Contenu du sommaire : Singulier, pluriel, universel
Revue | Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT |
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Numéro | Tome 95, no 3, 2011 |
Titre du numéro | Singulier, pluriel, universel |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Exégèse et traduction dans le judaïsme rabbinique - Dan Arbib p. 537-556 Cette étude se propose d'exposer la position rabbinique face au phénomène de traduction, et plus précisément face à la traduction de la Bible. Loin que les rabbins du Talmud rejettent la traduction, ils la codifient et en exposent les attendus, au moins parce que la Bible met elle-même en œuvre des traductions et parce qu'une tradition qui met le commentaire au centre de la vie religieuse ne saurait se dispenser d'une telle ressource ; aussi les réserves qui ont succédé à la popularité de la Septante ne se comprennent-elles que replacées dans le contexte d'une polémique judéo-chrétienne contemporaine de la rédaction du Talmud et de la naissance du christianisme. Dès lors, l'hébreu apparaît comme une langue non tant sainte par elle-même qu'à même de dire le saint, et l'intelligence des textes bibliques prime sur l'aura prétendue d'un idiome, fût-il l'hébreu.Exegesis and translation in rabbinic Judaism
This study sets out to expose the rabbinic position regarding translation and more specifically the translation of the Bible. Far from rejecting translation, Talmud rabbis codify and reveal what is to be expected from it, if only because the Bible incorporates translations and because a tradition that places commentary at the heart of its religious life could not possibly dispense with such a resource. Henceforth, the expressed reservations which followed the Septuagint's popularity may only be properly understood when set within the context of the contemporary Judeo-Christian polemic surrounding the composition of the Talmud and the birth of Christianity. At which point, Hebrew appears not as a saintly language in itself but rather as a language apt to express what is saintly and the intelligence of biblical texts outweighs the supposed aura of an idiom, be it Hebrew or otherwise. - Exégèse et prédication au Moyen Âge : Hommage au P. Louis-Jacques Bataillon, o.p. - Gilbert Dahan p. 557-579 Quels sont les rapports entre exégèse et prédication ? Celle-ci est-elle le but de celle-là, qui n'en serait que la préparation ? La littérature médiévale montre que les relations entre les deux sont bien plus complexes. Une approche est tentée à partir de la « triade herméneutique » (comprendre, interpréter, appliquer) : correspond-elle aux trois démarches que décrit Pierre le Chantre (lectio – disputatio – praedicatio) ou, plutôt, aux trois sens de l'exégèse des Victorins (littera – allegoria – tropologia) ? Exégèse et prédication se situent toutes deux dans une dimension sacrée et s'efforcent toutes deux de retrouver et de transmettre le caractère particulier d'une Parole qui transcende le temps. À partir de plusieurs exemples (surtout notes marginales dans les manuscrits et distinctiones), on montre comment une première exploitation du travail exégétique est faite en vue de la prédication. Inversement, on cherche dans les homélies et les sermons les traces du travail exégétique. S'il est assurément présent dans ses aspects les plus techniques, il conviendra néanmoins de définir plus spécifiquement une exégèse propre à la prédication, accordant une place majeure à la tropologie et à l'actualisation.Exegesis and predication in the Middle Ages. A tribute to P. Louis-Jacques Bataillon, o.p
What relationship is there between exegesis and predication ? Is the latter the aim of the former, which would then only be its preparation ? The texts of the Middle Ages show that the links between them are far more complex. A first approach is undertaken by considering the « hermeneutical triad » (understanding, interpretation, application) : does it correspond to the three processes described by Peter the Chanter (lectio – disputatio – praedicatio) or rather to the three senses in the exegesis of the Victorines (littera – allegoria – tropologia) ? Both exegesis and predication carry a sacred dimension and try to uncover and transmit the proper nature of the Word which transcends time. Through several examples (mainly marginal notes in the manuscripts and distinctiones), it is shown how the exegetical exercise is initially exploited with predication in mind. Conversely, traces of the exegetical exercise are sought out within homelies and sermons. If indeed there is evidence of this exercise, even in its more technical aspects, it is nevertheless necessary to characterise exegesis specifically in its form geared toward predication, which grants considerable importance to tropology and topicality.
