Contenu du sommaire : Crises rhétoriques, crises démocratiques

Revue Questions de communication Mir@bel
Numéro no 12, 2007
Titre du numéro Crises rhétoriques, crises démocratiques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier. Crises rhétoriques, crises démocratiques

    • Crises rhétoriques, crises démocratiques - Emmanuelle Danblon p. 7-18 accès libre
    • Pour une mise en scène de l'excès violent. Les théâtres de la catastrophe (XVIe-XVIIe siècle VS XXe-XXIe siècle) - Christian Biet p. 19-40 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Face à la figuration des meurtres de masse, le théâtre développe différentes stratégies. En comparant deux époques qui se rendent comptables des massacres à peine passés, la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, d'une part, et la fin du XXe et le début du XXIe siècle, de l'autre, on aperçoit que ces stratégies dramaturgiques coïncident sur plusieurs points. En particulier, si l'on note tout la difficulté à figurer ; sur scène, l'irreprésentable, on voit aussi la manière dont les praticiens et les auteurs s'appuient sur le fait que le théâtre est d'abord une figuration-performance, événement de jeu, un « événement-jeu » : la spécificité du théâtre serait d'être dans ce lieu d'interaction esthétique et sociale qui explore le danger du jeu lui-même à travers le principe d'une comparution dans le cadre d'un événement présent. Autrement dit, le théâtre, face aux meurtres de masse, produirait systématiquement un processus de comparution de tous devant tous, donc un art profondément social destiné à produire, ensemble, des jugements multiples qui mettent à nu, dans le lieu théâtral, la mémoire et le jugement, la nécessité du lien social et celle de le perturber ; ou de le questionner.
      Theatre assumes several strategies to perform on the stage the numerous historical mass murders humanity has known. Comparing two different periods (end of the 16tth-beginning of the 17th Century vs. 21th Century) which deal with « just passed » massive bloodsheds that theatrical audience had really seen before, we notice that these dramaturgical strategies are, more or less, in coincidence. For instance, if we can often observe the same difficulty to represent, on stage, crimes which are impossible to figure or to tell, we can also describe - and this is a much more interesting aspect of the question -the same production of a performing art which is a social event and a moment of « play » interrogation and disturbance: a social-aesthetical event of play which creates an interaction between aesthetics and social matters and between practitioners and spectators. This interaction explores the dangerousness of the game and of the play themselves, and provokes a sort of judicial « appearance » of everyone in front of everyone, in the present of the event, of the performance. In front of historical mass murders, theatre, thus, produces a multiple judicial appearance process, creates, then, a social event which proposes all the partners to judge everything the theatrical event proposes. In the theatre location, hence, the necessity of memory, testimony and judgment, is evaluated inside an interaction which can be itself in question.
    • La rhétorique de la catastrophe - Yannis Thanassekos p. 41-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la charnière du XXe au XXIe siècle s'est mis en place un dispositif intellectuel et mental qui tend à accorder à l'« événement Auschwitz » le statut, sur le plan historiographique, d'une matrice pour une révision et une réévaluation de toute l'histoire de l'occident moderne et, sur le plan mémoriel, celui d'un événement sursignifiant à partir duquel doivent s'élaborer les orientations normatives, politiques et juridiques des sociétés contemporaines. Sans négliger es enjeux historiographiques de ces relectures, cet article s'intéresse surtout à leur rhétorique laquelle, mobilisant le pathos et l'hyperbole, a engendré une doxa fondée sur quelques postulats : « Auschwitz » serait un événement qui échappe à la raison, absolument unique, incomparable et irreprésentable. Ce faisant, l'événement se voit complètement décontextualisé, soustrait à l'histoire, pour devenir un pur objet métaphysique livré à des spéculations théologiques et mystiques. Dans sa radicalité actuelle cette rhétorique semble ainsi recycler ; sous le signe de la « dernière catastrophe », tous les schémas de pensée catastrophistes et apocalyptiques propres à toutes les théologies politiques qui n'ont eu de cesse de proclamer l'échec de la raison, l'inanité de l'idéologie du progrès et la fin de tout projet d'amélioration et d'émancipation de l'homme et de la société.
