Contenu du sommaire : Dossier : Musiques et sociétés

Revue L'année du Maghreb Mir@bel
Numéro no 14, 2016
Titre du numéro Dossier : Musiques et sociétés
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial

  • Dossier : Musiques et sociétés

    • Introduction du dossier : Musiques et sociétés - Yvan Gastaut p. 11-21 accès libre
    • Alger, creuset musical franco-algérien : Sociabilités inter-communautaires et hybridations dans l'entre-deux-guerres - Malcolm Theoleyre p. 23-41 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explorera le monde musical algérois de l'entre-deux-guerres en portant le regard sur les relations entre les sociétés de musique indigène et les milieux musicaux français. Mettant en lumière l'idéal Jeune-Algérien et les aspirations à l'intégration sociale et politique des animateurs de ces sociétés, il s'agira de voir comment ce contexte a été particulièrement favorable à l'émergence de pratiques et de formes musicales syncrétiques, dont le vocable « musique andalouse » ne parvient pas à rendre pleinement compte.
      This article will explore the musical environment in Algiers in the inter-war period, focusing more specifically on the relationships between societies of indigenous music and the French musical milieu. Shedding light on the Young-Algerian spirit of these societies' leaders and their aspirations to social and political integration, the article aims at showing how this context was ripe for the rise of syncretic musical forms and practices, for which the category usually applied – “Andalusian music” – is insufficient.
    • Vous avez dit rock arabe ? Retour sur la trajectoire du groupe Carte de séjour (1980-1989) - Philippe Hanus p. 43-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1981, la presse spécialisée consacre le groupe Carte de séjour ambassadeur du « rock arabe ». Cet article retrace la trajectoire d'un ensemble musical à géométrie variable, formé autour de Mohamed Amini et Rachid Taha, dans une banlieue ouvrière lyonnaise. Ces jeunes artistes contestataires inventent une langue nourrie de darja (arabe populaire algérien) de français et matinée d'anglicismes. Il s'agira enfin de monter en quoi leur prise de parole s'inscrit dans les mouvements de lutte pour la reconnaissance des enfants d'immigrés maghrébins dans l'espace public hexagonal au cours des années 1980.
      In 1981, journalists have hailed Carte de Séjour (Residence permit) a highly topical name – formed in Lyon's suburbs a few years earlier – as the first example of « arab rock » band. This group, which incorporates electric guitar, bass and drums established a core rock sound that was “orientalised” by the use of the oud, and North African percussions. The lead singer, Rachid Taha, chose to sing in a mixed langage between Algerian dialect, known as darja, and French slang. This article aims at studying the conditions leading to the emergence of dissenting artistic creativity in Lyon's rock background, closely linked with the struggles for recognition fought by the young French of North African descent. The analysis and contextualization of this musical work help us to understand parts of the mechanisms that favoured the passage from their stigmatization to a spectacular performance of stereotypical representations of “Arabness”. Indeed, the adventure of Carte de Séjour during the 1980's gave voice to a new form of musical creation that entailed resistance to ethnic reductionism.
    • L'alternance codique dans le rap algérien et tunisien - Felix Wiedemann p. 57-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La culture du hip-hop en général et la musique du rap en particulier sont des moyens importants d'expression pour les jeunes en Algérie et en Tunisie. De ce fait, les rappeurs se servent de leurs chansons pour parler de la vie quotidienne, des problèmes individuels et socio-politiques. Leurs paroles sont écrites en une multitude de langues qui reflète le multilinguisme et la diglossie au Maghreb. Cet article examine comment le rappeur algérien Lotfi Double Kanon et le rappeur tunisien Balti se servent de l'arabe, du français et de l'anglais dans leurs chansons. Au début, les conventions linguistiques qui limitent et structurent l'alternance codique d'une langue à l'autre sont analysées. Ces conventions sont aussi remarquables dans les interactions quotidiennes et elles sont exprimées par le Matrix Language Frame Model. Enfin, il est étudié comment les rappeurs appliquent l'alternance codique dans le cadre de ces limitations pour améliorer leurs moyens d'expression artistique.
