Contenu du sommaire : Logement et inégalités

Revue Espaces et Sociétés Mir@bel
Numéro no 170, 2017/3
Titre du numéro Logement et inégalités
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • I. Logement et inégalités

    • Logement et inégalités - Florence Bouillon, Anne Clerval, Stéphanie Vermeersch p. 7-14 accès libre
    • Les exclus de l'inclusion. Construire du logement social en temps d'austérité et de mixité (France-Québec) - Fabien Desage p. 15-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis une dizaine d'années, en France comme au Québec, la fixation de taux minimum de logements sociaux est devenue l'un des outils privilégiés des pouvoirs publics pour favoriser le développement du parc social. Ces taux sont contraignants en France et incitatifs au Québec mais procèdent de logiques semblables, valorisant la mixité sociale comme objectif d'action publique et insistant sur les « opportunités de développement » que fourniraient les opérations privées, dans un contexte de baisse des financements publics. À partir de terrains réalisés dans deux agglomérations françaises (Nantes et Lille) et une agglomération québécoise (Montréal), il apparaît que l'acceptation du principe d'un « taux minimum de logements sociaux » n'a été concédée par les maires des communes résidentielles et par les promoteurs immobiliers, traditionnels opposants, qu'à la condition implicite d'en restreindre l'accès aux habitants issus de la commune (France) ou aux demandeurs sélectionnés par le réseau coopératif (Québec) ; autrement dit, d'en exclure les populations les plus indésirables et stigmatisées.
      Over the past decade, in France and Quebec alike, the fixing of a minimum rate for social housing has become one of the preferred governmental tools for furthering the development of the social housing stock. These rates are binding in France while serving as incentives in Quebec, but they proceed from similar rationales, namely promoting social diversity as a goal of public action and insisting on the “development opportunities” to be provided by private actions in a context of reduced public funding. Field research carried out in two French metropolitan areas (Nantes and Lille) and one in Quebec (Montréal suggests that the principle of a “minimum rate of social housing” has only been accepted by the mayors of residential municipalities and project developers – its traditional opponents – on the implicit condition that access is limited to those already living in the municipality (France) or applicants selected by the cooperative network (Quebec). In other words, that the most undesirable, stigmatised groups are excluded.
    • Pour qui produit-on du logement social ? Le cas de la banlieue rouge - Lina Raad p. 33-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur la production de logement social en Île-de-France, en s'intéressant aux catégories sociales ciblées par cette production. Dans un premier temps, nous exposons les débats sur le peuplement du parc social en France, en insistant sur les objectifs contradictoires de mixité sociale et le droit au logement. Ensuite, nous présentons la production de logement social ces dernières années en Île-de-France, qui se caractérise notamment par un essor du logement pls ou logement social intermédiaire. Enfin, une étude de cas sur la banlieue rouge nous conduit à souligner les contradictions des politiques locales de l'habitat. Les stratégies de production de logement social visent à la fois à attirer des classes moyennes, mais aussi à apporter une solution de logement aux plus démunis. Nous démontrons le décalage entre la demande de logement social et l'offre produite, dont une part significative vise les classes moyennes tandis que la production de logement très social reste insuffisante. Ce décalage illustre les contradictions des politiques locales, mais aussi les divergences entre les objectifs de l'État et ceux des collectivités locales.
      This paper deals with the production of social housing in Île-de-France, and focuses on social categories targeted by this production. First, we expose the debates about the population living in social housing in France and underline the contradictory objectives of social mix and right to housing. Then we present social housing production in Île-de-France from 2005, which is characterized by an increase of pls dwellings, an intermediate product intended for middle-class inhabitants. Finally, a case study of the “red” suburbs shows the contradictions of local housing policies: social housing production's strategies are aimed at attracting middle-class newcomers and providing housing to low-income population at the same time. We show there is a gap between demand and supply for social housing, because a significant part of social housing production is intended for middle-classes, whereas the “very social” housing production for low-income population remains insufficient. This gap points out contradictions of local policies, and also the divergence between the State's objectives and the local government's.