      As the 20th century drew to a close, it was marked by an intellectual and mental tendency to give the “Auschwitz event” the status, in terms of historiography, of a matrix for revising and re-evaluating the entire modern history of the West. In terms of commemoration, the “Auschwitz event” acquired the status of an ultra-significant event which should serve as the starting point for developing regulatory, political and legal guidelines for contemporary society. While this article does not overlook the historiographical aspects of these new interpretations, it focuses primarily on their rhetoric, which mobilizes pathos and hyperbole to create a credo based on a few postulates: “Auschwitz” is an event beyond reason, absolutely unique, incomparable and impossible to depict. As a result the event has become entirely detached from its context, taken out of history, to become a purely meta-physical object handed over to theological and mystical speculation. The current radical version of this rhetoric thus seems to recycle, under the sign of the « final catastrophe », all the catastrophe-oriented and apocalyptic scenarios dear to those political theologies which continue to proclaim the failure of reason, the idiocy of the ideology of progress and the end of all plans to improve and emancipate men and society.
    • Nouvelles figures de la rhétorique : la logique du ressentiment - Marc Angenot p. 57-75 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les manuels définissent classiquement la rhétorique comme « l'art de persuader par le discours ». Cette banale définition pose problème au vu du fait, évident, que les humains argumentent constamment, mais se persuadent peu et rarement les uns les autres. L'auteur développe une réflexion sur les malentendus et dialogues de sourds dans la communication argumentée et propose l'hypothèse de coupures de logiques cognitives divisant l'espace public. Il illustre cette hypothèse en décrivant ce qu'il considère comme une logique argumentative typée, la logique du ressentiment. S'appuyant sur Nietzsche et Max Scheler, il montre cette logique à l'œuvre dans divers secteurs idéologiques d'aujourd'hui non moins que jadis.
      The classic textbook definition of rhetoric is « the art of persuading through speech ». This simple definition passes only because we do not stop to examine it. We will offer a few basic objections to it. Humans argue constantly, of course, and in all circumstances, but the fact is that they persuade each other rather little and on rare occasions. This is in any case the impression we consistently get in observing everything from political debates to squabbles over housework, to philosophical arguments. What is a knowledge that sets out a defining criterion only to confirm its failure in life's ordinary circumstances? Many other questions come also to mind: why, since we persuade each other so rarely, do humans not get discouraged and persist in arguing? Despite the fact that individuals and groups generally fail in altering the convictions of others, apparently nothing discourages them in continuing to try ; they are thus able to withstand endless arguments (philosophical, religious, political, etc.) that result in failures of persuasion repeated indefinitely. And why these repeated failures? What is wrong with this reasoning that has been put into words, with this exchange of “good reasons”? What is there to learn from a practice so often doomed to failure, but nonetheless endlessly repeated? When people start arguing, it happens very quickly that the adversary not only comes to a different conclusion, but that he reasons badly or does not respect certain implicit rules which make debate possible. The result is that we wind up with the impression -and this leads to the other big question worth pursuing-that when persuasion fails, it is not only because of the differences in which the world is perceived, but because of form, the way of going about it, the way of proceeding and the way of following logical rules. This paper elaborates on a general hypothesis; that of a diversity of logics co-existing in society while being divergent and somewhat unintelligible to one another. Such an idea dates back to Nietzsche and his Zur Genealogie der Moral. By distinguishing between the “masters'” and the “slaves'” moral codes, and by opposing them to one another, Nietzsche attributes to each ways of evaluating and of conceiving the world that are diametrically opposed. “From the outset”, Nietzsche writes, “the slaves' moral code opposes a no to that which is not a part of itself, to that which is “different” from itself, to that which is its “non-ego” and it is this no which is its act of creation”. This “moral code” lives from its own logic, which Nietzsche calls “resentment”.
    • Incompétences rhétoriques, incompétences démocratiques - Philippe Breton p. 77-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Contrairement à l'idée que nous en faisons habituellement, démocratie et rhétorique ne sont pas deux ordres de réalité qui seraient liées par un destin commun, mais elles constituent un seul et même phénomène. Dans son principe matriciel, avant d'être éventuellement incarnée par des valeurs ou des institutions, la démocratie est d'abord, et fondamentalement, une nouvelle pratique de la parole au sein de dispositifs spécifiques de débats argumentes. Cette pratique de la parole est évidemment inséparable d'une réflexivité, d'une normativité, et d'apprentissages particuliers. Vues sous cet angle, démocratie et rhétorique se présentent comme deux aspects d'une même réalité.
