Contenu du sommaire : Printemps arabes

Revue Mouvements Mir@bel
Numéro no 66, été 2011
Titre du numéro Printemps arabes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • En finir avec le « despotisme oriental »

    • Réflexions sur les configurations révolutionnaires tunisienne et égyptienne - Hamit Bozarslan p. 11-21 accès libre avec résumé
      Pourquoi est-ce en Tunisie puis en Égypte que la contestation des régimes autoritaires dans le monde arabe est allée jusqu'à son terme ? Si le processus révolutionnaire est désormais amorcé dans de nombreux pays, rien ne garantit, dans un avenir proche, qu'il aboutisse à d'autres changements de régime. Il y a en tout cas une spécificité des contextes socio-politiques de la Tunisie et de l'Égypte qu'il convient de bien identifier si nous voulons mieux appréhender les effets possibles du « réveil des peuples » auquel on assiste au Sud et à l'Est de la Méditerranée.
    • La disgrâce du chef. Mobilisations populaires arabes et crise du leadership - Michel Camau p. 22-29 accès libre avec résumé
      Côté jardin, un pouvoir personnel fort, généralement centré sur le clan voire sur la famille ; côté cours, une figure charismatique, ou qui se veut telle, en parfaite symbiose avec un peuple soumis au verbe du chef : tel est le mythe qui a volé en éclat dans tout le monde arabe à la suite du « printemps des peuples » de cet hiver 2011. On ne peut en effet comprendre ce qui s'est joué et continu de l'être dans le rapport que les peuples construisent aujourd'hui avec le pouvoir, sans revenir sur ce qu'a pu représenter la figure du chef dans les imaginaires, depuis le type idéal nassérien jusqu'à ces dictateurs vieillissants dépourvus d'aura comme de légitimité dont les masques grotesques viennent de leur être arrachés...
    • Les comités de quartier en Tunisie : une illusion démocratique - Isabelle Berry-Chikhaoui p. 30-39 accès libre avec résumé
      La participation locale à la pérennité du système : telle est en résumé la fonction principale de cette instance de contrôle que sont les comités de quartier mis en place à partir de 1991. Verrouillant l'expression du politique, ils constituent aussi un lieu de marquage du pouvoir territorial, de conscientisation à l'ordre moral « nouveau », le tout dans une rhétorique constante autour du « citoyen » tunisien. La description de ce lieu de contrôle montre comment prend racine l'expression du pouvoir selon le successeur de Bourguiba. Elle ouvre aussi sur une compréhension des mécanismes du « faire avec » longtemps perçu comme incontournable y compris par des opposants -discrets- au régime. Ce faisant, ces comités de quartier apparaissent aussi comme les lieux inattendus de l'apprentissage de la démocratie, malgré ses promoteurs.
  • Tunisie, Égypte : mouvements sociaux et genèse des révolutions

