Contenu du sommaire : Dossier : Les temps de l'histoire

Revue Afrique & histoire : revue internationale Mir@bel
Numéro vol. 2, no 1, 2004
Titre du numéro Dossier : Les temps de l'histoire
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial - Jean-Pierre Chrétien, François-Xavier Fauvelle-Aymar, Bertrand Hirsch p. 7-16 accès libre
  • Dossier : Les temps de l'histoire

    • Maîtriser le temps : Entretien avec Jacques Le Goff - Bertrand Hirsch, Jean-Pierre Chrétien p. 19-29 accès libre avec résumé
      Jacques Le Goff, historien médiéviste dont l'œuvre est mondialement reconnue,vient de faire paraître deux nouveaux livres : L'Europe est-elle née au Moyen Âge ? et Héros du Moyen âge, le saint et le roi, un recueil qui reprend, avec de nombreux autres textes, ses célèbres essais sur saint François d'Assise et sur saint Louis. Depuis la publication de La Civilisation de l'Occident médiéval (Paris, 1964), Jacques Le Goff n'a cessé de placer au cœur de son travail la réflexion sur le temps, dans une double dimension : le temps tel qu'il était vécu et pensé par les hommes du Moyen Âge et les catégories construites par les historiens pour en faire l'histoire. C'est pourquoi nous avons estimé qu'il n'y avait pas de meilleur guide pour ouvrir ce dossier sur les temps de l'histoire. Dans le passionnant entretien qu'il a bien voulu nous accorder, et dont nous avons respecté le style oral et vivant, il revient sur ces questions en prenant comme fil conducteur la périodisation de l'Europe et en ouvrant des pistes extrêmement stimulantes pour l'histoire de l'Afrique (voir l'éditorial de ce numéro).
    • De la périodisation en histoire africaine. Peut-on l'envisager ? À quoi sert-elle ? - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 31-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose aux contemporanéistes de repenser une périodisation de l'Afrique à l'échelle continentale, en dépit des difficultés de l'entreprise dues à l'immensité et à la diversité du continent dans le temps et dans l'espace. Une relative unité culturelle peut néanmoins être définie qui dépasse la vision occidentale (avant, pendant et après l'impérialisme colonial). Cette périodisation, tout en exigeant d'être afrocentrée, ne peut être isolée du reste du monde auquel l'Afrique a appartenu depuis les origines. Elle doit donc à la fois tenir compte de mouvements proprement africains (contraintes de l'environnement, chronologie climatique, évolutions démographique et migratoire, processus culturels…) et de grands événements souvent commandés par l'extérieur qui furent autant de formes de mondialisation : ainsi la domination grecque de l'Égypte puis la conquête romaine de la province d'Afrique, l'irruption de l'islam, l'arrivée des Portugais, les traites négrières, l'impérialisme colonial, la vague récente des indépendances… Au résultat, un effort mixte, qui témoigne à la fois de facteurs autocentrés et autonomes d'évolution et de manifestations renouvelées de dépendance à travers l'histoire.
      This paper aims at rethinking by modern historians an African periodization for the whole continent, in spite of the immensity and variety of spaces and times. A relative cultural unity may be hypothezised, at least getting rid of a Western eurocentric view (precolonial, colonial and postcolonial periods). Periodization needs afrocentricity, but nevertheless cannot be isolated from the rest of the world, Africa being part of it from the beginnning. Many factors come from inside, such as the environmental change, a climatic periodization, African population history, and cultural trends. Nevertheless, one has to include major events the origins of which is often to be found abroad, such as the conquest of Egypt by the Greeks, the occupation of their African province by the Romans, the invasion by Islam, the arrival of the Portuguese, slave trading, colonial imperialism, and recent independences, all major steps to globalization. The result is a mixed attempt to take into account, at one and the same time, a history of self-centered autonomous processes and of external dependency.
    • Problématique de la périodisation historique pour la région des Grands Lacs - Émile Mworoha, Melchior Mukuri p. 67-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une confrontation entre les sources conservées et la production des discours historiques, les auteurs discutent les césures coloniales reçues et présentent les critères opératoires permettant d'envisager une périodisation de l'histoire de la région des Grands Lacs (Rwanda, Burundi, Kivu congolais, sud de l'Ouganda et nord-ouest de la Tanzanie), scandée en six phrases principales, associant étroitement longue durée et pulsations brèves.
      By confronting existing sources and the production of historical discourse, the authors discuss the chronological divisions inherited from colonial time and present criteria enabling to reconsider the periodisation in the history of the Great Lake Region of East Africa (Rwanda, Burundi, Southern Uganda, North-West Tanzania) in six main phases, associating closely longue durée and shorter time scales.