- Exégèse et traduction dans le judaïsme rabbinique - Dan Arbib p. 537-556
Singulier, pluriel, universel
- L'universel et le singulier - Françoise Dastur p. 581-599 On se propose dans un premier temps de montrer que la notion d'universalité, traditionnellement opposée à celle de particularité, comme c'est le cas chez Hegel, peut en revanche être mise en rapport avec la notion de singularité telle qu'elle est définie, à partir du christianisme, par ce penseur de l'existence qu'est Kierkegaard et, de manière renouvelée, par Heidegger. C'est à partir de là que dans un deuxième temps, on peut s'interroger sur l'apparition de la notion d'universalité dans le contexte de la pensée grecque, mais aussi dans celui du monothéisme, dont l'origine et le développement dans la pensée hébraïque et dans la pensée mazdéenne font l'objet d'un réexamen.The universal and the singular
This paper aims to show that the notion of universality, which traditionally has been set against the notion of particularity, namely by Hegel, may be connected to the notion of singularity as defined through the lense of christianity, by the great contemplator of existence that is Kierkegaard and then later revisited by Heidegger. On this basis, we might subsequently problematize the appearance of the notion of universality in the context of Greek thought and that of monotheism whose origin and development in Hebraic and Mazdean thinking are here under reexamination. - Un récit de vie peut-il être vrai ? : Éléments de critique du témoignage - Pascal Marin p. 601-617 Sous sa forme contemporaine de récit de vie, le témoignage intéresse particulièrement la philosophie aujourd'hui, parce que, d'une part, sa pratique est vivante dans la culture, et parce que, d'autre part, sa vocation à attester ce qui est rouvre, dans le respect des singularités, la question de l'universel. L'article propose deux caractéristiques du témoignage pouvant le séparer du récit de vie en général : l'événement dont il procède et l'esthétique de la mise en récit qui lui est nécessaire. Le passage de la forme judiciaire du témoignage à sa forme contemporaine est examiné enfin d'un point de vue historique. L'histoire de ce passage indique une filiation du témoignage biblique au témoignage-récit de vie.Can a life narrative be true ? Towards a critique of testimony
In its contemporary life-narrative form, the testimonial especially interests today's philosophers, as on the one hand its exercise is very much alive and on the other hand its vocation to bear testimony reopens, while respecting singularities, the question of universality. Our paper aims to put forward two characteristics of testimony that distinguish it from the life-narrative in general ; the event that propells it and the formal esthetic that it necessarily depends on. The shift from its judiciary form of testimony to its contemporary form is examined from an historical perspective. The history of this shift indicates a filiation between biblical testimony to life-narrative testimony. - De quelle universalité les droits de l'homme relèvent-ils ? - Bernard Quelquejeu p. 619-630 L'universalité des droits de l'homme, tels qu'ils ont été formulés dans la Déclaration universelle de 1948, fait aujourd'hui l'objet de contestations au sein de diverses institutions nationales et internationales. L'auteur examine les plus courantes d'entre elles et met en valeur l'insuffisance des répliques présentées. Il est donc nécessaire de reformuler la question : non plus celle de savoir si les droits de l'homme sont universels ou non, mais celle de définir à quelle sorte d'universalité les droits de l'homme, dans leur formulation de 1948, peuvent prétendre. Leur diversité de nature amène à conjecturer qu'ils ne relèvent pas tous de la même universalité. Il est cependant possible d'éclairer le cœur de la question en analysant le statut grammatical et logique de l'article premier de la Déclaration de 1948, qui occupe une place architectonique et prend une valeur de fondation. L'examen attentif du statut logique des principes généraux du droit – et singulièrement du principe de la présomption d'innocence – permet de conclure qu'il s'agit d'un énoncé régulatif, qui explicite les attitudes contrefactuelles de toute personne s'engageant dans une pratique de communication, et qui possède donc une teneur spécifique d'universalité : celle-ci renferme, indissolubles, à la fois une attestation et une requête. L'universalité des droits de l'homme, à la fois réelle et potentielle, possède donc les richesses et les limites d'une identité herméneutique.Upon what universality are Human rights founded ?