    • En marge de la révolution égyptienne : écrire l'histoire ou sauver la mémoire ? - Iman Farag p. 41-47 accès libre avec résumé
      Cet article livre quelques éléments sur la révolution du 25 janvier 2011 en Égypte. Écrire pendant que l'événement se passe, en s'interdisant toute prospective, et ne point avoir à documenter des faits qui n'ont pas encore été établis, est tout à la fois contraignant et libérateur. L'article revient notamment sur la production au jour le jour des traces de la révolution, et la manière dont elles semblent marquer, tant le cours de l'événement que ses écritures à venir.
    • Révolution civile et politique en Égypte. La démocratie et son correctif - Sarah Ben Néfissa p. 48-55 accès libre avec résumé
      Pour certains ce fut une surprise : la révolution égyptienne n'a pas emprunté son discours et ses pratiques à ceux du mouvement islamiste. Dès l'année 2005, un processus d'autonomisation de la société civile vis-à-vis de l'État était apparu avec la montée des protestations politiques et sociales, adossée à un processus de démonopolisation du champ médiatique. La révolution initiée par la jeunesse égyptienne participe de cet essor de la société civile. Celle-ci peut faire contrepoids aux limites des formes classiques de représentation politique. C'est sa révolution.
    • Non, les révolutions tunisienne et égyptienne ne sont pas des « révolutions 2.0 » - Michaël Béchir Ayari p. 56-61 accès libre avec résumé
      Les discours qui réduisent les révolutions tunisienne et égyptienne à des « révolutions Facebook » demeurent à bien des égards mus par les fantasmes technophiles et néo-libéraux de la « démocratie 2.01 ». Il ne s'agit pas d'amoindrir le rôle des « nouveaux médias sociaux » dans ces soulèvements ni de faire l'impasse sur la manière dont ils ont permis de diffuser l'information, d'organiser des rassemblements et de créer des réactions émotionnelles encourageant la prise de risque. Il convient plutôt de s'interroger sur les soubassements de ces éléments de langage, mieux, sur le dispositif dont ils sont l'expression.
    • Tunisie : « Révolution de jasmin » ou Intifada ? - Amin Allal, Vincent Geisser p. 62-68 accès libre avec résumé
      Le cliché de la « révolution de jasmin », si répandu en France, n'est-il pas le signe d'une incapacité à saisir la nature des mouvements sociopolitiques qui ont touché la Tunisie bien avant la révolution Facebook ? Se pencher sur ces mouvements de fond à l'origine des événements qui ont conduit à la chute du régime de Ben Ali est d'autant plus nécessaire qu'ils nous aident aussi à comprendre ce qui se joue aujourd'hui dans cette période de transition démocratique.
    • Le rôle des mobilisations des travailleurs et du mouvement syndical dans la chute de Moubarak - Françoise Clément, Marie Duboc, Omar El Shafei p. 69-78 accès libre avec résumé
      Quel a été l'impact du mouvement syndical sur la révolution égyptienne ? Un nouveau chemin a été tracé depuis le milieu des années 2000, qui, entre répression, allégeance et aspirations au respect des droits des travailleurs, amène à penser la convergence des luttes de février 2011. Souvent négligés dans les analyses, la naissance de syndicats indépendants et leur appel à la grève générale ont été des pivots des mouvements sociaux, à la source des mobilisations massives et inédites récentes.
    • Le droit au logement, école de la contestation : Entretien avec Manal Al-Tibi, responsable du Centre égyptien pour les droits au logement (ECHR) - Agnès Deboulet p. 79-88 accès libre avec résumé
      C'est parce que Mouvements ne croit pas à l'idée d'une « révolution venue de nulle part » que nous publions cet entretien réalisé en décembre 2010 avec Manal Al Tibi, responsable du Centre égyptien pour les droits à l'habitat. La question du droit au logement permet en effet d'appréhender le cadre dans lequel les revendications sociales ont pu s'exprimer au sein de la société égyptienne d'avant la révolution. Retracer le parcours de cette fervente militante des droits humains, montrer comment celle-ci a progressivement pris conscience du caractère crucial de cette question du logement donne à voir la nature des relations de pouvoir dans l'Égypte de Moubarak. Son propos montre aussi les nouvelles formes de la contestation qui se sont développées dans les interstices de cet État autoritaire.
  • Du Maghreb au Machrek : « l'effet domino » en question