    • Sur la périodisation de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest : le Golfe de Guinée - Pierre Kipré p. 85-96 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet « exercice de périodisation » régionale se propose d'examiner les liens de causalités et les chevauchements chronologiques qui président à la caractérisation de quatre phases majeures de l'histoire du Golfe de Guinée. Après une longue phase de peuplement et d'organisation de l'espace jusqu'au XVe siècle, la zone apparaît jusqu'au milieu du XIXe siècle comme l'interface privilégiée des rapports de l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest avec l'Europe Atlantique. La domination coloniale provoque à l'inverse un processus de marginalisation de la région et de recomposition structurelle de ses fondements économiques, culminant au cours du XXe siècle par une remise en question de l'État-nation de type européen.
      This exercise in determining regional historical periods plans to scrutinize the relation between the links of causality and the chronological overlapping that mainly led to the definition of the four major phases of the history of the golf of Guinea. After a long phase of peopling and organizing the region up to the XVth century, the zone appears up to the mid XIXth century as privileged contact zone between the whole of West Africa and Atlantic Europe. Colonial domination leads to the opposite process that is the marginalization of the region and the structural reorganisation of its economical bases, culminating during the XXth century with the questioning of European type Nation States.
    • Temps et structures chez un historien tombouctien du XVIIe siècle - Jean Boulègue p. 97-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Ta'r?? as-S?d?n, écrit à Tombouctou au XVIIe siècle par ‘Abd ar-Ra?m?n as-Sa‘d?, se présente en premier lieu comme une chronique royale du Songay, construite autour de ses souverains et inscrite, contrairement aux chroniques orales, dans la chronologie musulmane. Après l'effondrement de l'empire songay, le pouvoir politique installé par le Maroc, très instable, n'offre plus un cadre pertinent pour un découpage chronologique interne. Le récit correspondant à la période marocaine est donc à la fois plus continu et plus dispersé, et il subit d'autre part, de plus en plus, l'influence du vécu de l'auteur. Enfin, deux passages se distinguent du reste de l'ouvrage : ils sont consacrés à des villes (Tombouctou et Jenné), traitent d'économie et d'urbanisme, et les processus qui y sont décrits déterminent leur propre temps.
      The Ta'r?? as-S?d?n is presented principally as a royal chronicle of Songhay, organized around its kings. In opposition to chronicles from oral traditions, it is built on an Islamic chronology. After the fall of the Songhay Empire, the very instable political power imposed by Morocco does not offer adapted divisions for an internal chronology. The story corresponding to the Moroccan period is therefore at the same time more continuous and more dispersed. It is also more influenced by the personal life and experience of the author. Some passages stand out from the rest of the work: they deal with towns (Timbuktu and Jenne), economy and urbanism. In this case the described historical process determines its own time scale.
  • Varia

    • Le Sénégal imaginé. Évolution d'une classification ethnique de 1816 aux années 1920 - Joël Glasman p. 111-139 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les questions soulevées par le concept introduit par Terence Ranger d' « invention » des ethnies africaines, notamment la difficulté à déterminer un « inventeur » et de ne concevoir le rôle des Africains que comme « inventés », peuvent trouver un début de réponse dans l'étude de l'évolution d'ensemble des classifications ethniques. Le cas du Sénégal de 1816 aux années 1920 montre que, loin de se résumer à une création datable attribuable à un seul auteur – qui serait Louis Faidherbe –, la classification ethnique se met en place dès la première moitié du XIXe siècle comme un aboutis-sement des récits de voyages et autour du pôle wolof, avant d'être refondue autour du concept de « race » par Faidherbe, puis d'être cristallisée par l'administration dans le premier tiers du XXe siècle. Au-delà de l' « acte de naissance » d'ethnies prises isolément, ce sont des dichotomies (Wolof/Maure, Tukuleer/Manding), des amalgames (Manding, Joola), des renversements de jugements de valeurs (Wolof, Bambara, etc.), des principes de hiérarchisation (économiques, stratégiques, raciologiques) qui sont à l'œuvre dans le processus de création des catégories ethniques.
      The concept of the “invention” of African ethnic groups – as introduced by Terence Ranger – has often been criticised. The main criticism deals with the difficulty to tie oneself down to a sole “inventor” and with the problem of defining the Africans as a passive “invented people”. However, the study of ethnic classifications enables the historian to find some answers. Particularly, the history of the creation of ethnic classification in Senegal between 1816 and the 1920s shows that the “invention” was not the work of one author but a long process. Partly this process had already taken place throughout the first half of the 19th century, constructing the Wolof as model. It has been transformed by Faidherbe, who introduced the idea of “races”. Finally, ethnic classification has been taken up by the colonial administrators who used and imposed it during the first third of the 20th century. Consequently, it is not the “birth” of isolated ethnic groups that is of unique importance. Rather, what must be taken into account are the dichotomies (Wolof/Maure, Tukuleer/Manding), the fusions of groups (Manding, Joola), the changes of the appreciation of virtue (Wolof, Bambara, etc.), and the principles of hierarchy (economic, strategic, racial).
