Contenu du sommaire : Economie du développement soutenable

Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) Mir@bel
Numéro no 120, janvier 2012
Titre du numéro Economie du développement soutenable
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Quelle place pour l'économie dans la science de la soutenabilité ? - Éloi Laurent p. 7-12 accès libre
  • Gouvernance écologique et justice environnementale

    • Par-delà les marchés et les États : La gouvernance polycentrique des systèmes économiques complexes - Elinor Ostrom, Éloi Laurent p. 13-72 accès libre avec résumé
      Dans cet article, je retrace le cheminement intellectuel qui fut le mien au cours du dernier demi-siècle, depuis mes premiers efforts visant à comprendre les systèmes polycentriques de gestion de l'eau en Californie. L'étude dans les années 1970 des « industries » polycentriques de police des zones métropolitaines aux États-Unis m'a convaincu un peu plus de la nécessité d'un nouveau cadre d'analyse unifié, compatible avec les enseignements de la théorie des jeux et éloigné des approches monolithiques qui ne reconnaissaient que l'État ou le marché comme forme efficace d'organisation humaine. Ce fut le cadre « Analyse et développement institutionnels » qui nous permit, à de nombreux collègues et à moi, d'entreprendre une série d'études empiriques des cas de gestion de ressources communes à travers le monde. Des expériences menées en laboratoire nous ont davantage renseigné encore sur les raisons qui expliquent pourquoi des individus anonymes et isolés ont tendance à surexploiter les ressources communes. Au fil du temps, un ensemble clair de résultats micro-situationnels a émergé permettant d'identifier les facteurs structurels qui affectent la probabilité d'une coopération sociale accrue. Il est à présent nécessaire de développer des approches plus globales pour étudier plus complètement les facteurs qui favorisent ou nuisent à l'émergence et à la robustesse de ces efforts de gestion auto-organisés au sein de systèmes polycentriques multi-niveaux, notamment dans le domaine écologique. Il nous faut, si nous voulons vraiment la comprendre, pleinement accepter la complexité de la gouvernance des systèmes économiques et écologiques.
    • Justice environnementale et performance des entreprises : Nouvelles perspectives et nouveaux outils - Michael Ash, James K. Boyce, Éloi Laurent p. 73-98 accès libre avec résumé
      Le but de cet article est de familiariser les auditoires académiques et gouvernementaux français et européens aux nouveaux instruments quantitatifs empiriques développés et utilisés aux États-Unis pour évaluer la performance environnementale des entreprises et éclairer les enjeux de justice environnementale qui y sont attachés. L'article commence par rappeler les principaux enseignements de la littérature sur la justice environnementale aux États-Unis, ses avancées et certaines de ses limites. Il présente ensuite des méthodes empiriques et des données très récentes sur la performance environnementale des secteurs industriels et des grandes entreprises américaines. Il insiste enfin sur le fait qu'un enjeu crucial pour de futures avancées dans ces domaines de recherche est la disponibilité de données codées géographiquement (ou géocodées) et l'application de méthodes intégratives visant à faciliter l'interprétation de ces données.
    • Pour une justice environnementale européenne : Le cas de la précarité énergétique - Éloi Laurent p. 99-120 accès libre avec résumé
      Le débat scientifique et démocratique sur la justice environnementale et sur l'articulation des politiques sociales et environnementales, vieux de plus de deux décennies outre-Atlantique, ne fait que commencer en Europe. L'État providence ne peut plus faire l'impasse dans l'Union européenne sur l'environnement dans lequel vivent les individus (travail, résidence, loisirs) dès lors que celui-ci détermine en partie les facteurs affectant leur santé et plus largement leur bien-être. Il s'agit donc pour les pays membres et les instances de l'UE à la fois d'adopter et d'adapter l'exigence de justice environnementale. Cet article propose des pistes en vue de cette adaptation et, après avoir défini différentes catégories d'inégalités environnementales, en éclaire plus particulièrement un aspect : la précarité ou pauvreté énergétique. La situation du Royaume-Uni et de la France sont passées en revue avant d'aborder les enjeux et modalités d'une politique européenne de lutte contre la précarité énergétique.
