Contenu du sommaire : Regards géopolitiques sur la Chine
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 150, 3ème trimestre 2013 |
Titre du numéro | Regards géopolitiques sur la Chine |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Béatrice Giblin p. 3-8
- Le défi rural du « rêve chinois » - Sébastien Colin p. 9-26 À l'heure où Xi Jinping impose sa nouvelle devise du « rêve chinois », le développement des zones rurales, où vivent encore plus de 600 millions de personnes, reste une tâche gigantesque pour le Parti communiste. L'emploi par les spécialistes chinois de la notion de « trois problèmes ruraux » (sannong wenti) résume l'urgence de moderniser l'agriculture, d'améliorer la situation socioéconomique des paysans et d'aménager des infrastructures de base dans les zones rurales. À défaut de cet effort, certains estiment que ces « trois problèmes ruraux » pourraient menacer la croissance économique, la stabilité sociale et peut-être même l'emprise du parti au pouvoir. Après avoir rappelé dans une première partie les diverses politiques rurales menées depuis le lancement des réformes, cet article analysera leurs diverses conséquences et leurs évolutions récentes. Il tentera enfin de mettre en exergue le problème politique de fond que révèle la situation des campagnes chinoises, notamment le rôle des autorités locales.The Rural Challenge of the « Chinese Dream » At a time when Xi Jinping imposes his new motto « Chinese dream », the development of rural areas, where more than 600 million people live, is still a huge task for the Chinese Communist Party. The use by Chinese specialists of the concept of “three rural issues” (sannong wenti) summarizes the urgent need for China to modernize agriculture, improve the socio-economic situation of farmers and develop basic infrastructure in rural areas. Otherwise, some believe that these “three rural issues” could threaten economic growth, social stability and perhaps the influence of the ruling party. After first looking at the various rural policies since the beginning of the reforms, this article will analyze their implications and recent developments. Finally, it will attempt to highlight the political problem that reflects the situation of rural China, including the role of local authorities.
- Développement durable et responsabilité sociale des entreprises en Chine contemporaine - Benoît Vermander p. 27-45 Si l'ampleur des défis écologiques rencontrés par la Chine est reconnue par tous, la détermination et l'efficacité de sa réponse font l'objet d'évaluations divergentes. Cet article étudie la relation désormais établie entre développement durable et responsabilité sociale des entreprises (RSE). Une fois brossé le tableau écologique de la Chine contemporaine, l'article évoque l'affirmation progressive du concept de RSE en contexte chinois au cours des vingt dernières années, insistant sur le fait que la loi elle-même requiert des entreprises une approche proactive en la matière. Il s'arrête ensuite sur l'ancrage culturel du concept de RSE : l'examen du modèle entrepreneurial qui fut celui du Sud-Est chinois notamment, comme la grande fluidité de « la tradition chinoise » montrent que la RSE peut être nourrie aujourd'hui par la réinterprétation de concepts et de pratiques ancrés dans l'histoire. Une dernière partie esquisse la dynamique qui lie aujourd'hui modernisation écologique et transformations socioculturelles.Sustainable Development and Corporate Social Responsibility in today's China Although the magnitude of the environmental challenges faced by China is generally recognized, the resoluteness and effectiveness of its response are subject to differing assessments. This article examines the relationship now established between sustainable development and corporate social responsibility (CSR). After presenting the ecological situation of contemporary China, the article discusses the increasing importance of CSR-related concepts in the Chinese context during the last twenty years or so, insisting on the fact that the law itself requires a proactive approach from companies of the CSR imperative. It then examines the cultural roots of CSR : the study of the entrepreneurial pattern that was characteristic of southeast China in particular, as well as the fluidity of “Chinese tradition” implies that CSR can be encouraged by a reinterpretation of concepts and practices anchored into history. The last section outlines the dynamic that now binds ecological modernization and socio-cultural changes.