    • Inégalités et habitat en Île-de-France : quelles conséquences des politiques de renouvellement urbain sur le peuplement ? - Anne Clerval, Yoan Miot p. 51-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'analyser l'évolution des inégalités sociales dans le logement en Île-de-France à travers une démarche de géographie sociale fondée sur l'analyse de données statistiques des recensements de la population de 1999 et de 2008 à l'échelle de l'Iris. Outre l'exploitation de données du recensement de 2008 encore peu analysées à cette échelle, nous croisons caractéristiques de logement et catégories socioprofessionnelles des ménages : cela permet, d'une part, d'analyser le profil social des types d'Iris déterminés en fonction des caractéristiques de logement et, d'autre part, de cerner les inégalités sociales au sein d'un même type, notamment en fonction de l'occupation différenciée des segments du parc de logement. L'un de ces types se différencie des autres parce qu'il repose principalement sur la dynamique de construction neuve dans les tissus urbains existants. Dans la filiation des travaux sur le peuplement et les politiques de peuplement, nous montrons que la construction neuve entraîne une nette augmentation des cadres et professions intellectuelles supérieures dans ces communes, qu'elles soient déjà aisées ou encore populaires.
      This article analyses trends in social inequalities in housing in the Île-de-France Region through a social geography approach based on the analysis of statistical data from the 1999 and 2008 population censuses at the sub-municipal level of statistical block groups (known as Iris in France). In addition to the use of data from the 2008 survey, which have received little attention at this scale, we cross-tabulate household dwelling characteristics and socio-professional categories. This process permits, on the one hand, an analysis of the social profile of the types of statistical block groups determined according to the dwelling characteristics and, on the other, the identification of social inequalities within a single type, in particular according to the differentiated occupancy of the housing stock segments. One of these types stands out from the others because it is essentially based on the dynamics of new construction within the existing urban fabric. In line with existing research on settlement patterns and policies, we show that the new construction clearly leads to an increased population of managers and professionals, whether the municipalities are already wealthy or still working class.
    • Politique de performance énergétique des logements à Bruxelles : une logique industrielle structurellement inégalitaire - Julie Neuwels p. 73-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une lecture des dimensions inégalitaires du « logement énergétiquement performant » en Région de Bruxelles-Capitale, établie à partir de l'analyse des fondements idéologiques des politiques publiques qui le formalisent : celle relative à l'accès au logement, d'une part, et celle visant la performance énergétique des bâtiments, d'autre part. L'objectif est de mettre en évidence les leviers, les tensions et les compromis inhérents à la rencontre de ces deux grands pans des politiques de l'habiter. Cette analyse entend contribuer aux études abordant les difficiles conjugaisons entre droit au logement décent et performance énergétique des bâtiments, en s'attachant à leur signification et aux valeurs qui les sous-tendent plutôt qu'à un diagnostic relatif à leur (in)efficacité sociale.
      This article offers a reading of the inegalitarian aspects of “energy-efficient housing” in the Brussels-Capital Region of Belgium through an analysis of the ideological foundations of the public policies defining it, namely those concerning access to housing on the one hand and the energy performance of the buildings on the other. The objective is to shed light on the levers, tensions and compromises inherent in the encounter of these two major segments of policies concerning dwelling practices. As such, it is intended to contribute to studies addressing the difficulty of reconciling the right to decent housing and the energy performance of the buildings by concentrating on their meaning and underlying values rather than a diagnosis of their social (in)effectiveness.
    • Un droit au logement à géométrie variable.Les ancrages sociospatiaux du Fonds solidarité logement - Camille François p. 91-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Mises en place par la loi Besson du 31 mai 1990, les commissions Fonds solidarité logement (fsl) ont pour mission d'octroyer des aides monétaires et des mesures d'accompagnement social pour des ménages présentant des difficultés liées au logement (difficulté à faire face aux différents coûts d'accès à un logement, dette locative, etc.). Situé au croisement de la sociologie urbaine, de la sociologie des politiques sociales et de celle du pouvoir local, l'article propose une analyse comparée des pratiques de délibération et d'attribution des aides de trois commissions municipales d'un département francilien, afin de mettre en lumière les formes localement différenciées et les inégalités de traitement des ménages qui structurent la mise en œuvre de ce dispositif historique d'accès au droit au logement.
      The task of the French Housing Solidarity Fund commissions, established by the Besson Law of 31 May 1990, is to provide monetary assistance and social support schemes for households with dwelling-related difficulties (different costs of access to housing, rental arrears, etc.). Combining the approaches of urban sociology, the sociology of social policies and that of local power, this article offers a comparative analysis of the deliberation and allocation practices of three municipal commissions in one departement in the greater Paris region in order to shed light on the locally differentiated forms and unequal treatment of households that structure the implementation of this historic access scheme for the right to housing.