      Hip-hop culture in general and especially rap music are important ways of expression for urban Algerian and Tunisian youths. Hence rappers use their songs to speak of everyday life and to address personal and socio-political problems. Their lyrics are written in a multitude of languages, mirroring multilingualism and diglossia in the Maghreb. This article examines how the Algerian rapper Lotfi Double Kanon and the Tunisian rapper Balti make use of Arabic, French and English in their songs. It is first analyzed how linguistic conventions limit and structure code-switching from one language to the other. These conventions can also be found in everyday speech and are expressed by the Matrix Language Frame Model. Finally it is explored how the rappers use code-switching within the frame of these limitations in order to enhance their means of artistic expression.
    • Le corpus de poésie dite « populaire » comme matériau de recherche pour les sciences humaines et sociales - Youcef Djedi p. 69-81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La poésie populaire maghrébine est un matériau de recherche encore très peu exploité par les sciences humaines et sociales. C'est pourtant là une matière incontournable pour cerner ce que l'anthropologie appelle la « personnalité culturelle de base ». C'est de cette même poésie que proviennent ces chansons, dont certaines ont acquis un caractère liturgique, ou peu s'en faudrait. Des qacida-s nous ont gardé la teneur de grandes querelles théologiques et culturelles et les marques de grands événements politiques.
      As a research material, the Maghrebi folk poetry is still little used by human and social sciences, although it is inescapable to figure out what anthropology holds as the « basic cultural personality ». That was this poetry which gave these songs, among which some acquired a liturgical status (or almost). In some qacida-s are kept yet the contents of some important theological and cutural disputes and the marks of big political events.
    • Des hauts plateaux aux oasis : La chanson saharienne - Abdelhafid Hamdi-Cherif p. 83-93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution a pour objectif d'être une introduction au chant bédouin du Sud algérien appelé communément chant saharien, ou plus spécifiquement aiyai. Considéré trop souvent comme mineur malgré toute sa richesse et la qualité de ses interprètes, ce genre musical à part entière, ou plutôt poético-musical car il est fondé autant sur le texte poétique que sur la musique, renvoie au mode de vie nomade qu'il exprime, continuellement en voyage entre steppe et oasis. Proche de la vie quotidienne, la poésie melhoun, véritable colonne vertébrale du aiyai tire de son environnement et des conditions d'existence des populations nomades toute l'inspiration qui l'irrigue. Elle renvoie au mode de vie conforme au temps qui s'écoule, rythmé par les cadences naturelles. Par son amplitude et son déploiement sans cesse recommencés, par sa sobriété et son dépouillement, ce genre exprime l'étendue des espaces dont il est issu. Avec une musique épurée à l'extrême, basée essentiellement sur la (ou les) gasba (flûte), et qui conserve l'essentiel de sa nature malgré les influences qu'il a eu à subir, le aiyai est, à l'image de ses terres, un chant de « l'ouvert ».
      This contribution proposes an introduction to the Bedouin songs of southern Algeria, commonly known as Saharan songs, or more specifically, as aiyai. Considered all too often as minor despite a rich repertoire and the quality of its performers,the aiyai is a musical genre in its own right, or rather a musical-poetic mix, based as much on its poetic texts as on its musical reflection of the nomadic lifestyle and the constant movement across the steppe, from oasis to oasis. Melhoun poetry forms the backbone of the aiyai and takes its inspiration from the environment and everyday living conditions of its nomadic practitioners. It expresses the life of the times, marked by natural cadences. In its variety and its capacity for selfreplication, in its sobriety and in its essence, this genre expresses the vastness of the geography whence it arose. Its highly simplified musicality based on one (or several) gasba (flute), conserves an essential nature which, despite extensive outside influences, casts the aiyai as the regional song par excellence, of “the wide open spaces”.