      Contrarily to the idea that we usually make, democracy and rhetoric are not two levels of reality which would be bound by a common destiny, but they constitute a single phenomenon. In its matrix principle, before being incarnated by values or institutions, democracy is initially and basically a new practice of the word within specific devices of argued debates. This practice of the word is obviously inseparable from a specific reflexivity, a normative attitude, and individual learnings. Seen from this angle, democracy and rhetoric are presented in the form of two aspects of the same reality.
    • Crises politiques, crises et anti-crises rhétoriques - Alban Bouvier p. 89-102 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'auteur prend acte de l'actuelle crise politique aiguë de légitimité des démocraties représentatives. Cependant, il nie qu'elle soit concomitante d'une crise rhétorique si l'on entend par là une valorisation de la seule « mauvaise rhétorique », à savoir des moyens de persuader efficaces, mais logiquement ou éthiquement suspects. Tout au contraire, il prétend qu'on assiste à une valorisation (ou une revalorisation) des débats politiques argumentés, précisément destinés à sortir de la crise politique en question, de sorte qu'il faudrait plutôt parler d'une anti-crise rhétorique. Cette valorisation de la saine argumentation s'observe à différents niveaux. Il convient de distinguer ceux-ci (démocratie de proximité, débats parlementaires), tandis que la notion équivoque de démocratie délibérative tend malheureusement à les confondre.
      The author acknowledges that there is currently a sharp crisis of legitimacy in representative democracies. But the author denies that there is a concomitant rhetorical crisis in politics, which would mean an enhancement of the only effective means of persuading people, regardless of the logical and ethical validity of these means, which Plato called “bad rhetoric”. It is argued, on the contrary, that nowadays one ought to speak rather of an anti-rhetorical crisis, given the advancement of deliberative democratic procedures, which aim to solve this political crisis by the use of argumentation or “good rhetoric” in various contexts. But one has to make clear distinctions between these contexts and not to confuse local democratic procedures and participatory democracy with parliamentary debates.
    • La contestation du jury populaire. Symptôme d'une crise rhétorique et démocratique - Benoit Frydman p. 103-117 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse les arguments développés, principalement en Belgique et en France, par ceux qui contestent l'institution du jury populaire pour le jugement des crimes. Après avoir rappelé brièvement la double origine grecque et anglaise du jury l'étude met en évidence les critiques permanentes dont le jury populaire a fait l'objet depuis son importation sur le continent européen lors de la Révolution française. Ces critiques s'appuient explicitement sur des arguments anti-rhétoriques, qui contestent la rationalité de la procédure judiciaire accusatoire et orale, et implicitement sur des arguments anti-démocratiques, qui rejettent la participation des citoyens à l'exercice du pouvoir de juger
      This paper analyzes the arguments developed by those who, especially in Belgium and in France, oppose trial by jury in criminal cases. After a short history of the origins of the jury system in Greece and England, the paper emphasizes the critiques that have been continuously addressed to the jury system since it was imported within continental Europe by the French Revolution. These critiques are based explicitly upon anti-rhetoric arguments, which challenge the rationality of an oral and accusatory judicial proceeding, and implicitly upon anti-democratic arguments, which deny the citizens the power to judge cases.
    • Crises in Rhetoric, Crises in Democracy - Emmanuelle Danblon accès libre
  • Échanges

    • De la sociologie critique à la sociologie de la critique. Dialogue avec Dominique Bertelli - Pierre Verdrager p. 121-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un article paru dans Questions de communication (8, 2005), Dominique Bertelli a voulu démontrer combien le travail de Joseph Jurt et de Pierre Verdrager sur la réception journalistique de la littérature par la presse était dépassé. Pierre Verdrager entre en controverse avec son discutant et répond dans cet article point par point aux critiques dont il a fait l'objet L'auteur défend sa démarche en montrant que la posture a-critique n'est peut-être jamais si utile et nécessaire que lorsqu'elle prend le sens critique pour objet
      In a recently published article, Dominique Bertelli wanted to show how much Joseph Jurt and Pierre Verdrager's work on the journalistic reception of literature by the press media was outdated. Pierre Verdrager opens here a controversy with his critic and, in this article, he replies point by point to the attacks his work faced. The author argues for his approach by showing that the a-critical posture is never so useful and necessary than when it deals with the critical sense.
