Contenu du sommaire : Terrains ouest-africains

Les différents riz que l'on mange dans les villes du Burkina Faso font communément l'objet d'une hiérarchisation de goût de la part des consommateurs. Cet article vise à montrer que cette hiérarchisation, tout en reposant sur les qualités physiques des aliments, traduit également des représentations populaires du pouvoir, lesquelles s'inscrivent dans une longue histoire : celle-ci a concouru à façonner « le goût du riz » et à en faire une valeur tout à la fois sensorielle et politique dans la société burkinabè.

L'étude des incantations kilisiw, employées en pays mandé (Afrique de l'Ouest), conduit à la révision critique des théories anthropologiques de l'efficacité de la parole rituelle. Elle se conclut par la mise en évidence de la spécificité de cette parole, dont le sens ne s'explique pas par une association conventionnelle des signifiants et des signifiés mais est à chercher du côté de la sonorité des mots et de la mobilisation du corps de l'énonciateur.

Les foyers de travailleurs migrants font depuis vingt ans l'objet d'une transformation, architecturale et juridique, qui remet en cause les manières d'habiter des migrants notamment ouest-africains. Cet article s'appuie sur l'ethnographie du déménagement d'un foyer parisien pour étudier le sort des suroccupants, montrant que le traitement et les catégorisations de ces personnes « en trop », par les gestionnaires et les résidents, éclairent leurs conceptions respectives des modalités d'appartenance à ces collectifs résidentiels.

Cet article rend compte de l'encadrement concret d'adolescents et de jeunes adultes masculins de quartiers populaires à travers les activités d'une association de rap et d'un club de football. On met en évidence que les encadrants, loin de proscrire les dispositions et les comportements les plus déviants des jeunes, les tolèrent largement et s'en servent afin de les orienter vers des modes de vie conformes. Cet encadrement opère une sélection parmi les « jeunes de cités » et laisse de côté une « minorité du pire ».

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, une poignée de hauts fonctionnaires réformateurs fonde l'Institut technique des administrations publiques. En élaborant un répertoire de réforme original – la formation continue des fonctionnaires –, cet organisme privé va s'attacher à diffuser des nouvelles méthodes de rationalisation du travail au sein de l'administration française. In fine, la trajectoire de l'institut permet de saisir sur le vif une appropriation à visée productiviste de la formation permanente des fonctionnaires, plus d'une décennie avant son officialisation par les pouvoirs publics.

En revenant sur le parcours de recherche de l'auteure, l'article analyse les processus d'attribution d'une place sur le terrain du tatouage comme dans l'espace universitaire, à travers la valeur allouée, de part et d'autre, au corps de l'enquêteur et à son objet de recherche. Alors que dans le monde du tatouage, c'est l'adhésion à un style de vie alternatif qui oriente les systèmes de classements, dans le champ intellectuel, c'est la distance envers une pratique associée à un ethos de classe vulgaire qui structure les échelles de légitimité. L'article analyse ainsi le double pendant des hiérarchies professionnelles mises en jeu par l'enquête, et questionne les raisons pour lesquelles elles restent systématiquement occultées du côté académique dans le travail de réflexivité méthodologique.

Soumettre un document à la critique et en faire un objet d'histoire. C'est dans cette double perspective qu'est ici abordé le Mémoire sur la construction et l'entretien des chemins rédigé par l'ingénieur des ponts et chaussées Trésaguet en 1775. Au-delà de la méthode traditionnelle, il s'agit donc d'inscrire cet écrit technique dans l'histoire, c'est-à-dire d'interroger la place qu'il a occupée dans celle qui s'est écrite, le rôle qu'il a joué dans celle qui s'est déroulée et de lui faire une place de choix dans le récit proposé. À la clef, une nouvelle interprétation dudit mémoire, qui tient à distance les récits rétrospectifs que forgent et font vivre les communautés savantes, mais aussi des éclairages sur l'État aménageur à plusieurs époques et quelques surprises.