  • Varia

    • En juin : Un dossier et des varia - Katia Boissevain p. 97-98 accès libre
    • Les fattara du ramadhân au Maghreb ou l'hétéropraxie religieuse au prisme des normes sociales et juridiques - Stéphane Papi p. 99-114 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le jeûne du mois de ramadhân constitue le quatrième pilier de l'islam et revêt une dimension communautaire très marquée dans les trois pays du Maghreb (Algérie – Maroc – Tunisie), ce qui n'empêche pas que l'attitude des fattara choisissant délibérément de ne pas jeûner est tolérée quand elle reste cantonnée à la sphère privée. Elle entraîne cependant des problématiques religieuses et juridiques importantes quand elle s'exprime sur la place publique et qu'elle devient une instruction politique voire, comme ces dernières années, une revendication sociale fondée sur le respect de la liberté d'opinion et d'expression. À la faveur de l'individualisation des pratiques religieuses, celle-ci peut également s'exprimer au nom de la liberté de religion.
      Fasting the month of ramadhân is the fourth pillar of islam and has a community dimension very marked in the three Maghreb countries (Algeria – Morocco, Tunisia). However, the attitude of fattara who deliberately choose not to fast is tolerated when it remains confined to the private sphere. This attitude, howewer, has important religious and legal issues when she speaks in public and it becomes a political statement or, as in recent years, a social demand based on respect for freedom of opinion and expression. By means of individualization of religious practises, it can also be expessed in the name of freedom of religion.
    • L'invention du culte musulman dans l'Algérie coloniale du XIXe siècle - Oissila Saaidia p. 115-132 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'une des conséquences de la conquête de l'Algérie a été de mettre les autorités françaises devant l'obligation de gérer simultanément les trois principales religions monothéistes, et cela dans un contexte colonial unique au sein de l'empire français. Dans la mesure où l'Algérie est organisée en départements dans lesquels toutes les lois sont – en théorie – rendues applicables par décret, l'organisation des cultes est tributaire d'un cadre conçu pour la métropole. Si pour le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme le transfert de ce cadre peut sembler aller de soi, malgré des réticences, qu'en est-il de l'islam, religion des colonisés ? La mise en place du culte musulman dans l'Algérie coloniale du XIXe siècle a été conditionnée par une double contrainte : celle du contrôle de l'islam considéré comme l'obstacle majeur à la domination française et celle de la gestion du fait musulman en contexte pluriconfessionnel. Pour faire face à cette situation, les agents de l'administration – militaire et civile – ont développé différentes stratégies dans un contexte de conquête, à partir de leurs connaissances des populations et de leurs propres techniques administratives. Ce processus conduit à s'interroger sur les mécanismes qui ont mené à l'invention et à la construction du culte musulman, à identifier les artisans de cette transformation et à en repérer les fondements juridiques et administratifs. C'est pourquoi l'article s'intéresse aux conditions de la mise en place du culte musulman, à son organisation et à son évolution de 1830 à 1914, mais avance aussi quelques pistes d'interprétation sur le régime des cultes en Algérie et sur ces avatars dans la France du début du XXIe siècle.
      One of the consequences of the conquest of Algeria was to make the French public authorities guardians of the three monotheist religions, and this in a colonial context within the French Empire. To the extent that Colonial Algeria was organized into administrative departments for which laws were in theory enacted by decree, the organization of public worship was dependent upon practices instituted in the home jurisdiction. If the framework seemed obvious for Catholic, Protestant and Jewish worship, despite some reluctance, what was there to say about Islam, the religion of the colonized? The establishment of Muslim worship in colonial Algeria in the nineteenth century was the result of a double bind: on the one hand, the authorities were required to channel Islam, a major obstacle to French rule. On the other hand, French civil society, a multi-confessional society, would have been required to show respect for Islam. To deal with this situation, military and civilian agents of the state developed strategies for dominance based on their own knowledge of the subject populations, using available administrative techniques. This process led us to reflect upon the organization and functioning of Muslim religious services as well as their legal and administrative bases. The present article focuses on the organization and development of Muslim observance from 1830 to 1914, and suggests possible interpretations for worship practices in Algeria and by extension, in France in the early twenty-first century.