    • L'évolution du « leader indigène » aux yeux des administrateurs français : Léon M'Ba et le changement des modalités de participation au pouvoir local au Gabon, 1922-1967 - Alexander Keese p. 141-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie les idées des administrateurs français en Afrique noire, à partir des années 1930, quant au rôle de leurs collaborateurs indigènes. À partir de l'exemple du futur président du Gabon, Léon M'Ba, on montre que les fonctionnaires français étaient tellement méfiants à l'égard de leurs subordonnés « évolués » présents dans l'administration, qu'ils essayèrent de les intégrer comme « chefs traditionnels ». Quand ces alliés se montraient abusifs face à « leurs » populations, les responsables français les destituaient. Ce n'est qu'après la Deuxième Guerre mondiale que les leaders indigènes connurent un regain de prestige et une amélioration de leur position. Le fait que l'administration française commence alors à interpréter leurs actions dans l'optique de la Guerre froide, a permis à ces élites noires, en passant dans le camp anti-communiste, de retrouver de très hautes positions, et d'accéder, dans le cas abordé, à la présidence d'un État africain post-colonial.
      This article analyses the concepts developed by French Administrators in Black Africa since the 1930s, concerning the role of their native collaborators. By utilising the case of Léon M'Ba, future President of Gabon, it is possible to show how the mistrust of French Administrators faced with their educated African subordinates motivated them to attempt to integrate this personnel as “indigenous chiefs”. When these allies committed abuses against “their populations”, the French responsible functionaries de-stooled them, only to see them emerge again after World War II in order to re-demand their positions and their prestige. The fact that the French Administration started to interpret their action from a Cold War viewpoint after 1946 permitted to this Black African elite to “change” ostensibly into the anti-Communist camp and by this move to return into high positions, including the Presidency of a post-colonial African state.
    • De l'africanisme aux études africaines : Textes et « humanités » - Alain Ricard p. 171-192 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sur le ton du témoignage personnel, l'auteur donne sa vision de l'évolution des études sur l'Afrique en France dans le dernier demi-siècle. Il s'interroge sur la dérive qui conduit selon lui à écarter les études sur les langues et les littératures, voire même sur les cultures, de l'africanisme français, alors que le terme à l'origine désigne ces mêmes études. Il critique l'économisme des années soixante-dix et la primauté de la science politique dans les décennies suivantes. Il plaide pour un retour à des travaux textuels et pour une plus grande attention portée aux productions verbales de l'Afrique et pas seulement à ses images ou à ses musiques.
      In a personal testimony, the author gives his point of view on the past fifty years of African studies in France. "Africanisme", in French, originally designated the study of African languages, literatures and cultures but these Humanistic studies have been increasingly marginalized. The author criticizes the domination by the economic history in the seventies and by the political science in the last two decades. According to him, it is time to return to the study of African verbal productions. The author pleads for the development of performance studies and for a renewed attention towards African texts.
    • Travailler sur la guerre d'indépendance algérienne : Bilan d'une expérience historienne - Sylvie Thénault p. 193-209 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose de revenir sur l'écriture de l'histoire de la guerre dite « guerre d'Algérie » dans le contexte des années 1990-2000. En effet, ces années ont vu l'avènement d'une nouvelle génération d'historiens, qui n'ont pas vécu cette guerre, et qui y réinvestissent, en réalité, les enjeux politiques de leur propre époque. L'ouverture des archives du Service historique de l'armée de terre (SHAT), entre 1992 et 2000, a également influencé l'historiographie, en suscitant de multiples travaux sur ses aspects militaires. Elle a cependant aussi donné lieu à une histoire reflétant le point de vue militaire, que d'autres sources devraient corriger. Enfin, les échanges scientifiques avec l'Algérie, longtemps marqués par l'ancien rapport colonial, sont aujourd'hui également perturbés par l'absence de démocratie et la guerre actuelle dans ce pays. Ces conditions invitent à redéfinir la démarche des historiens travaillant sur la guerre d'indépendance algérienne.
      This article aims at going over the writing, in the context of 1990-2000, of the history of the war called the “Algerian War”. Those years saw the coming of age of a new generation of historians, who have not lived through this war and who actually reinvest in it political agendas of their own time. The opening up of archives from the Army Historical Service (Service historique de l'armée de terre : SHAT) between 1992 and 2000 has also influenced the historiography, multiplying studies on the military aspects of the war. It also has produced a history reflecting the military point of view that other sources ought to correct. And last scientific exchanges with Algeria, for a long time moulded by the former colonial relations, are now also disturbed by the absence of democracy and the war going on in that country. These conditions call for historians working on the Algerian independence war to define anew their historical approach.
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