Contenu du sommaire : Théorie du champ

Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro no 200, décembre 2013
Titre du numéro Théorie du champ
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Séminaires sur le concept de champ, 1972-1975 : Introduction de Patrick Champagne - Pierre Bourdieu p. 4-37 accès libre
  • Effets de champs

  • Champ et contre champ

    • Les think tanks dans le champ du pouvoir étasunien - Thomas Medvetz p. 44-55 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'ensemble des approches regroupées sous le label de « field theory » a beaucoup retenu l'attention de la sociologie étasunienne au cours des dernières décennies. Confrontant la théorie des champs de Bourdieu à celle des « strategic action fields » récemment développée par Fligstein et McAdam, cet article montre que la première est à la fois plus exigeante et plus souple que la seconde qui repose sur un concept largement autonome. Là où le « champ » de Fligstein et de McAdam est surtout un dispositif opérationnel aspirant à fournir un instrument de mesure statistique, Bourdieu propose un concept « ouvert » qui prend toute son ampleur lorsqu'il est mis en relation avec les autres outils de son programme théorique. La démonstration s'appuie sur une enquête qui a été consacrée à la politique des « think tanks » aux États-Unis. Elle met en avant que les think tanks gagnent à être pensés comme constituant un champ hybride et interstitiel.
      The family of approaches known as field theory has attracted considerable attention in American sociology over the last decade. This article contrasts Bourdieu's approach to fields with the theory of “strategic action fields” recently developed by Fligstein and McAdam. I argue that Bourdieu's field theory is both more demanding and more flexible than its counterpart, which is built on a largely self-contained concept. Whereas Fligstein and McAdam's field is principally an operational device geared to the necessities of empirical measurement, Bourdieu's is an “open” concept that acquires its full meaning only in connection with the other tools in his theoretical program. To illustrate this point, I report on an empirical study of public policy “think tanks” in the United States. Think tanks, I argue, are best understood as inhabitants of a hybrid, interstitial field.
  • Les robins des champs

    • Les usages internationaux du concept de champ juridique - Yves Dezalay p. 56-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire du système juridique étasunien est à première vue très différente du cas français. Une analyse en terme de champ reste néanmoins pertinente parce qu'elle permet de mettre en évidence un système de forces structurales en s'appuyant sur trois préceptes méthodologiques fondamentaux : s'interroger à partir d'une problématique sociologique sur la diversité des fractions dont les oppositions et la complémentarité sont constitutives des champs juridiques ; inscrire l'histoire des champs juridiques dans une sociologie des champs du pouvoir d'État, ainsi que dans une sociologie de la reproduction des élites ; prendre en compte à la fois la spécificité des champs nationaux en les inscrivant dans une histoire globale dont les agents du droit ont été à la fois les produits et les instruments. Les alliances sociales et politiques, qui sont indispensables à la production de nouveaux savoirs juridiques, leur imposent aussi des objectifs stratégiquement définis et délimités. Aux États-Unis, cela passe par la mobilisation des sciences sociales et notamment la sociologie au service de politiques juridiques – comme la promotion de nouveaux droits sociaux – qui ne parviennent à leur fin qu'en fondant à leur tour de nouvelles orthodoxies juridiques.Pour apparaître crédibles comme des « planificateurs socio-juridiques responsables », les juristes doivent contribuer à construire le mythe d'un droit doublement légitime, tant du point de vue d'une nouvelle science sociale que de celui d'une morale politique conforme aux idéaux d'un « Welfare State » qui se double d'un « Regulatory State ».
      The International Uses of the Notion of Legal Field
      At first sight, the history of the US legal system differs widely from that of the French system. Yet, it is still relevant to analyze it as a “field,” to the extent that this notion makes visible a system of structural forces on the basis of three basic methodological principles: it sheds sociological light on the different fractions whose relationships of competition or complementarity are constitutive of the legal field; it embeds the history of legal fields in a sociology of the fields of state power and of elite reproduction; it takes into account the specific character of national fields while also recasting them within a global history of which legal actors have been both the instrument and the outcome. The social and political alliances that are necessary for the production of new legal knowledge impose upon these actors goals that are strategically defined and delimited. In the United States, this process takes the form of the mobilization of the social sciences, and in particular of sociology, at the service of legal policies – such as the promotion of new social rights – that reach their goals only by generating new legal orthodoxies. In order to establish their credibility as “responsible socio-legal planners,” jurists must contribute to establishing the myth of the double legitimacy of law, both from the point of view of a new social science, and from the point of view of a political morality aligned with the ideals of a “welfare state” that is also a “regulatory state.”
  • Champ et hors champ

    • Le champ est-il national ? : La théorie de la différenciation sociale au prisme de l'histoire globale - Gisèle Sapiro p. 70-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article relit la théorie des champs dans une perspective transnationale, à l'aune de la critique du « nationalisme méthodologique ». Le champ est un concept abstrait qui permet l'autonomisation méthodologique d'un espace d'activité défini de façon relationnelle, à condition qu'elle se justifie par des raisons socio-historiques. Les champs ne sont donc pas nécessairement circonscrits au périmètre de l'État-nation. Après un retour sur le processus de différenciation des champs et les phénomènes de dépendance et d'encastrement, l'article aborde le phénomène de nationalisation et le rôle de l'État dans la formation des champs. Il analyse ensuite divers modes et stratégies d'internationalisation, en les rapportant à la structure des rapports de force internationaux, ainsi que les tensions entre frontières étatiques, frontières de marché et frontières de champs. Enfin, des indicateurs d'émergence de champs transnationaux sont proposés. L'article revient, pour finir, sur la question du comparatisme.
      Is the Field National?
      This article provides a new reading of Field Theory from a transnational perspective in light of the criticism taking issue with its alleged “methodological nationalism”. The field is an abstract concept that allows for the methodological autonomization of a space of activity defined in relational terms, provided that this autonomization is historically and sociologically grounded. As a result, fields are not necessarily limited to the perimeters of the nation-state. After reviewing the process of differentiation of fields and the phenomena of dependence and embeddedness, the article addresses the phenomena of nationalization and the role of the State in the formation of fields. The article then goes on to analyze different modes and strategies of internationalization in relation to the structure of international power struggles, and to the tensions between state, market and field borders. Finally, indicators of the emergence of transnational fields are proposed. In conclusion, the article comes back to the question of comparativism.
  • Champs et sous-champs