    • Le régime algérien après les révoltes arabes - Lahouari Addi p. 89-97 accès libre avec résumé
      Les revendications nationales portées par la jeunesse et les foules des pays arabes renouvellent de façon magistrale les horizons politiques et citoyens en montrant les limites structurelles de la croyance et de la capacité à gouverner de régimes corrompus et paternalistes. Face à cette lame de fond, les Algériens expriment de façon grandissante leur refus d'un pouvoir bi-polaire dans lequel l'armée joue un rôle pivot. Les dysfonctionnements d'un système visant à protéger une oligarchie issue du système rentier amènent le pays à tourner à vide et conduisent à une incapacité de gouverner qui risque d'être fatale au gouvernement actuel.
    • Maroc : une révolution royale ? - Abdellah Tourabi, Lamia Zaki p. 98-103 accès libre avec résumé
      Les revendications de réforme constitutionnelle et de réduction des inégalités portées par le mouvement du 20 février se sont focalisées de façon inédite sur la monarchie. Ces revendications sont toutefois affaiblies par la fragmentation du champ politique, tandis que se recompose une expression protestataire. Les horizons marocains sont contrastés, entre anticipation d'une contagion des révoltes, négociation avec les acteurs et répression. Ils doivent être resitués dans une double particularité dans le monde arabe : l'importance de longue date du champ associatif et des mobilisations et les essais d'ouverture démocratique.
    • Contestation et autoritarisme libéral en Jordanie - Pénélope Larzillière p. 104-109 accès libre avec résumé
      Les révoltes dans le monde arabe ont produit un mouvement de soutien en Jordanie. On y retrouve les principaux vecteurs de l'opposition : les syndicats professionnels, le mouvement islamiste des Frères musulmans, la gauche aussi malgré son impact plus faible. Mais la mobilisation est également portée par de nouveaux acteurs comme les jeunes. Face au régime jordanien, libéral économiquement et autoritaire politiquement, la contestation prend de l'ampleur. Le répertoire d'action du sit-in est conservé, mais, en plus de mesures économiques et sociales, la mise en place d'une véritable monarchie constitutionnelle est maintenant revendiquée. Dans cette mobilisation, les processus d'identification à des mouvements régionaux remettent en cause les limites structurelles de l'opposition en Jordanie.
    • Les révolutions sont-elles exportables ? « L'effet domino » à la lumière du cas yéménite - Laurent Bonnefoy p. 110-116 accès libre avec résumé
      L'effet de contexte contre l'effet « domino ». Au Yémen, la montée en force des mouvements protestataires et des contestations internes s'agrègent au morcellement des formes de pouvoir pour expliquer la nouveauté relative que constitue le mouvement du début 2011. Des formes revendicatives émanant de populations jeunes, qui par bien des aspects rappellent les mouvements sociaux égyptiens et tunisiens, sont rattrapées par la fragmentation des sources d'expression plus ancienne du séparatisme ou de la contestation religieuse. Pour autant, dans une situation encore très instable, le chemin d'une conciliation pourrait être trouvé, sans doute dans un dépassement des formes claniques d'allégeance et des idéologies.
  • L'Occident bousculé

    • Les politiques euro-méditerranéennes à la lumière du printemps arabe - Isabel Schäfer p. 117-126 accès libre avec résumé
      Dès le lancement du Processus de Barcelone en 1995, le Partenariat euro-méditerranéen s'était donné comme objectif de réduire le fossé politique, économique et culturel entre les deux rives de la Méditerranée. Quinze ans plus tard, du haut de la « forteresse Europe », nous regardons interloqués les sociétés arabes se soulever et s'emparer d'une souveraineté longtemps confisquée, mais sans recourir à notre aide et presque malgré nous, trop occupés que nous étions à nous barricader contre clandestins et terroristes. Cet aveuglement trouve son origine dans l'échec d'un projet original que les politiques n'ont pourtant pas su ni voulu faire fructifier.
    • Les États-Unis face aux révolutions démocratiques arabes - Philip S. Golub p. 127-134 accès libre avec résumé
      Dans un discours important prononcé au Caire le 4 juin 2009, Barack Obama tendait la main au monde arabo-islamique en appelant à mettre un terme « au cycle de suspicion et de discorde » entre les États-Unis et les sociétés plurielles islamiques. Soulignant que les tensions du présent « étaient enracinées dans des forces historiques » telles que le colonialisme et la guerre froide, il en appelait à un « effort soutenu d'écoute (...) et de respect mutuel ». Aujourd'hui, les États-Unis, puissance externe dominante au Moyen-Orient et dans le Golfe depuis 1945, tentent de s'adapter aux révolutions démocratiques arabes afin de préserver leurs positions. Or l'héritage est lourd et les révolutions ébranlent l'ordre régional américain.
    • Israël, les États-Unis et le printemps arabe - Avi Shlaim p. 135-144 accès libre avec résumé
      N'est-ce pas un paradoxe qu'Israël, « la seule démocratie du Moyen-Orient », ait fait preuve d'autant de méfiance à l'égard du printemps arabe qui balaye un à un les dictateurs de la région ? Le saut dans l'inconnu que représente le processus de démocratisation dans le monde arabe ne questionne pas uniquement les intérêts stratégiques d'Israël et de son allié et protecteur américain, mais aussi les impératifs de stabilité qui guident ses relations de voisinage ; plus largement, il met en cause le regard que les dirigeants israéliens comme l'opinion publique israélienne portent sur les peuples arabes et l'environnement culturel et politique dans lequel, à leur corps défendant, ils s'inscrivent géographiquement.
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