- La Chine et le changement climatique - Jean-Paul Maréchal p. 46-66 L'objet de cet article est d'analyser les raisons qui expliquent le refus chinois d'accepter des engagements contraignants en matière climatique. Il met en évidence la relation entre la croissance économique chinoise de ces trente dernières années et les émissions de gaz à effet de serre du pays. Il est ainsi possible de mesurer la « contribution » chinoise au changement climatique actuel et de se faire une idée de ce que celle-ci pourrait être dans les décennies à venir. La deuxième partie de l'article met en évidence deux éléments susceptibles de conduire la Chine à réduire ses émissions de gaz à effet de serre : tout d'abord les effets désastreux de la pollution de l'air sur la santé de la population, et les perspectives économiques liées au développement des technologies vertes.China and Climate Change This article analyzes the reasons behind China's reluctance to accept binding agreements in the international negotiations concerning climate change. It highlights the relationship between China's economic growth of the last thirty years and the volume of its greenhouse gases emissions. We thus have a precise idea of the current Chinese “contribution” to climate change and what this “contribution” could be in the future if no new policies are implemented. The second part of the article focuses on two factors that could lead China to reduce its greenhouse gases emissions : the health impact of air pollution on the Chinese population and the promising perspectives of the development of green technologies.
- Les relations Chine-Taïwan sous la présidence de Ma Ying-jeou : l'impossible statu quo - Tanguy Lepesant p. 67-86 Depuis l'élection de Ma Ying-jeou et le retour du Kuomintang aux commandes de l'État taïwanais en 2008, les relations entre les deux rives du détroit de Formose ont connu une certaine stabilisation. La cascade d'accords signés et la libéralisation rapide des échanges conduisent certains à penser que les relations Chine-Taïwan sont désormais sur les rails d'une « unification pacifique » inexorable. Mais c'est oublier que, derrière cette apparente détente, toutes les dynamiques au cœur des tensions sont toujours à l'œuvre. Contrairement à ce que prétend Ma, sa présidence n'est caractérisée ni par la préservation du statu quo, ni par un apaisement, et encore moins par un effacement de la menace chinoise. En revanche, elle a abouti à un affaiblissement de la position de Taïwan, alors même que l'identification à un État-nation taïwanais et le rejet de l'unification se renforcent.Cross-strait Relations under Ma-Ying-jeou : an Impossible Status quo Since Ma Ying-jeou's first election in 2008 and the Kuomintang's return to power in Taiwan, cross-strait relations have enjoyed a certain degree of stabilization. The signing of numerous agreements and the rapid liberalization of exchanges bring some observers to conclude that China-Taiwan relations are henceforth on a path to inexorable “peaceful unification”. But behind this apparent détente, all the driving forces creating tensions in the Taiwan Strait are still at work. Contrary to Ma's assertions, his years in office are not characterized by the preservation of the status quo or appeasement, and they have certainly not brought an end to the Chinese threat. In return, they have weakened Taiwan's position whereas the identification to a Taiwanese nation-state and the rejection of unification are still consolidating.
- « Chine à tous les étages ». L'impact du voisinage de la Chine sur les transformations spatiales et sociales centrasiatiques - Marlène Laruelle, Sébastien Peyrouse p. 87-102 En deux décennies, le paysage géopolitique de l'Asie centrale postsoviétique a changé en profondeur, et la Chine a joué un rôle majeur dans ces évolutions. Le voisinage chinois a laissé une empreinte nouvelle sur les sociétés centrasiatiques, à plusieurs échelles : il a modelé l'identité régionale de l'Asie centrale par le biais de l'Organisation de coopération de Shanghai et le discours sur les « routes de la soie » ; il a offert à chacun des cinq États une « Chine à la carte », contribuant à créer dans chaque pays une vision différente du voisin chinois suivant que sont mis en avant le partenariat stratégique, les coopérations économiques, ou les peurs culturelles ; il a transformé les réalités spatiales et sociales à une micro-échelle, en créant de nouvelles identités locales et sociales fondées sur la proximité avec la Chine.China at all levels : The impact of neighboring China on spatial and social transformations in Central Asia In two decades, the geopolitical landscape of post-Soviet Central Asia has undergone profound changes, and China has played in major roles in these evolutions. Neighboring China has left a new imprint on the Central Asian societies, and on several levels : it has modeled the regional identity of Central Asia through the Shanghai Cooperation Organization and the “Silk Roads” discourse ; it has offered each of the five states a sort of “China à la carte”, contributing to the creation in each country of a different vision of the Chinese neighbor depending on whether that which comes to the fore is the strategic partnership, economic cooperation, or cultural fears ; it has transformed the spatial and social realities at a micro-level by creating new local and social identities based on proximity with China.
