Contenu du sommaire : Pouvoirs et sociétés urbaines

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 64, no 2, avril 2009
Titre du numéro Pouvoirs et sociétés urbaines
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Pouvoirs et sociétés urbaines

    • La gloire et l'outrage : Heurs et malheurs des statues honorifiques de Démétrios de Phalère - Vincent Azoulay p. 303-340 accès libre avec résumé
      À la tête de la cité d'Athènes entre 317 et 307 av. J.-C., Démétrios de Phalère fut gratifié de multiples statues honorifiques. Alors que durant toute l'époque classique ces distinctions étaient octroyées avec une grande parcimonie par le peuple athénien, ce législateur satura le territoire civique de ses effigies, mettant à l'honneur de nouvelles formes statuaires - la statue équestre -, investissant de nouveaux espaces - les dèmes -, tout en limitant les autres manifestations monumentales dans l'espace public. Les effigies honorifiques furent davantage imposées que négociées ou, à tout le moins, furent octroyées de façon bien moins tatillonne par la communauté qui, au demeurant, avait été redéfinie de façon restrictive. Au fur et à mesure qu'elles envahissaient l'espace public, par un phénomène de compensation, les effigies de Démétrios de Phalère furent ainsi détruites, transformées ou avilies, selon des modalités variées qui permettent de dresser les contours d'une véritable culture de l'outrage, établie sur la longue durée. Au-delà du cas de Démétrios de Phalère, les statues honorifiques se révèlent en définitive des objets « bons à penser » : elles permettent à la fois d'articuler le temps court des ruptures politiques et des réformes législatives, mais aussi le temps long des rituels et de la mémoire civique. Leur étude implique de concilier l'approche anthropologique et la perspective institutionnelle, voire procédurale.
    • La cité grecque d'époque impériale : vers une société d'ordres ? - Anna Heller p. 341-373 accès libre avec résumé
      À travers l'étude de quelques aspects des institutions civiques, il s'agit d'interroger la validité du concept de romanisation appliqué à la vie politique et sociale des cités grecques de l'époque impériale. La transformation de la boulè sur le modèle du Sénat romain est un phénomène progressif, nullement homogène, voire inabouti, qui coexiste avec le maintien de pratiques démocratiques. Plus généralement, la construction de la hiérarchie sociale comme de la légitimité politique procède d'une interaction complexe entre peuple et élites, autour de la pratique de l'évergétisme. Ainsi, les titres honorifiques décernés aux notables par acclamations, qui s'inspirent de paradigmes idéologiques hérités des époques classique et hellénistique, apparaissent comme une nouvelle forme de contrôle exercé par le peuple sur ses dirigeants.
    • Le conclave des parieurs : Paris, opinion publique et continuité du pouvoir pontifical à Rome au XVIe siècle - Renaud Villard p. 375-403 accès libre avec résumé
      Paris, opinion publique et continuité du pouvoir pontifical à Rome au XVIe siècle À Rome, au XVIe siècle, les principales scansions d'un pontificat donnent lieu à d'innombrables paris, qui mobilisent des moyens financiers considérables et suscitent l'enthousiasme de toute la société romaine. Les bulletins des parieurs révèlent la probabilité, pour les joueurs, d'un événement : ce faisant, ils centralisent les rumeurs et informations. La multiplication anarchique de paris finit par brouiller la réalité : comme des papes meurent ou sont élus sur les comptoirs des parieurs, il devient difficile de distinguer les chronologies réelles, de savoir si le pape est élu ou mort. Cette disparition de l'événement réel a des conséquences politiques inattendues : en singeant les conclaves par les paris, la foule invente un rituel parallèle à même de combler les vacances du pouvoir. La continuité du pouvoir pontifical, la pacification politique des États pontificaux, doit paradoxalement beaucoup aux parieurs qui, par leurs jeux, s'octroyaient les attributs du pouvoir souverain. Dans le même temps se développe la crainte d'une élection pontificale guidée non par l'Esprit saint, mais par les intérêts financiers en jeu, ce qui conduit le pouvoir pontifical à interdire ces paris, à contrôler la parole publique à Rome, pour que le secret du prince ne soit pas confisqué par la rue.
  • Paris, capitale du XIXe siècle

    • Définir un intérêt particulier parisien : Les élections et l'administration municipale de Paris au milieu du XIXe siècle - Stephen W. Sawyer p. 407-433 accès libre avec résumé
      Cet article entend montrer que la municipalité parisienne a joué un rôle central dans la négociation du rapport entre Paris et la nation française au milieu du XIXe siècle. L'instauration d'élections municipales dans la capitale sous la monarchie de Juillet a donné naissance à une culture électorale et participative locale, qui a non seulement reformulé le rapport entre les mandataires et leurs arrondissements, mais a également modifié la nature du mandat municipal grâce à l'introduction de la notion d'expertise et l'agrandissement de l'échelle d'intervention administrative locale. Cette culture participative a aussi permis l'établissement durable d'une reconnaissance mutuelle entre le pouvoir municipal de Paris et le pouvoir du gouvernement national sis dans la même ville. De cette culture électorale et participative est né un intérêt particulier parisien, rouage essentiel qui a permis à Paris de trouver sa place dans une France en voie de démocratisation.
    • Présences d'État : Police et société à Paris (1854-1880) - Quentin Deluermoz p. 435-460 accès libre avec résumé
      L'article s'intéresse à ce que peut apporter l'étude des relations ordinaires entre les sergents de ville et les Parisiens à la compréhension de la construction de l'État au XIXe siècle. À partir de 1854, en effet, la capitale importe le modèle londonien de police instituant une présence visible des agents et un contact permanent avec la population parisienne. L'étude de ces interactions, inspirée d'une approche située des travaux d'Erving Goffman et attentive aux cadres sociaux, politiques ou culturels dans lesquels elles se déploient, montre la mise en place heurtée d'un ordre partagé et négocié. L'inscription de cet échange dans un temps long, par-delà le moment communard, permet d'approcher, par le bas, l'élaboration de nouvelles formes d'ordre public, où se croisent à la fois développement de l'État, types de police, transformations des normes sociales et mutations des sociétés métropolitaines.
  • Anthropologie de la mémoire

    • L'univers des arts de la mémoire : Anthropologie d'un artefact mental - Carlo Severi p. 463-497 accès libre avec résumé
      Pour les linguistes, les anthropologues et les archéologues, l'image emblématique précède depuis toujours et partout l'apparition du signe. Ce mythe d'une langue figurée composée d'icônes, qui constitue la figure adverse de l'écriture, a profondément influencé la tradition occidentale. Dans cet article, l'auteur essaie de montrer que l'on ne peut comprendre la nature logique des mnémotechnies amérindiennes (pictographies, khipus) qu'en passant de l'interrogation inévitablement ethnocentrique, que soulève leur comparaison avec l'écriture, à un tout autre ordre de questions qui relèvent de l'anthropologie comparative. Plutôt que de chercher à savoir si les techniques amérindiennes de mémorisation sont de véritables écritures ou seulement des mnémotechnies, on peut se demander si ces symbolismes possèdent des traits formels en commun, s'ils impliquent des opérations mentales comparables et si ces systèmes appartiennent à un même univers conceptuel, à une langue mentale - pour reprendre une idée de Giambattista Vico - qui caractériserait les arts amérindiens de la mémoire. Si l'on suit cette perspective, les techniques de la mémoire cessent de nous sembler hybrides ou imprécises et nous pourrons mieux en comprendre la nature et les fonctions en tant qu'artefacts mentaux.
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