    • Résistances de l'huile d'olive dans la Tunisie coloniale - Mohamed Frini p. 133-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire de l'huile d'olive en Tunisie n'est pas uniquement liée aux civilisations antiques, mais aussi à l'histoire récente qui a été assez mouvementée par une série d'actions de résistance face à l'huile végétale envahissante à la fin du XIXe siècle. Ce constat s'explique par une prépondérance totale de l'huile d'olive au début du XIXe siècle. En effet, l'huile d'olive domine largement le marché dans la Régence de Tunis ; Ses usages varient entre huile de consommation alimentaire, huile à utilisations non alimentaires pour l'éclairage, produit dans des pratiques thérapeutiques et cosmétiques mais aussi pour les besoins de l'industrie locale. Matière première de choix, l'huile d'olive trouve ainsi en Tunisie de nombreuses utilisations industrielles, notamment pour le savon et le textile. Dans une société, une économie et politique oléicoles, les huiles végétales n'avaient trouvé aucun écho favorable dans la Tunisie coloniale. En fait, cette huile importée a été mal accueillie par les consommateurs, les producteurs et le régime politique colonial. Ceci nous mène à mettre en évidence le phénomène de l'insubstituabilité de l'huile d'olive par d'autres huiles végétales qui, malgré leur cout inférieur et leur présence sur le marché local, ne furent pas rapidement intégrées à l'alimentation.
      Political submission in colonized Tunisia, during the end of the XIXth and the beginning of the XXth centuries, found in olive oil a symbolic and yet thorough matter of resistance. Local producers as well as consumers purposefully resisted to imported oils, peanut and colza oils for instance, meant by the French administration to diversify not only production, commerce and revenue sources, but mainly to weaken old agricultural upper class. Hence, resistance became culinary, social and cultural, never economic however, as far as the attractive low price of the new imported oils is concerned.
    • Sécurité aux frontières : Portée et limites de la stratégie algérienne - Abdennour Benantar p. 147-163 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article analyse la stratégie algérienne de sécurité aux frontières dont l'instabilité accrue fait de l'Etat algérien l'un des plus engagés dans la sécurité régionale. Le pays fournit des efforts de guerre sans être en guerre. Dans le contexte des crises libyenne et malienne, la sécurité aux frontières est devenue une préoccupation majeure des autorités algériennes. Cette question fait aussi l'objet d'un processus de construction et de sécuritisation, à des fins internes et externes. L'article analyse, d'une perspective constructiviste, les aspects construit et instrumental des différentes notions (sécurité, menace, frontière, terrorisme). La stratégie algérienne se déploie sur trois niveaux : la mise en place d'un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité ; l'amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins ; le développement d'un processus multilatéral à travers l'initiative des pays de Champ. Cette stratégie est guidée par trois principes fondamentaux : non ingérence dans les affaires intérieures des Etats ; non intervention de l'armée algérienne hors du territoire ; prise en charge endogène de la sécurité régionale (refus de toute intervention extérieure). Malgré son apport à la sécurisation de la bande frontalière, cette stratégie reste limitée et ce pour diverses raisons : une orientation statocentrée dans le traitement de certains questions ; caractère inopérant de certains principes cardinaux dans un environnement évolutif caractérisé par l'affirmation des acteurs non-étatique ; mutations du phénomène terroriste ; un contexte régional hautement instable ; absence de convergence stratégique dans la région.
      This article analyzes the Algerian State's border security strategy. Their increasing instability forces it to be one of the most involved actors in the maintenance of regional security. The country bears the burden of a war effort without being effectively at war. In the context of the Libyan and Malian crises, border security has become a major concern for the Algerian authorities. The question of border security is also the object of a construction and securitization process that serves both domestic and international purposes. This article analyzes, from a constructivist perspective, the constructed and instrumental aspects of several notions (security, threat, border, terrorism). The Algerian strategy has been developing on three levels: the implantation of a border security system and the restructuration of armed and security forces; the development of bilateral processes of cooperation with neighboring countries; the development of multilateral processes through the initiative des pays du Champ. This strategy is guided by three cardinal principles: the non-intervention in the internal affairs of States; the non-intervention of the Algerian armed forces outside the national territory; the endogenous management of regional security issues (i.e. the rejection of any form of external intervention). Despite its contribution to securing the border strip, however, this strategy is still limited for several reasons: the State-centric orientation found whenever dealing with specific issues; the inoperativeness of some cardinal principles in an evolving context characterized by the affirmation of non-state actors; the mutations of the terrorist phenomenon; a highly unstable regional context; a lack of strategic convergence in the region.