    • Héritiers et outsiders?: sur la noblesse d'État norvégienne - Johs. Hjellbrekke, Olav Korsnes p. 86-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite de la contribution de la théorie des champs de Pierre Bourdieu à des études comparatives du champ du pouvoir dans différents pays. En retenant, comme cas empirique, l'exemple de la Norvège, il traite des difficultés méthodologiques que comporte la mise en évidence des structures de l'espace social et du champ du pouvoir. Ensuite, il insiste sur la différence essentielle, mais souvent négligée, entre généralisation empirique et généralisation théorique. L'apport principal de l'exploitation, à l'aide de l'analyse géométrique des données, de l'édition 2000-2001 de la Norway Leadership Survey est de montrer qu'il existe en Norvège une dynastie politique dont les membres circulent régulièrement entre les secteurs et les positions les plus élevés de la société norvégienne, ainsi qu'une opposition structurale entre « héritiers » et « outsiders ». Ces résultats n'illustrent pas seulement la validité du cadre d'analyse proposé par Bourdieu pour étudier d'autres cas nationaux que la France ; ils montrent aussi que son approche peut renouveler l'étude des processus du changement social dans d'autres sociétés que la France.
      Inheritors and Outsiders
      In this article, we discuss how Pierre Bourdieu's theory of fields can be applied in comparative studies of the field of power. Using Norway as our empirical case, we discuss typical methodological challenges one encounters when uncovering the structures of social space and the field of power. Thereafter, we focus on the fundamental, but often neglected difference between empirical and theoretical generalizations. By applying Geometric Data Analysis to the Norway Leadership survey of 2000-2001, we address two main issues: the thesis of the existence of a Norwegian political dynasty, whose members easily circulate between top positions and sectors in the Norwegian society, and the structural opposition between the “inheritors” and the “outsiders”. The results not only demonstrate the validity of Bourdieu's work outside French society, but also that his methodological approach may produce new insights about processes of societal change in societies other than France.
  • Le champ visuel

    • Géométrie du champ - Frédéric Lebaron, Brigitte Le Roux p. 106-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de champ a fait l'objet d'un travail de formalisation implicite depuis que Pierre Bourdieu a développé, dans les années 1960 et 1970, une approche relationnelle de l'espace social. Celle-ci l'a conduit à promouvoir une conception spatialisée du social, qui s'est épanouie avec le recours à l'analyse géométrique des données (AGD) dans l'analyse empirique des champs. L'AGD permet de mettre en œuvre un programme de recherche systématique d'étude des champs qui part de la description et se poursuit jusqu'à une démarche explicative.
      Field Geometry
      The notion of field has been implicitly formalized since Pierre Bourdieu developed a genuine relational approach of the social space from the 1960s onward. It led him to promote a spatialized conception of social reality, which flourished through his use of Geometric Data Analysis (GDA) in the empirical study of fields. GDA makes it possible to develop a systematic research program for the study of fields, which goes from the descriptive level to an explanatory perspective.
  • Le clé du champ

    • L'analyse des correspondances et la construction des champs - Julien Duval p. 110-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'usage de l'analyse des correspondances peut être très utile à l'analyse des champs et des espaces sociaux, il se heurte potentiellement à des malentendus. Pour surmonter ces malentendus, il faut prendre en compte la réflexion très élaborée qui le sous-tend et qui touche à des aspects généraux de l'utilisation des statistiques en sociologie. Cet article souligne d'abord l'enracinement des pratiques statistiques de Pierre Bourdieu dans une tradition sociologique ancienne mais souvent méconnue. Il insiste ensuite sur l'étape fondamentale de la construction des données et montre le rôle que la théorie des champs joue dans cette étape. Enfin, il met en valeur que l'analyse et l'interprétation des résultats d'une analyse des correspondances multiples participe d'un rapport en quelque sorte dialectique à l'outil statistique qui prend en compte à la fois les propriétés géométriques de l'outil et ses limites, les champs ne paraissant pas intégralement écrits en langage mathématique.
      Correspondence Analysis and the Construction of Social Fields
      The use of statistical correspondence analysis can be very useful for the analysis of social fields and social space, but it can also lead to misunderstandings. To clarify these misunderstandings, one must take into account the sophisticated thinking that underlies it and that deals with some general aspects of the use of statistics in sociology. Firstly, this article highlights the fact that the statistical practices of Pierre Bourdieu were rooted in a specific sociological tradition that is very old but sometimes overlooked. Secondly, it emphasizes the importance of the stage that consists in establishing the data and the role that field theory plays at this stage. Thirdly, it shows how the analysis and the interpretation of the results of correspondence analysis are, in some respects, dialectic: field theory can benefit from some of the geometrical properties of correspondence analysis, but it should also take into account the limits of statistical tools to the extent that social fields cannot be entirely considered as if they were made of mathematical code.