  • Économie du climat

    • Une évaluation macroéconomique et sectorielle de la fiscalité carbone en France - Gaël Callonnec, Frédéric Reynès, Yasser Y. Tamsamani p. 121-154 accès libre avec résumé
      Cet article évalue l'impact macroéconomique et sectoriel d'une taxe carbone en France en utilisant le modèle Three-ME qui combine deux caractéristiques importantes pour cette analyse. (1) Le modèle possède une structure sectorielle détaillée avec une fine description du système fiscal français, en particulier de la fiscalité appliquée à l'énergie. (2) Il a les principales propriétés des modèles d'inspiration néo-keynésienne car il tient compte de la lenteur des processus d'ajustement des prix et des quantités. Les modèles d'équilibre général d'inspiration walrasienne mettent souvent en évidence les conséquences à long terme d'une taxe carbone sur l'économie mais ils négligent les effets à court et moyen terme notamment sur l'emploi et sur la compétitivité des entreprises. Or l'acceptabilité des réformes environnementales dépend souvent de leurs répercussions sur la sphère économique et sociale à court terme. Ayant des propriétés néo-keynésiennes, Three-ME permet de mesurer ces répercussions. Nos résultats confirment sous certaines conditions la possibilité d'un double dividende économique et environnemental autant à court terme qu'à long terme. L'amélioration de la situation économique dépend néanmoins des mesures d'accompagnement mises en oeuvre telles que les exonérations et les modalités de redistribution de la taxe. Il apparaît aussi que ces mesures d'accompagnement réduisent sensiblement l'ampleur du dividende environnemental.
    • Pourquoi l'Europe a besoin d'une banque centrale du carbone - Christian de Perthuis p. 155-175 accès libre avec résumé
      Dans cette contribution, nous examinons les voies d'un renforcement de la régulation du marché européen du carbone, outil central retenu par l'Union européenne pour atteindre ses objectifs climatiques et à ce jour premier système d'échange de permis au monde. Un tel renforcement implique une harmonisation et une centralisation plus poussées des fonctions classiques de surveillance d'un marché (sécurité des infrastructures, transparence de l'information, traque des positions dominantes, ...), difficiles à mettre en oeuvre dans le contexte institutionnel européen. Mais pour envoyer un signal permettant d'orienter l'économie sur la cible d'une réduction par cinq des émissions européennes à l'horizon 2050, il faudrait aller plus loin : créer un organisme indépendant sur le modèle d'une banque centrale avec une capacité d'intervention et une crédibilité suffisantes pour modifier les anticipations des industriels afin qu'ils réalisent aujourd'hui les investissements nécessaires pour mettre l'économie européenne sur la voie de la décarbonation.
    • L'ajustement aux frontières, condition de la crédibilité d'une politique européenne du climat ambitieuse - Olivier Godard p. 177-193 accès libre avec résumé
      Cet article entend évaluer la pertinence, les modalités et la faisabilité de l'institution d'un ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne visant à restaurer l'intégrité économique et environnementale de la politique climatique européenne. Il s'agit de créer un « sas de décompression » ou une « écluse » entre produits étrangers et produits européens afin de ne pas altérer la politique climatique européenne et d'éviter les « fuites de carbone ». Les effets attendus d'un tel dispositif se situe de façon imbriquée sur le terrain environnemental et sur le terrain économique : il s'agit tout à la fois de préserver l'intégrité environnementale des politiques climatiques et, ce faisant, d'enrayer les pertes artificielles de parts de marché pour les producteurs européens, tant sur les marchés intérieurs que sur les marchés internationaux. Après avoir étudié les conditions légales d'entrée en vigueur de cette mesure, l'article conclut que sous certaines conditions un ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne contribuerait à renforcer la cohérence et la crédibilité de l'engagement européen en matière climatique.
  • Économie de la soutenabilité

    • Agriculture mondiale et européenne : défis du XXIe siècle - Jacques Le Cacheux p. 195-234 accès libre avec résumé
      L'agriculture mondiale est parvenue, au cours des décennies passées, à nourrir une population mondiale en forte croissance ; elle a également fourni des quantités croissantes de matières premières industrielles. Mais, alors même que l'essor de la population mondiale ralentit, l'augmentation de la production agricole soulève, dans la plupart des régions du monde, des difficultés, liées à la manière dont les hausses des volumes ont été obtenues ? mise en culture de terres nouvelles prises sur les milieux naturels sauvages, notamment la forêt, intensification de l'usage des intrants (eau, engrais minéraux, pesticides), et des prélèvements sur les ressources halieutiques, etc. Dans un contexte dominé par le changement climatique, la dégradation de l'environnement naturel, la perte de biodiversité, et la raréfaction de certaines ressources, notamment fossiles, l'agriculture mondiale est confrontée à de nombreux défis. Elle devra, au cours des prochaines décennies, améliorer, en quantité et en qualité, l'offre alimentaire, tout en fournissant des matières premières industrielles, et en réduisant sa pression sur l'environnement naturel. Les politiques agricoles doivent, pour ce faire, être infléchies partout dans le monde, qu'il s'agisse de celles menées dans les pays en développement, des politiques de libéralisation des échanges internationaux au sein de l'OMC, ou de la Politique agricole commune (PAC), dont la réforme est actuellement discutée.
