Contenu du sommaire : Varia
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 68, no 3, juillet 2005 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le secret selon Heidegger et « La lettre volée » de Poe - Rudolf Bernet p. 379-400 Dans son cours de 1942/43 sur « Parmenides », Heidegger prête une grande attention à la dimension de la lèthè dans la vérité (alètheia). Ce retrait originaire, constitutif de l'événement d'un décèlement, ne doit pas être confondu avec une dissimulation ou un recel (pseudos). Un tel cèlement au sein de la présence d'une chose peut être mis en évidence par une description phénoménologique de l'oubli, de l'anamnèse, du rare, du don et du secret. C'est surtout l'analyse heideggérienne d'un « secret ouvert » qui se prête à une relecture philosophique de «La lettre volée » de Poe. Dupin prend visiblement plaisir à disserter sur la bonne manière de garder un secret et il se moque ouvertement de l'aveuglement des policiers qui confondent stupidement la lèthè avec le pseudos. Incidemment, le vol, non moins que le don, se révèle être une figure du décèlement. La description du mode de présence de la lettre volée et de sa place dans le bureau du ministre par Poe nous fournit de précieux indices sur la manière dont une chose peut garder son secret en s'effaçant devant les autres choses.
- La fusion des horizons : La version gadamérienne de l'adæquatio rei et intellectus? - Jean Grondin p. 401-418 Même si elle est emblématique de la pensée de Gadamer, la difficile notion d'une « fusion d'horizons » a été assez peu étudiée pour elle-même. Cet article se propose d'en faire ressortir le sens, la portée, mais aussi les difficultés. Il cherche surtout à montrer en quoi cette fusion d'horizons est l'?uvre du langage (lui-même pensé à partir de sa fusion avec l'être) et dans quelle mesure on peut y voir la version gadamérienne de l'adéquation entre l'être et la pensée, suivant la conception classique de la vérité, que Gadamer ne renie jamais.
- Négation, contrariété et contradiction : Sur la théorie éliminativiste de la négation dans l'idéalisme anglais - Jean-Philippe Narboux p. 419-446 L'auteur discerne trois intuitions majeures dans la théorie éliminativiste de la négation développée par les idéalistes anglais, d'après laquelle une négation est l'élimination d'une alternative au sein d'un ensemble complet d'alternatives disjonctivement affirmées du sujet de la négation : premièrement, la détermination du sens d'une proposition est l'assignation à une proposition de coordonnées logiques dans un espace logique ; deuxièmement, le sens d'une proposition entretient une relation interne avec le sens de sa négation ; troisièmement, l'espace logique dans lequel une négation acquiert un sens dépend du contexte. Il est montré que la théorie éliminativiste de la négation échoue à composer adéquatement les deux premiers aperçus en essayant de faire droit au troisième. A l'inverse, le Tractatus de Wittgenstein les combine adéquatement mais passe à côté du troisième. Une théorie adéquate de la négation devrait, minimalement, satisfaire simultanément les trois contraintes.
- L'analyse de Genèse I dans L'Étoile de la Rédemption - Marc de Launay p. 447-464 Dans L'Etoile..., donc avant de devenir avec Buber le traducteur de la nouvelle Bible en allemand, Rosenzweig s'appuie sur une théorie du langage comparable à celle, contemporaine, de Benjamin, et centrée sur l'idée que le sens s'est, depuis l'origine, déposé dans des noms. Ce qui l'entraîne à interpréter Genèse I en s'appuyant sans en être conscient sur la version des LXX, et en passant à côté de la syntaxe et de la sémiotique propres du texte; or le sens n'est pas antérieur à son expression, et Genèse I ne peut donc conforter la conception rosenzweigienne du langage, pas plus, chez Benjamin, l'interprétation qu'il donne de Genèse II.
- Le « jugement motivé » et son intensité : L'émergence du nouveau sens de l'objet intentionnel chez Brentano - Bernard Barsotti p. 465-491 Dans sa Psychologie d'un point de vue empirique (côté 1874,1911,1914-1917), Brentano a jeté les bases d'une conception intentionnelle des actes de conscience. Mais où se situe, exactement, la contribution, plus ou moins contestée, de la Psychologie à la conception phénoménologique, husserlienne, de l'intentionnalité? En suivant l'évolution des analyses brentaniennes, on découvre que son apport se confirme moins du côté de la conscience noétique, selon la vision habituelle, que du côté de l'objet intentionnel, auquel Brentano donne un tout nouveau statut ontologique en retravaillant la notion sensualiste d'intensité de la représentation en termes de motivation par le pôle-objet.
- Représentation et communauté : Sur Thomas Hobbes - Philippe Crignon p. 493-524 Il y a une unité profonde du « concept » de représentation dans son triple sens esthétique, métaphysique et politique. Contemporain de Descartes et de la philosophie du sujetsouverain, Hobbes institue, avec la « représentation » politique, la condition de possibilité de toute institution moderne. Ce faisant, il établit un nouveau régime, qui clôt, en l'invalidant explicitement, le « régime de l'incarnation» et qui discrédite paradoxalement l'idée d'un « corps politique ». Leviathan n'est pas l'image de l'Etat hobbesien, mais son fantasme congénital.
- Vivre et écrire la politique chez Machiavel : le paradigme du ritratto - Cristina Ion p. 525-544 Le lien entre l'expérience acquise par Machiavel au service de la République florentine (1498-1512) et l'?uvre politique écrite après son éloignement forcé des affaires est explicite. Tous les commentateurs se sont attachés à déceler, dans la correspondance diplomatique et les écrits mineurs ante res perditas, les thèmes qui réapparaîtront de manière aboutie dans les textes majeurs de Machiavel. Cependant, le passage de la pratique à la « théorie » n'est pas immédiat. Le ritratto, composé d'extraits d'expérience regroupés autour d'une question particulière, permet une problématisation originale de l'histoire présente et s'inscrit dans l'écart qui se creuse, tout au long de l'activité diplomatique de Machiavel, entre la politique florentine qu'il est censé servir et sa propre vision des choses. Aussi le traité du Prince se fonde-t-il, non sur une réalité brute, mais sur une expérience déjà disposée dans un certain nombre de ritratti. Un immense effort pour rationaliser la politique à partir du particulier est ainsi entrepris par Machiavel, sans pour autant sacrifier ce qui précisément déclenche cette entreprise et la rend interminable, à savoir, l'irréductibilité de la fortune.
- Comptes rendus - p. 545-549