    • L'histoire des sciences de l'information et de la communication - Béatrice Fleury, Jacques Walter p. 133-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Robert Boure (2006, 2007) a retracé en deux volets certains jalons de l'histoire des sciences de l'information et de la communication. Dans le premier ; il posait cette question : « À quoi peut donc bien servir l'histoire des sciences de l'information et de la communication ? ». Pour y répondre, il confrontait l'histoire des chercheurs, et celle, officielle, des instances ayant pour mission de la représenter. Dans le second, il revenait sur un aspect de cette histoire : son origine littéraire. Dans cette livraison, Roger Bautier, Pierre Delcambre, Bernard Miège et Stéphane Olivesi discutent les choix épistémologiques et méthodologiques de ce dernier interrogeant autant la démarche conduite et ses fondements que la discipline elle-même.
      Robert Boure (2006, 2007) recounted the history of information and communication sciences in two parts. In the first one, he asked: «What is the purpose of the history of information and communication sciences?». He answered by confronting the history recorded by researchers, and the official one recorded by bodies whose task is to represent it. In the second part, he got back to a specific aspect of this history, its literary origin. In this issue, Roger Bautier, Pierre Delcambre, Bernard Miège and Stéphane Olivesi discuss his epistemological and methodological choices, focusing as much on his approach and its basis as on the discipline itself.
    • Rallier les sciences de l'information et de la communication dans les années 70 - Roger Bautier p. 149-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à expliciter les raisons pour lesquelles un certain nombre d'enseignants et de chercheurs intéressés spécialement par la place du langage dans la communication ont pu rallier une nouvelle discipline apparaissant en France dans les années 70 : les sciences de l'information et de la communication. Il renvoie au contexte : particulièrement les nouvelles conditions d'enseignement et la possibilité d'établir des relations entre la sociolinguistique, la rhétorique et l'anthropologie. Il débouche sur des considérations concernant la situation présente de la discipline.
      This paper aims at making explicit the reasons why a number of teachers and researchers, moved by a great interest in the place language has in communication, may have join a new discipline which appears in France in the 1970s: the information and communication sciences. It refers to the context: particularly the new conditions of teaching and the possibility of establishing relations between sociolinguistics, rhetoric and anthropology. He ends with considerations about the present situation of the discipline.
    • Institutionnalisation sociale et cognitive des sic en France. Des méthodes pour des concepts - Pierre Delcambre p. 163-189 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte est un dialogue critique avec Robert Boure, auteur de deux articles (Questions de communication, 10, 2006 ; 11, 2007) sur l'histoire française des sciences de l'information et de la communication (sic, 71e section du cnu). Il s'interroge sur l'usage que fait le chercheur de deux notions - « histoires spontanées » et « histoire officielle » - pour leur préférer l'étude des processus d'institutionnalisation entrepris par Robert Boure. Il revient également sur les quatre pistes proposées pour analyser l'institutionnalisation des sic et leurs origines, ci littéraires. Il tente de préciser ce que l'on peut appeler « institutionnalisation cognitive » d'une discipline et imagine les procédures de recherche historique qui pourraient en rendre compte.
      This dialogue focuses on the two paradigms of « spontaneous histories » and « official history » as they have been developed by Robert Boure from their origins in the French academic circles of the 1970s and then concentrates on the study of their evolution in the discourse of institutionalization which he has initiated. Robert Boure has recently published two papers in Questions de communication (10, 2006 ; 11, 2007) on that subject. This article traces four elements pertinent to the analysis of the institutionalization of Information and Communication Studies as suggested by Robert Boure. It proposes a definition of what could be known as the cognitive institutionalization of Information and Communication Studies. The aim is to articulate the potential of the study of the « cognitive institutionalization » of an academic discipline and of the historic process that it entails.