  • Études inédites

    • « Du passé faisons table rase » ? Recompositions élitaires, nouvelles hiérarchies socipolitiques et luttes autour des valeurs dans la Tunisie post-dictature - Vincent Geisser p. 167-168 accès libre
    • Le national à distance. Circulation de normes et réécriture du politique de la Tunisie - Stéphanie Pouessel p. 169-186 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article questionne le corps national et les lieux extraterritoriaux de formation du politique. La scène politique post-2011 a inauguré une refonte des élites parlementaires et gouvernementales. Les « Tunisiens de l'étranger » qui représentent 10 % de la population tunisienne, ont été intégrés au processus démocratique qui a suivi la chute de Z.A Ben Ali en participant à l'élection de 18 députés de l'Assemblée nationale constituante. Qu'ils soient résidents étudiants, de travail, enfants de couple mixte, exilés politiques, issus de l'exil politique et issus de l'immigration, ces acteurs « nationaux mais distants » qui représentent les « Tunisiens de l'étranger » draine une expérience sociale et politique de l'ailleurs potentiellement mobilisable dans la pratique du politique en Tunisie. L'article propose, à travers une étude rapprochée de ces députés dans l'Assemblée nationale constituante (ANC), une analyse de la circulation de normes dans la réécriture politique de la Tunisie. Le transfert de leurs expériences acquises dans un autre Etat-nation et vis-à-vis d'autres problématiques politiques et sociales agit selon un jeu de modulation et de reconfiguration face aux contraintes nationales. À travers l'étude de ces passeurs entre deux rives, leur socialisation politique et la circulation de manière de faire et de penser le politique au sein de l'arène parlementaire, nous analyserons leur hybridation et leur effet sur le processus constitutionnel. Nous verrons que l'expérience de ces députés vécue à l'étranger peut également agir en contrainte vis-à-vis des Tunisiens locaux : renvoyés à leur extranéité, les dissonances linguistiques à l'œuvre à leur « retour » illustre à propos cette tension. Ce nouvel espace circulatoire du politique remet en cause l'exclusivité nationale du politique. La migration apparait comme constitutive du national et non plus comme une excroissance de la société implantée dans l'ailleurs. Ce n'est définitivement plus par le prisme exclusif du national que peuvent être appréhendées les scènes nationales mais par des circulations qui brouillent par là même les aires culturelles traditionnelles.
      This article questions the body politic and the offshore sources of national policies. The post-2011 political scene heralded an overhaul of parliamentary and governing elites. “Expatriate Tunisians», representing 10% of the Tunisian population, were included in the democratic process that followed the fall of Z.A. Ben Ali through participation in the election of 18 representatives to the National Constituent Assembly. Whether students residing abroad, expatriate workers, children of mixed Tunisian couples, political exiles or descendants from prominent political families in exile, such «national but remote» expatriates represent a wealth of potentially mobilisable outside social and political experience available to the practice of politics in Tunisia. This article proposes a close study of these deputies in the National Constituent Assembly (NCA), and an analysis of the exchange of standards mobilized for the reorganization of Tunisian politics. The transfer of experiences gained in other national contexts with respect to certain political and social issues is a game of modulation and reconfiguration in view of domestic constraints. The experience of such agents mediating between the shores of experience, and their political acculturation in the conception and practice of politics will have a distinct effect on constitutional processes. As we shall see, the experience of these representatives can have an inhibiting effect on the participation of local Tunisians: ascribed to their foreignness, the linguistic dissonance experienced with the newly “repatriated” clearly illustrates this tension. Such new policy spaces challenge the political hegemony of the exclusively national. Henceforth, migration appears as a constitutive element of the national identity, and no longer as an emanation of a class of citizens based elsewhere. The national can no longer serve as the exclusive prism of nationality; rather, the national has become an exchange of ideas that by nature blurs the traditional limits of cultural identity.