The universality of human rights, as formulated in the Universal Declaration of 1948, has become today a subject of dispute within varied national and international institutions. This paper examines the most current challenges to this universality and reviews the most common responses, then exposes the inadequacy of these responses. It is therefore necessary to rearticulate the question at issue : no longer as whether or not human rights are universal but rather as to what kind of universality human rights in their 1948 formulation may aspire. Their diverse nature suggests that they are not all founded on the same universality. It is however possible to elucidate the heart of the question by scrutinizing the grammatical and logical status of the first article of the Declaration of 1948, which occupies an architectonic position and takes on a foundational dimension. The careful study of the logical status of general principles of law – and in particular the principle of the presumption of innocence – leads one to conclude that it is a regulating statement, which makes explicit the contrafactual attitudes of any person engaging in communication and thus possessing a specific breed of universality indissolubly comprising both an attestation and a request. The universality of Human Rights, both real and potential, has all the riches and limitations of an hermeneutical identity. - De la singularisation de l'existence éthique chez Thomas d'Aquin - Maxime Allard p. 631-652 À l'occasion d'une approche de la singularité dans ses rapports à la pluralité et à l'universalité en éthique, cet article explore la mise en discours de l'éthique à partir des prologues de la Secunda pars de la Summa theologiae. À l'écart de la conception habituelle, dite humaniste ou personnaliste, de ces textes, une approche « pragmatique » signale la lente construction de l'acteur éthique humain pour le distinguer et le rapprocher des animaux. La singularité advient, de manière paradigmatique, à un acteur humain dans une interprétation « religieuse » de ses désirs et de ses actions insérés dans des réseaux où se croisent une pluralité d'autres acteurs et de spectateurs. Dans cet advenir, des normes universelles et des conditions sociales permettent des syncopes adjuvantes et anticipatrices de l'agir singulier.The singularisation of an ethical existance according to Thomas Aquinas
Within the context of considering singularity's relationship to plurality and universality within Ethics, this paper explores the discursive terms of Ethics by examining the prologues of the Secunda Pars of the Summa theologiae. Set apart from the usual so-called humanist and personnalist understanding of these texts, a “pragmatic” approach points to the slow construction of the ethical human actor in order to distinguish him from then relate him to animals. A human actor paradigmatically reaches singularity through a “religious” interpretation of his desires and actions amidst networks where a plurality of other actors and spectators intersect. In this state of becoming, universal norms and social conditions allow adjuvant and anticipatory syncopations of singular action. - La réconciliation des identités hostiles par l'universalité de la grâce filiale - Emmanuel Durand p. 653-670 L'aspiration humaine à l'universel trouve l'une des ses résolutions ultimes dans la grâce filiale. L'universalité de la condition filiale est discernable à partir de la théologie paulinienne du corps du Christ. Au sein du corps ecclésial, les identités natives particulières, souvent chargées d'hostilité, sont à la fois assumées et dépassées, sous la puissance universalisante de la grâce filiale. Ce mouvement d'universalisation se vérifie à chaque fois que sont renversés les clivages les plus enracinés. Les brèches inédites et les paix improbables sont anticipées et exemplifiées par l'œuvre de réconciliation accomplie par le Christ Jésus sur la croix. À travers une relecture de Paul, l'objectif de l'article est de proposer une dialectique féconde entre l'universalité de la condition filiale et l'assomption des identités particulières, subverties et rénovées.The Reconciliation of hostile identities through the universality of filial grace
Human aspiration toward the universal finds one of its ultimate resolutions in filial grace. The universality of the filial condition is discernable in the Pauline theology of the Corpus Christi. Within the ecclesial body, specific, native identities, often accused of hostility, are both assumed and transcended under the universalising power of filial grace. This movement of universalisation is confirmed every time the most deep-seated divides are overthrown. These unprecedented breakthroughs and unlikely peaces are anticipated and exemplified through Jesus Christ's fulfillment of reconciliation on the cross. Through a close examination of Paul, our paper purports to articulate a fertile dialectic between the universality of the filial condition and the assumption of particular identities subverted and then renewed.
- L'universel et le singulier - Françoise Dastur p. 581-599
Bulletins
- Bulletin d'histoire des ésotérismes - Jérôme Rousse-Lacordaire p. 671-719
- Bulletin de théologie dogmatique - Emmanuel Durand p. 721-743
- Recension des revues - p. 745-764
- Notices bibliographiques - p. 765-776