- Le chien et l'éléphant. Le Japon au miroir de la Chine - Philippe Pelletier p. 103-131 La Chine et le Japon offrent l'exemple d'une situation géopolitique paradoxale. Les deux pays sont en effet voisins, l'un continental, grand et très peuplé, l'autre archipélagique, allongé et comparativement plus petit. Ils relèvent d'une aire de civilisation commune, sinisée. Malgré la proximité et le rapport de forces différentiel, le premier n'a historiquement pas envahi le second, alors que l'inverse n'est pas vrai, puisque le Japon a occupé la Chine pendant la guerre de Quinze Ans (1931-1945). Bien que la paix soit revenue et que les échanges économiques aient crû fortement entre les deux pays depuis les années 1980, l'héritage de cette guerre reste lourd. Il est néanmoins incompréhensible si l'on ne prend pas en compte le rôle des États-Unis.The Dog and the Elephant. Japan in mirror of China China and Japan are a good case of a paradoxical geopolitical situation. Both are neighbors, one is continental, large and highly populated, other one is an archipelago, extended and smaller. Both belong to the same sinic civilization area. At no point throughout history has China invaded Japan, but Japan invaded China during the 15 years war (1931-1945). Although peace has been attained and economic relations have been growing since the 1980s, inheritance of this war is still heavy. One cannot understand it without examining the role of the USA.
- L'incident frontalier du printemps 2013 : un essai d'interprétation des relations sino-indiennes - Isabelle Saint-Mézard p. 132-149 La transition du pouvoir qui s'est opérée à la tête de la République populaire de Chine entre l'automne 2012 et le printemps 2013 a retenu l'attention des autorités indiennes surtout par les gestes amicaux dont elles ont fait l'objet. Ces gestes d'amitié ont laissé espérer des avancées sur les dossiers de sécurité qui perturbent les liens par ailleurs denses et diversifiés entre les deux pays. Mais, au moment où la nouvelle équipe dirigeante chinoise tentait de déployer une politique d'amitié vers l'Inde, un sérieux incident dans les zones frontalières est venu rappeler que le rapport sino-indien restait marqué par une profonde asymétrie. Cet incident, le plus grave depuis la fin des années 1980, confirme surtout que les deux voisins s'enferment dans un préoccupant dilemme de sécurité. Si le principe de statu quo sur les zones frontalières demeure le point de référence des autorités de part et d'autre, il va s'affaiblissant en raison de mouvements militaires de petite ampleur, mais de portée symbolique importante, sur les hauteurs himalayennes.The border incident of Spring 2013 : Interpreting China-India Relations The leadership transition that took place at the helm of the People's Republic of China between Autumn 2012 and Spring 2013 drew the attention of Indian authorities mostly because of the friendly gestures that it entailed. These goodwill gestures raised hopes of a progress on the security issues that had been disrupting the otherwise dense and diverse relations between the two countries. But, as the new Chinese leadership tried to deploy this new friendly policy towards India, a serious incident in the border areas came as a reminder that the Sino-Indian relationship was marked by a profound asymmetry. This incident, the most serious since the late 1980s, also confirms that the two neighbors are locked in a serious security dilemma. If the principle of status quo on the border areas remains the point of reference for authorities on both sides, it is weakened due to small scale – but highly symbolical – military movements, on the Himalayan heights.