    • Sur le positionnement de la recherche en histoire des sic - Bernard Miège p. 191-202 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En discutant les deux articles publiés par Robert Boure dans les précédentes livraisons des Questions de communication, l'auteur, en raison même de sa double activité d'auteur et de participant à l'édification des sic s'interdit d'intervenir comme historien de la discipline. Mais sans dissimuler son large accord avec le projet de Robert Boure, il apporte à son analyse diverses précisions et compléments, souvent ponctuels, parfois plus essentiels (par exemple, sur les relations avec les études littéraires ou les études culturelles). Et surtout il reconnaît l'importance du « tournant » de 1990 en plaidant pour que la recherche historique se focalise sur cette période, en articulant désormais construction socio- institutionnelle et construction épistémologico-cognitive ; les enjeux de toute nature qui se sont alors manifestés restent pour certains d'entre eux d'actualité et, sous conditions, on peut en tirer des enseignements pour le présent.
      The author discusses the two articles written by Robert Boure in previous issues of the review Questions de Communication. Because of his dual activity – both author and participating in the elaboration of SIC – he is refraining from intervene as a historian of the discipline. However, without concealing his broad agreement with Robert Boure's project, he brings to the analysis various clarifications and additions, that are often ad hoc, sometimes more essential (e.g. on relations with the literary genre or cultural studies). And, more importantly, he recognizes the importance of a “turning point” in 1990, advocating that historical research now focuses on this period, articulating now socio-institutional construction and epistemological-cognitive construction. Amongst the many issues that were at stake at the time, some are still somehow valid and, under certain conditions, we can learn lessons for the present.
    • À propos de l'institutionnalisation des sic. Pour une histoire « localisée » - Stéphane Olivesi p. 203-225 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article se propose de revenir sur les travaux récents que Robert Boure a consacrés à l'histoire des sic pour en expliciter les principaux apports, mais aussi pour dégager de nouvelles pistes de réflexion sur l'institutionnalisation de cette discipline. L'idée directrice qui sous-tend le propos consiste à montrer que la compréhension de son édification (comme celle d'autres disciplines d'ailleurs) nécessite le recours à des études monographiques sur les lieux d'enseignements et de recherche qui ont concouru à ce processus. Pour ce faire, il s'agit de neutraliser les conceptions idéalistes et essentialistes de la discipline qu entravent le travail d'objectivation et faussent le regard que l'on porte sur son passé comme sur sa réalité présente.
      This article gets back to the recent works which Robert Boure dedicated to the history of the information and communication sciences in order to explain the major contributions of this discipline's institutionalization but also to define new areas of reflection about this matter. The underlying guideline of this approach is to show that the understanding of its construction (as of other disciplines, by the way), requires research monographs in the educational and research places that have contributed to that process. For this purpose, the idealistic and essentialist conceptions of this discipline ought to be neutralized in so far as they handicap the objectification process and distort the way we consider its past as well as its present.
  • Notes de recherche

    • D'une prise de parole dans les médias à une prise de pouvoir sur les médias ? Les courriers au médiateur de la rédaction de France 2 - Aurélie Aubert p. 227-244 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Nous proposons une synthèse de l'étude menée sur le phénomène de la prise de parole des téléspectateurs, au travers de l'étude des courriers envoyés par des téléspectateurs au service de la médiation de l'information de France 2. Ces courriers correspondent à des interrogations de la sphère publique sur les médias, dans une perspective qui mêle l'engagement citoyen à une forme de quête identitaire. L'étude de la prise de parole des téléspectateurs permet de mieux comprendre le rapport de l'individu à l'information, aux médias et à la citoyenneté, dans un contexte où le développement des nouvelles technologies ouvre de plus en plus de perspectives aux usagers des médias pour commenter ‘information, voire l'élaborer eux-mêmes.
      This is a synthesis about a research conducted on the motives and nature of the mails sent by TV viewers to public service news ombudsman. Those letters reveal new forms of the relationship between people and the media. Sending a mail to a media is an act that compounds criticism, civic commitment and a form of self-questioning. The study casts new light on the links between news, individuals and the civic culture in a context where new technologies increase the possibilities for media users to comment on news, and even to themselves act as journalists.
