Contenu du sommaire : Composer (avec) la frontière. Passages, parcours migratoires et échanges sociaux

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro vol. 30, no 2, 2014
Titre du numéro Composer (avec) la frontière. Passages, parcours migratoires et échanges sociaux
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Éditorial - Véronique Bontemps, Nicolas Puig p. 7-12 accès libre
    • Parcours dans un paysage flottant de frontières - Michel Agier p. 13-23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Une bonne part du malaise contemporain vient du fait qu'avec la mondialisation humaine, avec le développement des circulations dans des périmètres toujours plus vastes, vers des points plus éloignés et des mobilités plus fréquentes, les situations de frontière sont plus nombreuses, plus complexes, alors que les personnes engagées dans ces situations y sont peu ou pas préparées. Faute de savoir identifier ces situations, nous risquons tous ensemble de perdre de vue l'importance voire la centralité qu'elles occupent dans la « fabrication » du monde. La description de trois lieux urbains de frontière (un quartier d'étrangers à Lomé au Togo, un campement de migrants à Patras en Grèce, un squat de réfugiés et migrants à Beyrouth au Liban) nous permet d'entrer dans ce paysage de frontières, incertain et inachevé.
      A good part of the contemporary discontent comes from the fact that, with the human globalization, the development of circulations in larger and larger perimeters going to more distant locations, borders' situations are more numerous, more complex, although people engaged in these situations are sparsely or not at all prepared. Not knowing how to identify such situations, we risk all together losing sight the importance or even the centrality they occupy in the “making” of the world. The description of three border' urban places (a foreigners' neighborhood in Lomé, Togo, a migrants' encampment in Patras, Greece, a migrants and refugees' squat in Beirut, Lebanon) will allow us to enter into this uncertain and unfinished borderland.
    • Négocier sa place chez l'autre. Les migrants dans les espaces palestiniens à Beyrouth - Assaf Dahdah p. 25-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Liban, les migrants originaires d'Afrique et d'Asie s'inscrivent dans le cadre d'une mobilité économique contractualisée. Analyser leur place dans la capitale Beyrouth dépasse cependant le seul cadre professionnel pour interroger également leurs stratégies spatiales, plus particulièrement dans les marges de la ville où ils parviennent à s'installer. Entre opportunités et contraintes, appropriation spatiale et hiérarchie sociale, leurs trajectoires résidentielles et leur accès à des centralités marchandes informelles révèlent leur capacité à être malgré tout acteur de leur mobilité. Concomitamment, la présence de ces nouveaux locataires et commerçants révèle et participe à la transformation des espaces palestiniens concernés, secteurs précarisés en transition entre camp de réfugiés et ville. Ces processus sont abordés dans cet article à partir d'une étude empirique du camp Mar Elias et du quartier de Sabra.
      In Lebanon, Asian and African migrants enter the country as contracted workers. Analyzing their role and function in Beirut goes beyond looking at their professional framework as we also examine their spatial patterns and strategies, mainly in the city outskirts where they are settling. Between opportunities and constraints, spatial appropriation and social hierarchy, their residential trajectories along with their access to informal business centers show that they remain actors in their mobility. In parallel, the settlement of such new tenants and business owners brings to light the transformation of the Palestinian spaces and their transition from a refugee's camp to becoming part of the city. Based on the empirical approach, this article examines the Mar Elias camp and the Sabra neighborhood as examples of these processes.
    • Passages de frontières des Palestiniens du Liban : de refuges en migrations - Nicolas Puig p. 49-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une analyse des pratiques de mobilités des réfugiés palestiniens au Liban, l'auteur décrit les dimensions relationnelles du passage de différentes frontières territoriales, sociales et culturelles. Ce sont les barrages de l'armée libanaise à l'entrée d'un camp de réfugiés, les routes clandestines vers la Grèce et les relations avec les autorités et certains des habitants de la capitale de ce pays. Autant de passages problématiques au cours desquels les réfugiés-migrants sont amenés à s'ajuster à la situation dans le cadre d'interactions que l'on peut qualifier d'asymétriques : échanges avec un soldat, un passeur, des gardes-frontières ou encore des citadins athéniens. L'auteur cherche à répertorier les réponses aux assignations identitaires et aux injonctions à justifier de leur présence que les réfugiés apportent lors de ces passages et à dégager le point de vue qu'ils développent plus généralement sur leur position entre refuges et migrations.
