Contenu du sommaire : Prédications en ville

Revue Histoire urbaine Mir@bel
Numéro no 34, août 2012
Titre du numéro Prédications en ville
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • La parole religieuse en ville XVIe-XXe siècles - Stefano Simiz p. 5-16 accès libre
    • La nouveauté de la prédication protestante dans les villes francophones XVIe-XVIIe siècles - Yves Krumenacker, Julien Léonard p. 17-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La prédication est, pour Calvin, une des deux caractéristiques de l'Église. De fait, parmi les signes du passage à la Réforme, la plupart des chroniques mentionnent la prédication par des laïcs d'abord dans les maisons, puis surtout dans des espaces publics. Dans le même temps, des clercs favorables aux nouvelles idées prêchent de manière nouvelle dans les églises. On trouve de multiples exemples de ce processus dans les villes d'Allemagne, de Suisse, de France. Le cas de Metz est particulièrement significatif, depuis les premières prédications des années 1525 jusqu'au passage de Farel en 1542. Partout, l'enjeu est d'occuper l'espace public, de préférence des églises, bien que, pendant les guerres de religion, le culte doit souvent rester confiné dans des maisons, quand le protestantisme est minoritaire. Après cette période troublée, la prédication s'institutionnalise. « Aller au prêche » devient la marque de l'exercice du culte. En ville, au XVIIe siècle, la prédication a ses lieux, son rythme, ses particularités. Plusieurs exemples, dont celui de Metz, permettent de montrer les spécificités de cette prédication à la fois par rapport à celle qui se fait dans les villages et par rapport aux pratiques catholiques. Mais, en dehors de cas particuliers comme Metz ou les villes huguenotes du Sud de la France, elle échoue à s'installer au cœur de l'espace urbain.
      Protestant Preaching, a New Event in French-Speaking Cities (16th-17th Centuries)For Calvin, preaching is one of the two characteristics of the Church. As such, among the signs of the beginning of the Protestant Reformation, most chronicles mention preaching by laymen, firstly in private homes, but later mainly in public spaces. At the same time, clerics favourable to the new ideas preached in a new way in churches. There are numerous examples of this process in the cities of Germany, Switzerland and France. The case of Metz is particularly significant, from the first sermons preached around 1525 until Farel preached there in 1542. Everywhere, the challenge was to occupy public space – preferably churches – even though Protestant worship often had to be confined to private homes during the Wars of Religion wherever Protestants were in the minority. After this troubled period, preaching became institutionalised. ‘‘Going to a sermon'' came to symbolise worship. In towns in the 17th century, preaching occurred in specific places, at its own pace and with its own particular features. Several examples, including Metz, show the specific characteristics of this preaching, compared both to what was happening in villages and to Catholic practices. However, apart from specific cases such as Metz or Huguenot cities in southern France, preaching failed to take root in the heart of urban areas.
    • Une « révolution » de la prédication catholique en ville ? : Début XVIe siècle – seconde moitié du XVIIe siècle - Stefano Simiz p. 33-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Parce qu'elles sont le lieu d'enjeux confessionnels majeurs au long du XVIe siècle et qu'elles abritent des pouvoirs soucieux de montrer leurs forces et de s'évaluer mutuellement, les villes françaises de la première modernité (1500-1650) ont favorisé le profond renouveau de la prédication chrétienne, particulièrement catholique. En prenant appui sur un héritage médiéval fort, considérablement amplifié par la multiplication des rendez-vous de la chaire (cycles d'avent et de carême, mais aussi nombreuses octaves), on tente alors à la fois d'institutionnaliser et de mieux contrôler les prises de parole, de saturer l'espace et le temps par un flot d'instructions au service de la Réforme catholique. Cela nécessite d'attirer définitivement ou temporairement dans la cité de nouveaux ouvriers apostoliques, souvent disputés à d'autres villes. Le mouvement favorise certes le renforcement des réguliers mendiants, grâce à l'arrivée des congrégations récentes, mais il est marqué aussi par le réveil d'autres acteurs (la parole de l'évêque notamment) et la généralisation des théologaux après 1550. Dans cette évolution où la part des clercs domine, le rôle joué par les municipalités est multiple et décisif (financement de l'œuvre, participation négociée au recrutement des « voix », aide indirecte à la formation des futurs prédicateurs, reconnaissance sociale et civique des orateurs). C'est encore en fondant ou en s'associant à la tenue de sermons au caractère historique, commémoratif et identitaire affirmé que le pouvoir urbain fait la démonstration de sa forte implication dans la défense de la catholicité du territoire et de la société urbains.
