télévisés recevant des invités politiques, notamment en raison de l'hybridation croissante de l'offre télévisuelle qui remet en grande partie en question la distinction établie entre « émissions politiques » et « divertissements ». De même, le comptage des invitations télévisées gagne à inclure la composition et le volume du capital politique de l'invité afin de saisir ses enjeux pratiques et de saisir pleinement que l'invitation politique télévisée est le résultat d'un compromis instauré – et provisoire – entre deux univers sociaux.
      “Appearing on TV”Over time, the idea of inviting career politicians to appear on television has come to be taken for granted and is rarely questioned. Yet the sudden appearance of entertainment programmes affords an opportunity to investigate the classification of TV programmes that receive political guests – particularly in view of the increasing hybridization of the TV offer, which strongly challenges the established distinction between “political programmes” and “entertainment”. It is likewise necessary, in the counting of TV invitations, to include the composition and volume of the guest's political capital. The practical implications thereof can thus be grasped, and it becomes clear that the televised political invitation is the result of a – temporary – compromise between two social worlds.
    • Modernité de la communication politique ou simple « moment New labour » ? : Flux et reflux du « spin » chez les travaillistes britanniques (1994-2007) - Clément Desrumaux p. 79-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Selon les politistes qui écrivent sur les campagnes électorales à la suite de Blumler et Kavanagh, l'accession de Tony Blair à la tête du Parti travailliste britannique en 1994, puis son installation au 10 Downing Street en 1997, seraient un symbole d'une évolution historique de la communication politique. La capacité du parti, puis du gouvernement, à organiser des campagnes de presse, à réagir rapidement aux événements, à articuler l'action politique aux sondages d'opinion caractériseraient ainsi une nouvelle forme de travail politique définitivement orientée vers les médias. Si l'on réinscrit ce travail politique dans le rapport de force interne au Parti travailliste entre 1994 et 2007, ces évolutions apparaissent plus incertaines et bien moins linéaires qu'il y paraît. La communication politique mise en place autant qu'incarnée par une équipe de « modernisateurs » doit faire face à l'opposition de l'aile gauche du parti et, plus encore, à une méfiance grandissante des journalistes, si bien que le gouvernement travailliste revoit, à partir de 2001, sa communication, son intensité et sa place dans la hiérarchie des pratiques politiques. La transformation de la communication apparaît ainsi moins comme un implacable processus historique qu'une pratique dont les usages varient au gré des conjonctures politiques.
      Modernity of political communication or simply a “New Labour moment”?
      According to the political scientists who, following Blumler and Kavanagh, wrote on election campaigns, Tony Blair's accession to the leadership of the British Labour Party in 1994 and then his move to 10 Downing Street in 1997 are symbols of a historical evolution in political communication. They argue that the Labour Party's, and then the Labour government's, ability to organize press campaigns, to react swiftly to events, and to articulate political action to opinion polls, characterize a new form of political work that is permanently media-driven. If we set this political work in the context of internal power relations within the Labour Party between 1994 and 2007, these trends appear to be more uncertain and far less linear than they seemed. The political communication set up and embodied by a team of “modernizers” had to deal with the opposition of the party's left wing and especially with growing mistrust among journalists. As a result, from 2001, the Labour government reviewed its communication and the intensity and role thereof in the hierarchy of political practices. The transformation of communication thus appears less of an ineluctable historical process than a practice whose uses vary in step with political conjunctures.
    • La production des formes de capital médiatique interne et externe : L'étrange cas de David Cameron au sein du champ politique britannique - Aeron Davis, Emily Seymour p. 107-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour ambition d'expliquer l'ascension politique de David Cameron, et pour ce faire mobilise la notion de « capital médiatique », dont il examine les différentes formes. Ce capital peut être produit tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du champ politique. Il peut être lié tant aux positions institutionnelles qu'à la personnalité individuelle. Dès lors, plusieurs modalités d'accumulation peuvent être dégagées. Le capital médiatique peut s'accumuler grâce à un capital social auprès de journalistes ou par des performances médiatisées bien reçues. Ces distinctions conceptuelles permettent de comprendre le succès, a priori surprenant, de David Cameron dans la course pour le leadership du Parti conservateur britannique en 2005. Bien que relativement jeune et moins connu que ses adversaires, David Cameron a entretenu des formes spécifiques de capital médiatique (capital social auprès de journalistes, performances médiatisées) qui ont beaucoup contribué à influencer l'opinion du microcosme de Westminster et par la suite, lui ont permis de remporter la compétition.
      The production of forms of internal and external media capital
      This article seeks to explain David Cameron's political ascension. In order to do so, it employs the notion of “media capital” and examines its various forms. Media capital can be produced both within and outside the political field, and may stem as much from institutional positions as from an individual's personality. Several modalities of accumulation of media capital can therefore be identified, for instance by means of social capital through journalists, or via successful media performances. These conceptual distinctions help to explain David Cameron's seemingly surprising success in the race for the British Conservative Party's leadership in 2005. Although relatively young and less known than his opponents, Cameron fostered specific forms of media capital (social capital through journalists, media performances) that were instrumental in influencing opinion in the Westminster microcosm, subsequently enabling him to win the race.