    • Le logement social sinon rien : les inégalités face à la propriété des habitants relogés d'une copropriété dégradée - Rémi Habouzit p. 107-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors qu'en France l'action publique encourage l'accession à la propriété des catégories populaires, cet article se demande en quoi la démolition d'une copropriété dégradée et le relogement des habitants renforcent paradoxalement les inégalités d'accès à ce statut résidentiel. Si, compte tenu de leurs positions sociales et de leur trajectoire immigrée, les propriétaires de La Forestière (à Clichy-sous-Bois) ont été contraints d'investir dans les franges de logement les plus dégradées, ceux-ci sont une nouvelle fois limités dans leurs projets résidentiels à cause du programme de rénovation urbaine. Dans l'impossibilité de redevenir propriétaires, ces habitants n'ont pas d'autre solution que d'accepter d'être relogés dans le parc social et de perdre leur ancien statut résidentiel. Loin de vivre l'intervention publique comme un reclassement social, cette étape est au contraire vécue comme un déclassement symbolique qui les oblige à recomposer le sens qu'ils donnent à leur logement pour se positionner socialement.
      While public actions encourage working class people to become owners of their housing, this article questions how the demolition of a degraded property and the relocation of the residents paradoxically reinforce the inequality of the access to this status. Because of their social position and immigrant status, owners living at La Forrestiere (in Clichy-sous-Bois) were forced to invest in the most degraded units. With the national program for urban renewal, these people are once again limited for housing. Given the impossibility to become owner again, they have no other choice than to accept to be relocated as tenants in public housings and lose their owner status. Exposed to declining social status, they feel constraint to reconsider how their housing positions themselves socially.
    • Retour sur La question du logement : introduction - Florence Bouillon, Anne Clerval, Stéphanie Vermeersch p. 123-124 accès libre
    • Introduction au dossier « Retour sur La question du logement » - Henrik Gutzon Larsen, Anders Lund Hansen, Gordon MacLeod, Tom Slater p. 125-132
    • Retour sur La question du logement - Neil Smith p. 133-138 accès libre
  • II Varia

    • Le lieu d'assignation à résidence dans le bracelet électronique : un marqueur d'inégalités sociales - Franck Ollivon p. 139-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En tant qu'aménagement de peine en milieu ouvert, le placement sous surveillance électronique (pse) impose l'assignation à résidence du condamné pendant certains horaires de la journée. Les logements présentent des caractéristiques très variables d'un placé à l'autre et introduisent ainsi entre les placés des inégalités qui sont de deux ordres, matériel et statutaire. Les inégalités matérielles dépendent des caractéristiques du logement en termes de superficie, de luminosité et d'ouverture sur l'extérieur (balcons, jardin, etc.), toutes choses qui peuvent renforcer l'impression d'enfermement à domicile. Les inégalités de statut concernent la situation sociale du placé au lieu d'assignation où il peut être aussi bien chez lui qu'hébergé par un tiers. Cet article se propose de montrer que les inégalités de statut jouent un rôle central dans une peine de pse et sont plus difficiles à compenser que les inégalités matérielles.
      Electronic monitoring is used in France as a penal sentence, which implies for offenders to stay at home during a certain period of the day. Places where electronically monitored offenders live play an active part in the sentence and, as they depend a lot on the socioeconomic status of each offender, reproduce inequalities among them. Two kinds of inequalities can be envisioned: material (here surface-based) and statutory inequalities. On the one hand, surface-based inequalities encompass variations with the size and architecture of the apartment, the house or the bedroom of the social institution where the offender is monitored, strengthening the feeling of being imprisoned at home. On the other hand, statutory inequalities refer to the status of the offender who can be monitored at his own home or at someone else's dwelling. This paper argues that whereas superficial inequalities can be counterbalanced, statutory inequalities make a real difference between offenders who can afford to be monitored at home and those who cannot.