      Starting from the practices of mobility of Palestinian refugees in Lebanon, the research describes the relational dimension of the numerous situations of crossing territorial, social and cultural borders and boundaries that the refugees have to go through. These borders and boundaries are the checkpoints of the Lebanese army at the entrance of a refugee camp, the clandestine roads toward Greece and the relationship with the citizens of this country when the refugees reach Athena. In these moments, some forms of asymmetric social exchange take place in the folds of mobilities: exchanges with a soldier, a smuggler, some border guards, or citizen from a foreign country. Starting with refugees from the Palestinian Nahr al-Bared camp in Lebanon, the article describes experiences of passage ranging from the local to the transnational scales.
    • Entre Cisjordanie et Jordanie, l'épreuve du passage frontalier au pont Allenby - Véronique Bontemps p. 69-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article décrit la manière dont les Palestiniens vivent et rendent compte de leur expérience frontalière, lorsqu'ils passent le pont Allenby entre la Cisjordanie et la Jordanie. L'auteure montre que ce passage représente pour eux une expérience pénible et éprouvante, mais pourtant relativement ordinaire : ce qu'elle propose d'appeler une « épreuve routinière ». Après un rappel historique montrant comment s'est formé l'espace frontalier au pont, l'article expose les différents niveaux de cette « épreuve » telle qu'elle est perçue par les Palestiniens (violence de l'attente, de l'incertitude et de l'arbitraire), ainsi que les « techniques » que ces derniers développent pour diminuer l'inconfort de la traversée et la rendre « acceptable ».
      In this paper the author describe how Palestinians cross the Allenby Bridge between the West Bank and Jordan, and how they talk about it. She shows that this crossing represents for them a painful and trying, but at the same time relatively common experience: which the author proposes to call a “routine ordeal”. After a historical outlook in order to show how the border zone was shaped at the Bridge, the article focus on the crossing itself as experienced today by Palestinians, and the feelings they express when talking about it (especially the violence of waiting, of uncertainty and of arbitrariness). Finally, the author addresses the various “techniques” they develop in order to minimize the suffering of the crossing and make it “acceptable”.
    • Vivre sur, vivre de la frontière : l'après transit en Mauritanie et au Mali - Jocelyne Streiff-Fénart, Philippe Poutignat p. 91-111 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur la situation des migrants « de transit » qui sont restés dans le pays traversé. Il prend comme lieux d'observation les villes de Nouadhibou en Mauritanie et Bamako au Mali. Trois études de cas présentent des façons très différentes de convertir l'expérience de la migration en capital social et de tirer profit de la vie sur la frontière. Elles ont cependant en commun le branchement sur des réseaux transnationaux. À Nouadhibou, un dispositif de commerce à longue distance et un réseau religieux ; à Bamako, la nébuleuse des organismes de gestion, d'accueil et d'assistance aux migrants. Dans ce dernier cas, en contrepoint des trajectoires individuelles exposées en premier lieu, les auteurs proposent l'analyse d'une mobilisation collective formée autour de la solidarité entre résidents du « ghetto » des « refoulés d'Afrique Centrale ». Ils examinent tout particulièrement son insertion dans le champ associatif sur la migration irrégulière.
      This article focuses on the situation of “transit” migrants remaining in the country of transit. It is based on a long-term observation study of Nouadhibou (Mauritania) and Bamako (Mali). Three case studies reveal diverging ways of transforming migration experiences into social capital, while taking advantage of the opportunities offered by life on the frontier. All cases have in common to be connected with transnational networks. These include for instance international trade and religious network in Nouadhibou or a heterogeneous network of migration management and humanitarian aid organizations in Bamako. In the latter, as a counterpoint to the emphasis placed on individual trajectories, the authors offer an account of collective mobilization and links of solidarity within the ghetto of the so-called “Central Africa deportees”, with a specific focus on its integration into the existing network of illegal migrant associations.
    • Figés dans le mouvement : périodes et espaces d'attente des migrants mexicains expulsés des États-Unis - Olga Odgers-Ortiz, Amalia-E. Campos-Delgado p. 113-135 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aujourd'hui, après un siècle marqué par une forte mobilité, le système migratoire Mexique/États-Unis s'essouffle : le contrôle des frontières a été durci et de nouvelles procédures d'expulsion des migrants en situation irrégulière ont été mises en place. Les auteurs explorent ici les contextes et les expériences de ceux qui, expulsés et dans l'impossibilité de choisir une destination, restent « figés dans le mouvement », entre l'espoir de retrouver un territoire américain qu'ils ont fait leur et les obstacles que suppose le renforcement des mécanismes transnationaux de contrôle migratoire. Retourner aux États-Unis coûte que coûte, regagner leur lieu d'origine ou s'installer indéfiniment dans une ville frontalière constituent les choix dérivés des mécanismes d'exclusion axés sur le contrôle de la mobilité. Au binôme mobilité/immobilité s'ajoute ainsi la catégorie « en suspens », celle de milliers de migrants forcés à retourner dans un pays où ils ne se sentent plus chez eux.