      A ‘Revolution' in Catholic Preaching in Cities ? (Early 16th Century – Second Half of the 17th Century)During the Early Modern period (1500-1650), French cities fostered an in-depth renewal of Christian preaching, particularly Catholic. This is because these cities were the venue for major religious stakes throughout the 16th century, and because they harboured powers that sought to show their strength and assess that of their opponents. Built upon a strong Medieval heritage, considerably amplified by increased number of events in the liturgical year (cycles of Advent and Lent, as well as numerous Octaves), attempts were then made both to institutionalise and to control speaking occasions, to fill space and time with a flood of instructions aimed at serving the Catholic Reformation. This process required attracting new apostolic workers to the city, on a definitive or temporary basis ; other cities were often competing to draw these same apostolic workers. This movement certainly strengthened the position of mendicant regulars, thanks to the arrival of recent congregations, but it was also marked by a revival among other actors (notably, with bishops speaking) and the widespread reference to the theological virtues after 1550. In this evolution, in which clerics held a dominant place, the role played by cities was manifold and decisive (financing works, negotiated participation in recruiting ‘‘voices'', indirect help in training future preachers, social and civic recognition for orators). Moreover, by originating or contributing to sermons of an historical and commemorative character with a strong identity, the city powers-that-be showed their deep involvement in defending the Catholicism of the urban area and urban society.
    • Les prédicateurs à Paris, à Rome et dans quelques autres villes : De l'Âge classique aux Lumières - Isabelle Brian p. 51-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours des XVIIe et XVIIIe siècle, la dynamique propre à la Réforme catholique, liée à la volonté d'encadrement et d'édification des populations a entraîné une généralisation de la prédication dans les villes de la catholicité, en premier lieu Rome et Paris. Dans ces pôles urbains qui s'affirment comme capitales religieuses, la parole des prédicateurs ne se limite pas aux sermons dominicaux mais se manifeste avec un éclat particulier lors des cycles liturgiques de carême, d'avent et lors des octaves du Saint-Sacrement. Si les membres des ordres mendiants, consacrés dès leur origine à la prédication, assument majoritairement celle-ci dans la plupart des villes, à Rome et plus encore à Paris où les mécanismes de la nomination des orateurs donnent lieu à une forte concurrence entre les sanctuaires, les séculiers, simples abbés sans charge d'âmes, sont nombreux. La demande de sermons particulièrement forte en ville entraîne ainsi l'apparition de professionnels de la parole, s'accompagnant de formes d'annonces et de publicité relayées par des imprimés spécialisés ou des journaux, une forme de vie religieuse propre à la ville, étroitement liée à la multiplication des chaires dans les paroisses, les couvents et les monastères.
      Preachers in Paris, Rome and a Few Other Cities, from the Classical Age to the Enlightenment
      During the 17th and 18th centuries, the development of the Counter-Reformation, related to a will to supervise and edify populations, led to preaching on a widespread basis in Catholic cities, chiefly Rome and Paris. In these urban areas that claimed to be religious capitals, preachers' speeches were not limited to Sunday sermons, but were particularly visible during the liturgical cycles of Lent and Advent, and during the Octaves of the Blessed Sacrament. In most cities, the majority of preachers were members of mendicant orders, as these orders had been consecrated to preaching since they were founded. However, in Rome and even more so in Paris (where the process of appointing orators gave rise to stiff competition among sanctuaries), there were many members of secular orders, simple abbots that were not responsible for men's souls. Demand for sermons was particularly strong in cities, resulting in the appearance of professional speakers, along with types of announcements and advertising spread through specialised flyers or newspapers. This form of religious life, unique to cities, was closely linked to the increased number of chairs in parishes, convents and monasteries.
    • Prêcher dans le secret des foules : La parole religieuse des minorités dans les villes européennes (XVIe-XVIIIe siècles) - Natalia Muchnik p. 71-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'analyser les usages de la parole cultuelle chez plusieurs minorités religieuses des villes de l'Europe moderne, confrontées à de puissantes instances répressives : les catholiques britanniques, après l'instauration de l'anglicanisme, les morisques et les crypto-judaïsants (ou marranes) dans l'Espagne inquisitoriale et les nouveaux-catholiques qui pratiquent secrètement le protestantisme en France après la révocation de l'édit de Nantes. Tous ont dû adapter leurs rites aux exigences de la clandestinité dans un espace contraint et élaborer des pratiques sociales originales. La parole religieuse, officiellement exclue de l'espace public, se replie dans le foyer et sur la famille. Mais elle s'en échappe parfois pour se diffuser dans la cité : elle pénètre les lieux interlopes comme les plus contrôlés selon des modalités singulières qui révèlent autant qu'elles créent des territoires spécifiques au sein du tissu urbain.
      Preaching While Hidden in the Crowds : the Religious Word of Minorities in European Cities (16th-18th Centuries)This article endeavours to analyse the uses of religious word in several religious minorities in cities in modern Europe, faced with powerful forces of repression : British Catholics following the establishment of the Church of England ; Moriscos and Crypto-Jews (or Marranos) during the Spanish Inquisition ; and New Catholics practising Protestantism secretly in France following the revocation of the Edict of Nantes. All these groups had to adapt their rituals to the requirements of secrecy in an area full of constraints, while creating unique social practices. Religious word, officially excluded from the public space, retreated into the bounds of home and family. However, sometimes it broke out and spread through the city, both in ‘no man's land' and in the most tightly controlled areas, following unique forms that reveal and create specific territories within the urban area.