  • Varia

    • Cadres et messageries : Du flux subi au renforcement de l'activité bureaucratique - Sophie Bretesché, François de Corbière, Bénédicte Geffroy p. 135-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose d'interroger les transformations de l'activité des cadres à l'aune de la forte mobilisation de la messagerie. À partir d'une recherche menée dans une collectivité territoriale, il s'agit d'analyser les nouvelles formes de rapport à l'activité que produit l'usage de la messagerie électronique par les cadres. La forte mobilisation de cette technologie permet de mettre en perspective les tensions inhérentes à son usage en soulignant à la fois les effets de rythme et le renforcement d'activités bureaucratiques. En effet, le flux électronique crée des incertitudes qui renforcent les activités bureaucratiques en matière de gestion d'information. L'émergence d'une norme collective de disponibilité, la centralisation de la décision et l'isolement des strates d'information au niveau individuel constituent le corollaire de l'usage intensif de la messagerie.
      Frameworks and messaging
      This article examines changes in managers' activity by looking at the intensity of their use of messaging. Based on research in the offices of a local authority, the authors analyze new forms of relationship to work, resulting from managers' use of messaging. The intense use of this technology put the inherent tensions into perspective by highlighting both the effects of rhythm and the strengthening of bureaucratic activities. Electronic flows create uncertainties that reinforce bureaucratic activities around information management. The emergence of a collective norm of availability, the centralization of decision making, and the individual isolation of levels of information are shown to be the corollary of intensive use of messaging.
    • Les cartes numériques comme support de remédiation d'une catastrophe nucléaire : Le processus de cartographie de radiation suite à l'accident de la centrale de Fukushima Daiichi - Jean-Christophe Plantin p. 163-193 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le processus de cartographie de la radiation par des amateurs suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi le 11 mars 2011 et la crise informationnelle qui en a résulté. L'hypothèse défendue est que ces cartes ont été réalisées afin de soutenir un processus de « remédiation » de cet événement, au cours duquel des citoyens non-cartographes ont créé des données de radiation et des cartes afin de formuler une opinion sur le niveau et la localisation de la radiation nucléaire. L'analyse de ces cartes de radiation de type « mashup » met en avant trois temps dans cette action : tout d'abord, un travail collaboratif a eu lieu hors-ligne et en ligne pour obtenir les données de radiation afin d'alimenter les cartes ; celles-ci, une fois réalisées, ont servi à l'agrégation de données de différentes sources afin de se rapprocher d'une description en temps réel de la crise et de vérifier les annonces du gouvernement ; enfin, cette activité de mesure et de cartographie de la radiation est restée liée à la situation de crise après l'explosion, et n'a pas pris la forme d'une infrastructure pérenne permettant de fournir un référent commun pour la mesure de la radiation.
      Digital maps as a tool in the remediation of a nuclear disaster
      This article analyses the mapping of radiation by amateurs, following the Fukushima Daiichi nuclear disaster on 11 March 2011 and the resulting information crisis. The author posits that these maps were drawn up to support a process of “remediation”, in which lay citizens produced radiation data and maps as a basis for forming an opinion on the level and location of nuclear radiation. The analysis of these mashup maps highlights three phases in this action: first, collaborative work off-line and on-line to obtain radiation data to inform the maps; once the maps had been drawn up, they served to aggregate data from various sources in order to obtain a real-time description of the crisis and to verify the government's announcements; and finally, this measuring and mapping of radiation remained tied to the crisis situation after the explosion and did not become a lasting infrastructure providing a common reference framework for measuring radiation.
    • Penser la diversité des pratiques médiatiques : Le réseau comme catégorie conceptuelle pour la recherche sur les audiences et les publics - Geoffroy Patriarche, Marie Dufrasne p. 195-232 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les transformations sociotechniques qui travaillent les pratiques d'usage, de réception et de participation médiatiques remettent en question les catégories fondamentales de la recherche sur les audiences et les publics – « l'audience » et « le public », bien évidemment, mais aussi « la communauté ». Dans un premier temps, l'article présente et discute quelques grandes stratégies conceptuelles autour de l'audience et du public visant à donner sens à la transformation des pratiques médiatiques. Ces stratégies sont la substitution, l'hybridation, la variation, l'articulation et la désolidarisation des critères de définition. Dans un second temps, l'article évalue le potentiel heuristique et analytique de la catégorie du réseau lorsqu'il s'agit de questionner et d'étudier la diversité et l'articulation des pratiques médiatiques. Sont mis en avant six critères de définition du réseau qui permettent de spécifier certains modes d'action avec/par les médias, mieux que ne le font les notions d'audience, de public et de communauté : (1) la construction des relations, (2) la co-création de contenus ou de technologies, (3) le partage, la circulation, (4) la dédifférenciation des espaces, (5) l'individualisation du temps et (6) le court-circuitage des intermédiaires. En guise de conclusion, l'article évoque quelques problèmes que pose la notion de réseau et suggère des pistes d'approfondissement.
      Thinking the diversity of media practices
      The socio-technical changes that affect media uses, reception and participation challenge the basic categories of research on audiences and publics – i.e. “the audience” and “the public”, obviously, but also “the community”. This article presents and discusses some of the main conceptual strategies around audiences and publics that are intended to give meaning to the transformation of media practices. These strategies include the substitution, the hybridization, the variation, the articulation and the dissociation of a concept's defining criteria. The article then assesses the heuristic and analytical potential of the network category for examining and analysing the diversity and articulation of media practices. The authors highlight six criteria for defining the network, which serve to specify certain modes of action with/through the media better than do the notions of audience, public and community: (i) the construction of relations; (ii) the co-creation of content or technologies; (iii) sharing and circulation; (iv) the de-differentiation of spaces; (v) the individualization of time; and (vi) bypassing of intermediaries. The conclusion points out some of the problems posed by the network concept, and suggests paths for more in-depth investigation.
  • Notes de lecture