    • La ville, objet de civilisation et de littérature en cours de français langue étrangère - Jean-Claude Bationo p. 245-258 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années 90, les didacticiens s'accordent à reconnaître l'importance de la littérature dans l'enseignement et l'apprentissage des langues étrangères. Cette redécouverte s'appuie sur l'étroite liaison entre littérature, culture et langue. C'est dans cette perspective que la présente réflexion est menée sur la représentation de la ville dans la littérature africaine francophone, dans le but d'amorcer un enseignement de l'interculturel, en classe de français langue étrangère.
      Since the years 1990 the didactics teachers agree to recognize the importance of literature in the teaching and learning of foreign language. This rediscovery relies on the tight liaison between literature, culture and language. In this perspective I conduct this reflection about the representation of the town in the French speaking African literacy. The objective of this discourse is the beginnings of a teaching of the intercultural in French as foreign language.
    • People et politique : un mariage contre nature ? Critères et enjeux de la peopolisation - Jamil Dakhlia p. 259-278 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Face à l'ampleur de la vedettisation et du dévoilement de l'intimité des candidats aux élections présidentielles de 2007, il importe de revenir sur les paramètres et les implications de cette médiatisation en rupture avec la fameuse « exception française » d'opacité de la vie privée des personnages politiques. Loin d'être à l'initiative de la presse échotière stricto sensu, la peopolisation exprime une réappropriation plus ou moins habile des codes des magazines people par une partie des élus et par la presse généraliste. Fondée sur des déclarations de responsables politiques ou médiatiques et sur l'analyse du discours de la presse d'indiscrétions, cette étude vise à vérifier dans quelles conditions la stratégie des candidats qui encouragent leur propre peopolisation s'avère cohérente ou, à ‘inverse, contre-productive, selon les rapports entre, d'une part, leurs intérêts et leur valeurs de référence et, d'autre part, l'univers symbolique et la relation énonciative inhérents au discours people.
      Due to the particular interest of the Medias in the intimacy of the candidates of the last French presidential elections, who were treated just like show business celebrities, it is necessary to focus on the parameters and consequences of this phenomenon at odds with the famous French exception of secrecy about the politicians' private life. Far from being fuelled by the gossip papers (in French, “journaux people”), “peopolisation” expresses in French a more or less skilful appropriation of “gossip” generic codes by politicians and the quality press. Based on the declarations of political or media leaders and a discursive analysis of the French tabloids magazines, this article aims at examining under which conditions the celebrity politics prove to be coherent or on the contrary inconsistent with on the one hand the principles or ethical values professed and on the other hand the symbolic system and the enunciative relationship offered.
    • L'écoute de la radio en France. Hétérogénéité des pratiques et spécialisation des auditoires - Hervé Glevarec, Michel Pinet p. 279-310 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les pratiques radiophoniques sont assez peu étudiées par la sociologie, y compris d'un point de vue statistique. Cet article revient sur la suspicion qui entoure leur mesure et défend une évaluation de l'audience entendue comme jeu de langage. Il se propose ensuite de décrire la structuration des usages et des liens à ce média à partir d'une exploitation originale des données source de l'enquête Panel de Médiamétrie de 2000-2001 sur 21 jours. En s'appuyant sur une série de données de fréquence d'écoute et de structure des auditoires, on montrera que la consommation radiophonique est une pratique très typée temporellement, mais que cette régularité recouvre une hétérogénéité tout aussi structurante de l'auditoire de chaque radio. Enfin, revenant sur ce que Michel Souchon disait du grand public de la télévision, on attestera qu'il y a, en radio, une logique de spécialisation des auditeurs sur les stations. Tout porte ainsi à considérer la forte structuration des pratiques radiophoniques pour mieux comprendre dans quel cadre structuré risquent de s'inscrire Internet et le podcast comme nouvelles modalités d'écoute de ce média.
      Sociology of radio uses is quite unknown. We argue in defense of the audience data as a “strong declaration” in a language game. Using recent audience data from the French audience measurement company, Médiamétrie, we show that radio audience in general is temporally structured and audiences from each national station very heterogeneous. Contrary to Michel Souchon, a French sociologist who defended the television “grand public” a few years ago, we argue that radio audiences are very “specialized” and fragmented. If we want to think about new ways of listening radio through internet and podcast we need to keep in mind the structured framework of radio listening.