    • Faire la loi à l'Assemblée nationale constituante tunisienne. Recomposition et formation d'un nouveau personnel parlementaire tunisien - Déborah Perez p. 187-204 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse au personnel parlementaire élu à l'Assemblée nationale constituante tunisienne. Après avoir dressé le profil des élus, il se concentre sur la manière dont une partie d'entre eux — principalement issus du groupe majoritaire Ennahdha — a construit des ressources alternatives à celles de l'élite politique pour prendre en charge le processus constituant et faire la loi à l'Assemblée. Le passage par l'exil ou la prison confère non seulement aux élus un prestige important mais encore des habitudes de travail, une aptitude à créer une cohésion de groupe et à forger des alliances à l'extérieur du groupe.
      This article focuses on the Members of Parliament elected in 2011 to draft a new constitution for Tunisia. It insists on the great diversity of their profiles and shows how a part of them, mostly members of the majority, built resources alternative to those of the pre-revolution elite. These resources paradoxically based on imprisonment or exile, provided the MPs with alternative legitimacy but also with a specific praxis within the parliament: work habits, group cohesiveness, and capacity to forge alliances.
    • Les élites sociales et le choix de l'enseignement français en Tunisie : Entre consumérisme scolaire et socialisation laïque - Émilie Pontanier p. 205-232 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quelles sont les stratégies et les attentes que dénote le choix d'un établissement scolaire secondaire français pour les familles tunisiennes et binationales en Tunisie contemporaine ? La recherche étudie les formes de distinctions sociale, culturelle et cultuelle à laquelle ces familles aspirent et les stratégies qu'elles mettent en œuvre dans ce dessein. Entrent particulièrement en jeu la dimension internationale des diplômes, le poids des représentations de la langue et de la culture, ou encore la volonté d'une socialisation laïque. En confiant l'éducation de leurs enfants à l'enseignement français, les parents évitent l'impasse que constitue, à leurs yeux, le système public tunisien et contournent sa politique d'arabisation et de massification. Ils engagent alors leurs enfants dans une institution qui leur apportera un capital dispensateur de profits matériels et symboliques. Le système scolaire français permet ainsi de produire, tant sur le plan national qu'international, des ressources à forte valeur ajoutée, une manière pour les familles de se reproduire socialement. Mais leurs choix éducatifs peuvent aussi être liés à la laïcité de l'enseignement qui correspond à une vision du monde qui rend possible, selon eux, soit la promotion d'une religion peu contraignante et indépendante, soit l'abstention religieuse. En conséquence, dans les établissements français, malgré les conflits entre les champs laïque et religieux, la population scolaire et les parents d'élèves utilisent majoritairement le champ laïque pour faire valoir leurs diverses options en matière de religion et de croyance. La laïcité de l'enseignement permet donc de distinguer culturellement et cultuellement une population peu encline au fondamentalisme religieux.
      What are the strategies and expectations of Tunisian and French-Tunisian families who chose a French high school for their children? This research is about the various forms of social, cultural and religious distinctions these families are looking for and the strategies they undertake to meet them. Main aspects of these distinctions consist of the international recognition of French diplomas, the weight of language and culture or the wish for a secular socialisation. By putting their children in the French educational system, parents avoid their perceived dead ends of Tunisian state schools marked by arabisation and standardisation policies. They also involve their children in an institution that will bring in symbolic and material benefits, either on the national or international level, as the French educational system produces highly valued resources, which is a way to ensure social reproduction. These educational choices are also linked to secularism which is credited for enabling a world view with less strict forms of religion or even religious abstention. Thus, given the antagonism between religious and secular fields, students and parents in French high schools would privilege the latter to express their opinions. This population, mainly reluctant to religious fundamentalism, is looking to be different, culturally and religiously, through secular education.