- Les relations Chine-Afrique : nouvelles responsabilités et nouveaux défis d'une puissance mondiale en devenir - Jean-Pierre Cabestan p. 150-171 Les relations Chine-Afrique ont connu un développement prodigieux au cours des dix dernières années. Cette expansion a été avant tout favorisée par la mise en place à Pékin d'une nouvelle politique africaine destinée à servir à la fois ses besoins économiques croissants et sa montée en puissance sur la scène mondiale. L'essor des échanges et des projets de coopération qui s'est ensuivi a directement resserré les liens diplomatiques, voire stratégiques, entre Pékin et la plupart des capitales africaines. Pour autant, cette nouvelle relation n'est pas sans apporter son lot d'interrogations et de problèmes, et, pour la seconde puissance mondiale, de nouvelles responsabilités et de nouveaux défis. Ceux-ci sont multiples et touchent autant à la présence économique et humaine croissante de la Chine qu'aux conséquences de cette présence en matière politique, diplomatique et de sécurité. Autant de contraintes qui affectent le poids réel de la Chine en Afrique et sa capacité à en influencer l'avenir.China-Africa Relations : The New Responsibilities and Challenges of a Potential World Power Sino-African relations have witnessed an impressive development in the last decade. The expansion of these relations was favored by the adoption by Beijing of a new African policy aimed at fulfilling its growing economic needs as well as consolidating its status as a world power. The rapid increase of Sino-African trade volume, as well as the number of Chinese infrastructure projects in Africa, have directly contributed to deepening Beijing's diplomatic, and perhaps also strategic, relations with most African capitals. Nevertheless, this new Sino-African connection is not without problems, and for China new responsibilities and challenges. These multiple challenges are connected to the political, diplomatic and security consequences of China's growing economic and human footprint on the black continent. These challenges affect the real weight of China in Africa and its ability to influence its future.
- La politique étrangère de la Chine sous Xi Jinping - Mathieu Duchâtel p. 172-190 Au tournant de 2012 et de 2013, la Chine a renouvelé son équipe dirigeante. Xi Jinping, le nouveau secrétaire général du Parti communiste, qui préside aussi la Commission militaire centrale, a initié en moins d'un an des ajustements importants en matière de politique étrangère. Il s'est saisi personnellement de deux dossiers prioritaires, les relations avec les États-Unis et la sécurité en Asie orientale. Il est sorti de la traditionnelle ambiguïté de la Chine en exprimant clairement sa quête de parité stratégique avec les États-Unis en Asie. Sous son autorité, la politique étrangère chinoise évolue dans le sens d'une plus grande personnalisation des décisions, même si son élaboration reste fragmentée pour les dossiers non prioritaires. L'article décrit aussi l'incorporation de nouveaux dossiers diplomatiques, confirmée sous Xi Jinping : la sécurité des ressortissants chinois à l'étranger, le cyber, et l'affirmation d'une doctrine d'opposition aux ingérences occidentales au Moyen-Orient en réaction à la guerre de Libye.China's Foreign Policy under Xi Jinping China renewed its governing team at the turn of 2013. Xi Jinping, the new head of the Chinese communist party, who also heads the Military central commission, initiated major adjustments in terms of foreign policy in less than a year. He personally oversaw two priority issues : the relations with the United States and security in Eastern Asia. He avoided the traditional ambiguity of China by expressing clearly its quest for strategic parity with the United States in Asia. Under its authority, Chinese foreign policy evolves towards more personalized decision-making, even though its development remains fragmented for non-priority issues. The article describes the incorporation of new diplomatic issues, confirmed under Xi Jinping : Chinese citizens' security abroad, cyber, and the affirmation of a doctrine opposing the western intrusions in the Middle East regarding the Libyan war.
- Hérodote a lu - p. 191-198