    • Les « règles » du médiateur du Monde ou la mise en scène d'une écriture de presse - Jean-Baptiste Legavre p. 311-334 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le médiateur du Monde a suscité un certain intérêt des chercheurs en sciences sociales. Pourtant, les analyses ont laissé de côté une dimension importante de l'écriture de médiation, la propension de son titulaire à appuyer son argumentation sur le langage de la règle. Le vocable « règle » - il y a des règles à respecter lorsque l'on fait du journalisme, répète le médiateur- revient avec une relative insistance. En appuyant son raisonnement sur des règles, il a recours à une métaphore de type juridique. Le médiateur laisse par là percevoir que le travail journalistique est un travail tendanciellement codifiable. Il présente le journalisme comme une activité faites de limites ou de frontières. Finalement, médiateur paraît construire une grammaire qui concerne d'abord l'écriture de presse et ses agencements dans les rubriques du journal.
      The mediator of Le Monde has aroused the interest of researchers in social sciences. However, their analyses neglected an important dimension in the writing of mediation, the propensity of the author to base his argument on the language of the rule. The term “rule” – there are rules to respect when one is a journalist, repeats the mediator – returns insistently in basing his argument on “rules” he is using a typical legal metaphor. The mediator thereby implies that journalistic work is increasingly “codifiable”. He presents journalism as an activity made up of restrictions or boundaries. In conclusion, the mediator appears to be developing a “grammar” relating primarily to press writing and its layout in the headings of the newspaper.
    • Les modérateurs des forums de discussion municipaux. Des intermédiaires démocratiques ? - Stéphanie Wojcik p. 335-354 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La mise en œuvre de forums de discussion sur les sites Internet de certaines municipalités suscite des espoirs quant à la possible apparition de formes nouvelles de délibération, en partie déliées des contraintes temporelles enserrant les dispositifs hors ligne et susceptibles d'amenuiser les hiérarchies sociales et les relations de pouvoirs manifestes dans les débats en face à face. Les forums nécessitent la présence de professionnels (responsable de la communication, webmestre) qui en assurent le fonctionnement régulier. Dans quelle mesure leur gestion de la discussion électronique influe-t-elle sur les conditions et les modalités de participation de la population ? Trois principaux rôles du modérateur ont été observés : le manager, l'arbitre et l'intermédiaire. Dans le cas de l'animation du forum, son investissement dans le débat a une part certaine dans l'intérêt que les internautes portent au forum. Dans l'exercice de sa fonction d'arbitre, le webmestre indique ce qui est dicible dans l'espace du forum et les formes que doivent revêtir les interventions. Lorsqu'il endosse la fonction d'intermédiaire et qu'il transmet certaines contributions aux responsables politiques, il s'arroge une prérogative clairement politique. Dès lors, l'accès de la parole des internautes à l'espace politique apparaît teinté d'opacité, jetant le doute sur le caractère réellement « démocratique » des pratiques de cet intermédiaire.
      The growing use of Internet discussion forums in city communication practices has raised hopes that new forms of deliberation may be opened up, at least partially freed up from the temporal constraints on face-to-face debates. It is also hoped that these new forms of deliberation may weaken social hierarchies and the power relations that exist in face-to-face debates. Internet forums require the presence of experts, of professionals (head of communications, webmaster) who ensure their smooth running. To what extent does their management of the electronic discussion influence the conditions and the modes of participation of the population? We observed three main functions of the moderator: the manager; the referee and the intermediary In the case of the management of the forum, the webmaster's contribution to debates clearly stimulates interest in the forum. In the exercise of his or her function of referee, the webmaster controls what can be said in the forum, and the manner or form that the messages are allowed to take. Finally, when the moderator assumes the function of intermediary between Internet users and politicians, s/he enjoys a clear political prerogative. Indeed, the process by which the contributions of Internet users are translated into the political sphere is opaque, which casts doubt on the 'democratic' nature of the intermediary's practices.
  • Notes de lecture