    • Production sociale de l'herbe et inscription territoriale des éleveurs ovins pastoraux des Alpes du Sud - Lucie Dupré, Jacques Lasseur, Julia Sicard p. 157-172 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Collines et montagnes provençales sont fortement marquées par l'élevage et le pastoralisme dont nous analysons une forme spécifique qui s'y affirme depuis une quinzaine d'années : la conduite entièrement au pâturage de gros troupeaux. Les éleveurs qui s'y engagent sont très mobiles : ils pratiquent la transhumance estivale en montagne et hivernale dans les plaines littorales. Nous décrivons la production sociale de l'herbe en analysant les relations que les éleveurs pastoraux entretiennent au sein du monde de l'élevage et en dehors dans les différents territoires entre lesquels ils circulent. Nous montrons comment la plaine est le lieu propre de ces éleveurs, associée à une production sociale de l'herbe reposant d'un côté sur un réseau social de proximité et une économie non marchande faite de réciprocité, de l'autre sur une économie marchande pleinement assumée. Pour finir, nous questionnons les reconfigurations et les enjeux sociaux de ces redéfinitions de l'exercice de l'élevage.
      Landscape of mountains and hilly areas of the Provence region are shaped by livestock farming and pastoralism. In that context, we analyse a special way for sheep livestock farming in extension since fifteen years: large size flocks, grazing all year long. These highly mobile farmers organize transhumance of flocks in alpine grassland for summer and on coastal plains during winter. We describe the relationship they build in the three pedo-climatic stages through which they move and the social networks they rely on, within the livestock farming actors and out of it in these territories. We show how lowlands are the place for an established “grazing economy”. It is based on one side on proximity social networks supporting reciprocity and, on the other side, on financial fluxes of a straight market economy. The conclusion analyses the social dimensions of these redesigns of livestock farming activities.
    • Les vertus de la violence. La légitimation d'un projet de rénovation urbaine par le néo-hygiénisme - Horacio Espinosa p. 173-186 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis l'arrivée du jeune parti politique Mouvement citadin à la mairie de Guadalajara, au Mexique, le besoin de repenser les politiques urbaines s'est imposé dans le calendrier politique et dans l'imaginaire local. Ainsi, dans l'équipe de travail du nouveau maire Enrique Alfaro, on trouve de nouveaux acteurs politiques provenant des organisations citoyennes qui se battaient pour le « droit à (vivre) la ville ». Pourtant, une fois au pouvoir, ils montrent le côté ségrégationniste de leurs propositions conservatrices, dans la ligne « des nouvelles gauches citoyennes ». Ce texte analyse les discours qui, pendant la première année de gouvernement, initié en juillet 2015, ont tenté de justifier l'expulsion violente des vendeurs ambulants du centre-ville et le harcèlement auprès des marchés traditionnels, les tianguis1. Ce « néo-hygiénisme » correspond à la résurgence de conceptions ségrégationnistes et racistes centenaires, dont on trouve la trace pendant la période coloniale, tandis que d'un autre côté se produit un discours « utopique » de régénération urbaine qui correspond à une certaine « idéologie de l'espace public » (Delgado, 2011) qui parallèlement se renforce au revival de ces politiques de fiscalisation de la population, dont résulte une transformation « de l'espace à vivre » en « espace dominé » (Lefebvre, 1974). Je montrerai que les arguments utilisés pour légitimer l'expulsion des vendeurs ambulants ont comme fondement une logique hygiéniste, qui fonctionne comme recours idéologique pour masquer d'importants intérêts économiques qui visent à gentrifier le centre-ville à travers des « projets stratégiques » et de « régénération urbaine ».
      Since the arrival of the young party Movimiento Ciudadano (Citizen Movement) to the government of the city of Guadalajara, Mexico, both the political agenda and the local imagination impose the need to reformulate urban policies. Thus, the new Mayor Enrique Alfaro joined new political actors to his team, like “urban rights” activists, which, however, already in power, show the clasist character of its conservative proposal very much in the line of the “ciudadanist” left parties. Current paper focuses on the analysis of institutional and popular speeches that during the first year of government, that begins in July of 2015 have tried to justify the violent erradication of street vendors in the city center and the harassment of traditional tianguis. The neo-hygienist ideology of this new government fits with racist and classist conceptions traceable until colonial times but mixed with some “utopian” discourse of urban regeneration that fits with the “ideology of public space” (Delgado, 2011). Paralleling, the revival of these social control policies result in a transformation of “lived space” into “dominated space” (Lefebvre, 1974). What I will try to prove is that the arguments used to legitimize the eviction of the street vendors are based on a hygienist logic, which functions as an ideological resource to mask enormous economic interests that try to gentrificate the center through strategic projects of “urban regeneration”.
  • Notes de lecture