      Overwhelmed by the intensity of the last century's mobility, the Mexico-USA migratory system is going through a phase of depletion, through a weakening process together with the strengthening of border control mechanisms and the establishment of new expulsion proceedings for illegal immigrants. This paper addresses the backgrounds and experiences of those deportees who get “frozen in motion”, facing the impossibility to choose where they wish to live. The movement-control focused exclusion mechanisms have led to three consequences: the return no matter what to the USA, the return to original communities and the unlimited journeys within border cities. Thousands of migrants, forced to return to a country that is no longer their home, have discovered they belong to a new category: between mobility and immobility, they find themselves in an “unresolved condition”.
    • Franchir les dispositifs établis par Frontex. Coopérations policières transfrontalières et refoulements en mer Égée - Eva Ottavy, Olivier Clochard p. 137-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le milieu des années 2000, les gouvernements européens ont mis en place une agence – Frontex – visant à coordonner et mutualiser les opérations de surveillance aux frontières extérieures de l'Union européenne. Un de ses principaux objectifs est de lutter contre l'immigration dite irrégulière. En s'intéressant au durcissement des contrôles migratoires et notamment à ceux qui sont développés dans la région de la mer Égée, à la frontière entre la Grèce et la Turquie, il s'agit de montrer la façon dont des collaborations policières et leurs dispositifs se sont développés pour comprendre l'effort que les migrants « irréguliers » doivent fournir pour les contourner et accéder au territoire de l'Union ; depuis 2006, une des pratiques des policiers aux frontières est de refouler bien souvent les migrants vers la Turquie sans que ces derniers puissent faire valoir leurs droits.
      In the mid-2000s, European governments established a European agency – Frontex – to coordinate and pool surveillance operations conducted at the external borders of the European Union. One of the main objectives of this agency is to fight so-called illegal immigration. By looking at the tightening of migration controls, especially those implemented in the Aegean region on the border between Greece and Turkey, the authors want to show the way in which police cooperation and mechanisms have developed in order to understand the efforts involved on the part of “irregular” migrants to circumvent them and gain access to EU territory. Because since 2006, border police officers have very often pushed back migrants to Turkey without the possibility of exercising their rights.
    • Récits de traversée de la frontière entre l'Égypte et la bande de Gaza - Lorenzo Navone p. 157-168 accès libre
  • Varia

    • Quand les territoires circulatoires des transmigrants traversent des quartiers enclavés de villes moyennes françaises - Tarrius Alain p. 169-192 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Deux notions, le paradigme méthodologique de la mobilité et les territoires circulatoires, que l'auteur a proposées dans les années 1990, lui ont permis de décrire et d'analyser les transmigrations de populations pauvres originaires du Maghreb, des Proche et Moyen-Orient, du Caucase et des Balkans, vers l'Europe méridionale. Cet article restitue les sources sociologiques et anthropologiques qui ont présidé à leur construction et les faits contemporains de transmigrations qu'elles éclairent. Pour terminer, il relate l'apparition, dans des quartiers enclavés de villes moyennes françaises, au carrefour des territoires circulatoires de transmigrant(e)s du « poor to poor » mondial et de l'accueil résidentiel fourni par les descendants des immigrants des années 1970, de dispositifs sociaux originaux, résiliences populaires en temps de crise. Les accueils réciproques entre colporteurs internationaux et jeunes des quartiers enclavés suggèrent un renouvellement des thèmes de recherches sur les migrations et une redéfinition de la notion d'étranger.
      Two notions, the methological paradigm of mobility and “territoires circulatoires”, which the author created in the 1990's allowed him to describe and analyze the transmigrations of poor populations born in the Maghreb, in the Near and Middle East, in the Caucasus and in the Balkans, towards Southern Europe. The present paper retraces the sociological and anthropological sources which presided over their construction and the facts contemporary with the transmigrations which they highlight. At the end, the paper retraces the arrival, in enclosed districts of French middle towns, at the crossroads of “territoires circulatoires”, of poor to poor worldwide phenomena and of the residential reception given by the descendants of migrants arrived in the 1970's, of original social means, the ordinary people resilience born from times of crisis. The mutual reception between international and young people from enclosed districts suggest to renew the research themes on migrations and to revisit the notion of foreigner.
  • Notes de lecture