    • Parler de Dieu après une catastrophe : L'exemple de prédicateurs catholiques après l'incendie du Bazar de la Charité (4 mai 1897) - Jacqueline Lalouette p. 93-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le 4 mai 1897, un terrible incendie ravagea le Bazar de la Charité à Paris. Cette catastrophe donna lieu à de nombreuses cérémonies religieuses, essentiellement catholiques. Le 8 mai, un service funèbre fut célébré à Notre-Dame de Paris, en présence du président de la République et de nombreuses personnalités françaises et étrangères. Le prédicateur, le R.P. Ollivier (O.P.) présenta la tragédie comme un châtiment destiné à punir un « siècle orgueilleux » et plus spécialement la France, oublieuse de sa vocation et de ses traditions. Son discours fit scandale et engendra de vives polémiques. D'autres prédicateurs, surtout des dominicains, entretinrent leurs auditeurs de la tragédie du Bazar à l'occasion de services funèbres célébrés à la demande d'une œuvre, par exemple l'Œuvre des Noviciats dominicains ou l'Œuvre Saint-Michel. À l'exception du R.P. Boulanger, ils évitèrent les allusions politiques pour se consacrer à une réflexion religieuse sur le sens de la souffrance et du sacrifice et sur la rédemption de l'humanité, à laquelle les victimes avaient été associées par leur « martyre ». L'image de Dieu qui s'en dégage est celle d'un Dieu terrible, qui est en même temps un Dieu d'amour, puisqu'il ne châtie que pour sauver. En ce mois de Marie, on ne peut que relever le silence presque total fait sur le nom de Marie, lors de ces cérémonies dans lesquelles il était essentiellement question de femmes et de jeunes filles.
      Speaking of God After a Catastrophe: The Example of Catholic Preachers After the Fire at the Paris Charity Bazaar (4 May 1897)On 4 May 1897, a terrible fire ravaged the Paris Charity Bazaar. This catastrophe gave rise to several religious ceremonies, mostly Catholic. On 8 May, a funeral service was held at Notre Dame de Paris, attended by the President of the French Republic and several French and foreign dignitaries. The preacher, Reverend Father Ollivier (Order of the Dominicans), presented the tragedy as punishment for a ‘‘prideful century'' and more particularly for France, which had forgotten its purpose and traditions. His sermon created a scandal and triggered heated debate. Other preachers, especially Dominicans, spoke to their audiences of the tragedy of the Charity Bazaar, following requests from the Œuvre des Noviciats Dominicains or the Œuvre Saint-Michel. Apart from Reverend Father Boulanger, they all avoided political allusions and focused on a religious meditation on the meaning of suffering and sacrifice, as well as the redemption of humanity, which all the victims contributed to through their ‘‘martyrdom''. The image of God that does not intervene is one of a terrible God, who is also a God of love, as he punishes only to save. In May, Mary's month, we can only note the near total silence surrounding the name of Mary during these ceremonies, which mourned mainly women and young girls.
  • Sources

    • « Sermons prononcés à l'occasion d'inaugurations de mosquées au Caire en 1964 » par Jacques Jomier : Annales islamologiques, 1969 - Augustin Jomier p. 111-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article publié en 1969, le dominicain et islamologue Jacques Jomier analyse, à travers les discours de prédicateurs musulmans, le rôle religieux et social des mosquées. Ses sources, très originales, sont quatre prêches radiodiffusés, prononcés lors d'inaugurations de mosquées au Caire et à Alexandrie.Par delà son objectif affiché, cet article est une source pour l'histoire des relations entre pouvoir et islam dans l'Egypte des années 1960. Le double processus de subordination des savants musulmans, spécialement de l'université d'Al Azhar, et de construction d'une légitimité islamique aux orientations socialistes du régime nassérien y est lisible. Attentif au surgissement de la parole religieuse radiodiffusée et à l'importante figure du prêcheur, Jacques Jomier donne aussi un aperçu des transformations à l'œuvre dans la culture religieuse d'une société en voie d'urbanisation rapide, notamment dans la mégapole cairote.
      Sermons Given During the Inauguration of Cairo Mosques in 1964In this article published in 1969, Jacques Jomier, a Dominican friar and Islamologist, analyses, through the speeches of Muslim preachers, the religious and social role of mosques. Jomier's sources are quite unique : four sermons broadcast over the radio, during the inauguration of mosques in Cairo and Alexandria.Going beyond its stated objective, this article is also a source for the history of relations between political power and Islam in 1960s Egypt. This reveals the twofold process whereby Muslim scholars – particularly those of the Al-Azhar University – were subordinated, while the Nasser regime's socialist orientations were given Islamic legitimacy. Attentive to the rise of radio broadcasting of religious word and to the important figure of the preacher, Jacques Jomier also gives a look at the transformations under way in the religious culture of a rapidly-urbanising society, notably in the Cairo megalopolis.
  • Chantier de la recherche

  • Note critique

  • Lectures