Contenu du sommaire : La construction de l'Autre

Revue Politique européenne Mir@bel
Numéro no 47, 2015/1
Titre du numéro La construction de l'Autre
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • La construction de l'Autre : Définir les « identités à la marge » dans l'espace européen - Solenn Carof, Aline Hartemann, Anne Unterreiner p. 8-23 accès libre
    • Inside Fortress Europe : The Europeanisation of immigrant integration and its impact on identity boundaries - Roxana Barbulescu p. 24-44 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si l'intégration des immigrés a été pendant longtemps le quasi-monopole des États-nations, au cours de la dernière décennie, l'Union européenne a obtenu de nouvelles compétences en la matière. Dès lors, si le rôle de l'UE se limite essentiellement aux domaines techniques, ses prises de responsabilité croissantes dans ce secteur ont profondément transformé les processus d'intégration des immigrés. Nous montrerons ainsi qu'en définissant l'intégration uniquement pour les citoyens des pays tiers, et en excluant de fait les citoyens européens, l'UE produit, à l'égard de ces derniers, un effet symbolique positif en les excluant de la catégorie « Autre ». Une telle redéfinition de l'intégration renforce, alors selon nous, à la fois la dimension culturelle et l'identité au cœur du projet européen. Il s'agira enfin de préciser les caractéristiques et les questions soulevées par ce « nouveau » modèle d'intégration qui se consolide au niveau européen.
      Immigrant integration has been historically the near monopoly of nation-states. Over the last decade, the EU has accrued a new set of competences in integration. This article argues that while it developed its role chiefly in technical areas, the emergence of the EU as a decision-maker transforms immigrant integration at its core. In a series of documents and regulations reviewed here, the EU defines immigrant integration exclusively in relation with third country nationals and it excludes the European citizens. This exclusion of the European citizens from programmes of integration bears positive symbolic value as they are thus, excluded from the “other” category. Following the nation-state logic, this exclusion is not justified because European citizens are not part of the nation. The article claims that such redefinition of integration is a means for constructing a cultural dimension and substantiating an identity for the European project. In doing so, it advances the process of European integration. Finally, the article discusses the challenges and characteristics of the “new” integration model consolidating at the EU level.
    • Les pratiques contemporaines de l'identification nationale : L'exemple des cérémonies d'acquisition de la nationalité en France, en Allemagne et au Royaume-Uni - Romain Calba p. 46-71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des cérémonies à l'attention des nouveaux citoyens ont été mises en place de façon concomitante dans différents pays européens à partir des années 2000. Ces nouvelles pratiques illustrent une volonté politique de solenniser l'entrée dans la « communauté nationale » et matérialisent un « imaginaire national » contemporain. À travers une étude comparative des évolutions législatives et administratives relatives aux politiques d'intégration et de nationalité en France, Allemagne et au Royaume-Uni, il s'agira d'observer les représentations et pratiques contemporaines de cette identification nationale. Nous pourrons dès lors souligner les éventuels processus de convergence dans la définition de l'identité et de l'altérité, questionnant en cela l'idée de « modèles » nationaux différents.
      Ceremonies for new citizens are organised in different European countries since the early 2000s. These new practices illustrate a political decision to solemnize admission in the “national community” and materialise a contemporary “imagined community”. Comparing the legislative and administrative evolutions of integration and citizenship policy in France, Germany and the United Kingdom, we observe contemporary representations and practices of national identification, and stress possible processes of convergence in the definition of identity and alterity which question the idea of national “models”.
    • L'accueil des « migrants juifs » en Allemagne : Un exemple de politique publique de l'identité - Lisa Vapné p. 72-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objet de présenter la politique d'accueil spécifique menée en RFA, depuis 1991, à destination d'individus identifiés comme juifs par leurs papiers d'identité émis dans l'ex-Union soviétique. Initialement mise sur l'agenda au nom de l'accueil d'une population potentiellement victime de l'antisémitisme en Union soviétique, cette politique s'oriente par la suite vers l'objectif de reconstruire une vie juive en Allemagne grâce à cet afflux de migrants catégorisé en termes ethnoreligieux. Au cours des années 2000, alors même que l'Allemagne s'éloignait de la prédominance de l'ethnicité dans sa définition de la nation, nous expliquerons les modalités par lesquelles une telle politique a perduré notamment en interrogeant les catégorisations au sujet de l'accueil de ce groupe qui a fait l'objet de représentations positives retournées ensuite en formes de disqualification.
      Since January 1991, the Federal Republic of Germany has implemented a state policy allowing applicants living in former Soviet Union countries and categorized as Jewish to settle in Germany. Originally, this policy appeared in the political agenda as a way to host potential victims of anti-Semitism in the Soviet Union; then it was maintained to rebuild Jewish life in Germany with the influx of post-Soviet Jews, labelled as an ethnoreligious group. Examining the categorizations that have turned positive representations of this group into negative ones, we explain why this policy persisted throughout the 2000s despite the fact that ethnicity was no longer the unique criterion for Germany to define its own nation.
    • L'Autre dans les mécanismes étatiques de contrôle de la mobilité : (France, seconde moitié du XIXe siècle) - Antoine Saillard p. 94-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au milieu du XIXe siècle, plusieurs États européens se dotent d'outils de contrôle de la mobilité. En ciblant des populations spécifiques et en organisant leur relégation, ces outils cherchent à contrôler la mobilité aussi bien intérieure qu'internationale. La comparaison de trois dispositifs de ce type, mis en place en France nous permettra dès lors d'appréhender les mécanismes créateurs d'altérité et de marginalité. Par là, nous questionnerons la construction de la figure de l'étranger dans la seconde moitié du XIXe siècle en envisageant les contours complexes et mouvants des deux termes d'une dialectique : le « Même » et l'« Autre ».
      Starting in the mid-19th century, several European States developed tools to control movers. By targeting specific populations and organizing their marginalization, these mechanisms aimed at controlling domestic and international mobility. We compare three tools implemented in France in order to understand the mechanisms that create alterity and marginality. In so doing we explore the figure of the outsider in the second half of the 19th century in France, considering the complex and blurred boundaries that exist between the “Same” and the “Other”.
    • L'« art du contre-pied » : L'identification à une équipe de football issue de l'immigration turque - Pierre Weiss p. 122-143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Émotionnel et peu rationnel, le rapport d'identification à une équipe de football issue de l'immigration turque révèle que l'expérience de la stigmatisation est constitutive d'un « Nous » qui cimente les relations sociales. L'approche qualitative privilégiée dans cet article met en lumière ce que la mise en récit de cette identification doit à la mobilisation d'expériences aux « marges » de l'espace social. L'enjeu est de montrer que les enquêtés usent de stratégies d'identification à contre-pied. Cette dimension tactique du stigmate sert de fondation à une construction identitaire « à rebours ». Elle traduit toutefois moins un besoin d'affiliation qu'un désir de singularisation et de distinction dans un espace d'interconnaissance en voie d'ethnicisation et de paupérisation.
      Being both emotional and bordering on the irrational, identification with a soccer team of Turkish background shows that the experience of stigmatization is part of an “us vs. them” mentality cementing social relationships. Our qualitative approach highlights the narrative of this identification, based on experiences at the margins of the social arena. The aim is to demonstrate that interviewees use the “art of faking out” as a strategy of identification. This tactical dimension of stigma serves as a foundation for a reverse construction of identity. However, it illustrates not so much a need for belonging as a desire for distinction in a space of mutual acquaintances that is being ethnicized and pauperized.
  • Lectures