    • Faut-il décourager le découplage ? - Éloi Laurent p. 235-257 accès libre avec résumé
      L'idée de l'impossibilité d'un découplage absolu entre la croissance économique et son impact environnemental occupe le coeur de la démonstration de l'ouvrage récent du chercheur britannique Tim Jackson, Prospérité sans croissance. Après avoir mis en lumière certaines limites empiriques de la démonstration de Jackson, cet article insiste sur l'importance du concept de découplage comme instrument de la transition écologique des économies, en particulier dans l'Union européenne. À l'aune de l'expérience européenne de découplage absolu entre croissance économique et émissions de gaz à effet de serre, une distinction importante est introduite, non seulement entre découplage absolu et relatif, mais surtout entre découplage brut et net. L'article élargit ensuite la question du découplage européen à l'enjeu des pollutions atmosphériques et des ressources naturelles pour conclure à la nécessité de définir et de percevoir le découplage dans toutes ses dimensions.
    • L'epargne nette ré-ajustée - Céline Antonin, Thomas Mélonio, Xavier Timbeau p. 259-286 accès libre avec résumé
      Cet article discute de la pertinence théorique et de la validité empirique du principal indicateur de soutenabilité utilisé dans les travaux de recherche et discuté dans les forums internationaux, l'épargne nette ajustée. Après avoir rappelé le contexte de sa conception théorique et la méthodologie qui le sous-tend, l'article pointe certaines limites importantes de l'épargne nette ajustée telle qu'elle est calculée aujourd'hui par la Banque mondiale. Des innovations sont introduites dans le calcul : la dépréciation du capital éducatif, une prise en compte plus exhaustive des émissions de carbone et un prix social du carbone plus élevé. Ces changements modifient sensiblement les conclusions optimistes, en matière de soutenabilité globale, que l'on peut tirer des données que la Banque mondiale publie.
    • La mesure de la soutenabilité : Les antécédents, les propositions et les principales suites du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi - Didier Blanchet p. 287-310 accès libre avec résumé
      Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (SSF) publié à l'automne 2009 a consacré l'une de ses trois parties à la mesure de la soutenabilité. On revient sur les principaux points soulevés par cette partie du rapport : (a) nécessité de bien distinguer la mesure de la soutenabilité de celle du bien-être courant, (b) évaluation de cette soutenabilité par une approche de type « capital élargi », consistant à quantifier l'ensemble des ressources transmises d'une génération à l'autre, qu'elles soient de type environnemental, économique ou social, (c) difficulté à résumer ces différentes dimensions de la soutenabilité par un indice unique, ce qui plaide pour une approche de type tableau de bord et enfin (d) besoin de prendre en compte la dimension internationale du problème, i.e. l'impact du comportement de chaque pays sur la soutenabilité des autres pays. On examine comment ces propositions se raccordent aux conclusions d'autres initiatives internationales plus ou moins contemporaines du rapport SSF. On indique comment se mettent en place les suites de cet ensemble de travaux, à la fois aux niveaux français, européen et pour l'ensemble des pays de l'OCDE.
    • Nouvelles réflexions sur la mesure du progrès social et du bien-être - Jean-Paul Fitoussi, Joseph E. Stiglitz p. 311-328 accès libre avec résumé
      Dans la foulée du Rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, nous proposons ici de nouvelles réflexions sur le progrès social et le bien-être, qui annoncent de nouveaux travaux et de nouvelles avancées. À partir de quelques exemples simples empruntés à l'actualité, nous montrons d'abord comment notre système statistique actuel, du fait à la fois des lacunes des indicateurs existants et de l'absence d'alternatives crédibles, peut implicitement conduire à des conclusions de politique publique entachées d'erreur. Ceci importe au plus haut point car ce que nous mesurons affecte ce que nous faisons. Réduire le bien-être en vue d'augmenter quelque imparfaite mesure de la richesse matérielle que ce soit donne lieu à des politiques totalement erronées. Nous portons ensuite notre attention, selon cette même perspective critique des indicateurs et instruments de mesure actuels, sur des questions essentielles du débat économique contemporain telles que l'effet sur le chômage de la flexibilité des marchés du travail ou encore l'impact sur la croissance du degré d'ouverture financière des économies. Notre évaluation des mesures existantes de bien-être nous laisse convaincus à cet égard que, trop souvent, elles ont conduit les pays à s'orienter dans de mauvaises directions, ou à tout le moins à adopter des politiques dont les bénéfices sont très discutables. Nous montrons en somme qu'il existe des possibilités considérables d'améliorer les indicateurs de bien-être et d'en développer de nouveaux pour mieux servir les buts collectifs des sociétés humaines.