Contenu du sommaire : Gouvernance, nouvelles spatialités et enjeux sociaux dans les métropoles indiennes

Revue Métropoles Mir@bel
Numéro no 9, 2011
Titre du numéro Gouvernance, nouvelles spatialités et enjeux sociaux dans les métropoles indiennes
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Loraine Kennedy, Marie-Hélène Zérah accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ce court texte présente ce numéro spécial sur les villes indiennes et fournit des éléments de contexte pour situer les cinq contributions qui le composent. Avant d'aborder la période actuelle, un survol des politiques urbaines menées dans les décennies suivant l'indépendance souligne le rôle ambigu de la ville dans le modèle indien de développement ainsi que la relative négligence des questions urbaines jusqu'aux années 1980. Dans les années 1990, l'Inde a adopté deux réformes majeures, qui toutes deux ont eu un fort impact sur les villes : la libéralisation économique, d'une part, et la décentralisation politique via un amendement constitutionnel, d'autre part. La libéralisation économique a catalysé un processus de restructuration importante dans les métropoles, soudain perçues comme des atouts précieux pour l'implication de l'Inde dans l'économie mondiale. Cette évolution a soulevé des questions difficiles de gouvernance, notamment parce que les visions de la ville portées par les décideurs politiques prennent mal en compte la complexité des dynamiques sociales et la persistance d'un taux élevé de pauvreté ; les classes moyennes urbaines ont bénéficié plus directement de la croissance économique rapide, ce qui alimente le consumérisme et le marché immobilier. Quant à la décentralisation politique, elle n'a pas produit les résultats attendus, en partie parce que les gouvernements régionaux rechignent à accroître les capacités financières des municipalités. Une analyse critique de la mission nationale pour le renouvellement urbain (JNNURM) montre que, même si cette dernière a indéniablement contribué au financement des infrastructures urbaines, elle a été beaucoup moins efficace pour ce qui est de l'amélioration de la gouvernance urbaine. Enfin, les cinq articles de ce numéro sont présentés et l'attention est attirée sur le fait que trois d'entre eux sont rédigés par des étudiants (Imbach, de Bercegol et Desfeux, Ozel), dans le cadre de programmes dirigés par les responsables de ce numéro spécial.
    The aim of this short text is to introduce this special issue on Indian cities and provide critical background for situating the five papers. Before turning to the current period, a brief review of urban policies in the decades following independence underscores the ambiguous role of the city in India's national development model as well as the relative neglect of urban issues until the 1980s. In the 1990s, India adopted two major reform programmes, both of which had a large-scale impact on cities: economic liberalization and political decentralisation via a constitutional amendment designed to empower local governments. Liberalization in particular catalysed a major restructuring process in India's metropolitan cities, suddenly perceived as valuable assets for India's engagement with the global economy. This evolution has raised challenging governance issues, not least because current social and spatial dynamics have thrown into sharp relief conflicting visions of urban life; India's rapid economic growth has benefited most directly the urban middle classes fuelling consumerism and urban property development. As for political decentralisation, it has not produced the expected outcomes in part because regional governments have been unwilling to enhance the financial capabilities of municipalities. A critical analysis of the high profile national urban renewal mission (JNNURM) indicated that although it has undeniably contributed to funding urban infrastructure it has been a great deal less effective at improving urban governance, one of its explicit goals. Lastly, the five articles making up this special issue are presented; it is noted that three of them are the work of students (Imbach, de Bercegol and Desfeux, Ozel), carried out in the framework of research programmes coordinated by the editors of this special issue.
  • Articles

    • Villes indiennes sous tutelle ? Une réflexion sur les échelles de gouvernance à partir des cas de Mumbai et Hyderabad - Loraine Kennedy, Marie-Hélène Zérah accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De manière croissante, les décideurs politiques en Inde perçoivent le rôle crucial des villes dans l'économie nationale et les politiques actuelles menées par les États régionaux reflètent cette prise de conscience. Basée sur les cas proches, sans être entièrement comparables, d'Hyderabad et de Mumbai, cette recherche montre que les gouvernements des États ont adopté des stratégies de croissance centrée sur la ville, à l'instar des tendances internationales. Cela soulève la question du rééchelonnage des instances décisionnelles et de l'essor de l'émergence politique des régions métropolitaines. Après l'examen détaillé des stratégies de développement économique et urbain adoptées à Mumbai et à Hyderabad, cet article défend l'idée que les grandes villes indiennes n'ont pas une position suffisamment solide pour revendiquer un poids politique vis-à-vis de leur gouvernement régional et ne sont pas armées pour s'engager sérieusement dans la construction d'une action collective à l'échelle métropolitaine. Il convient de souligner cette déconnexion paroxystique entre les fonctions politiques et économiques, dans la mesure où cela marque une différence de degré avec l'expérience européenne récente. La subordination politique des collectivités locales urbaines en Inde est aggravée par le caractère traditionnellement centralisateur des institutions politiques, la faiblesse relative des institutions locales de gouvernance (en termes de mandat et de ressources fiscales), l'absence de maires puissants et la quasi-inexistence de statut politique de la plupart des régions métropolitaines. En outre, échafauder un plan stratégique qui tienne compte de la croissance économique, de la justice sociale et de l'environnement est une tâche herculéenne, particulièrement dans une société plurielle. Ainsi, dans les deux villes les processus en cours sont conflictuels et empreints de contradictions, offrant un contraste saisissant avec l'image que projettent ces « visions » lisses d'une quête de développement comme un processus consensuel.
      There is growing recognition on the part of Indian policymakers that cities play a crucial role in the national economy, and current State (provincial) policies reflect this shift. Based on two compelling, though not fully comparable, case studies of Hyderabad and Mumbai, this article argues that State governments are adopting city-centric growth strategies, following international trends. This shift raises the question of the rescaling of decision making processes as well as the emergence of metropolitan governance. Following a detailed examination of the economic and urban development strategies adopted in Mumbai and Hyderabad, the paper argues that large Indian cities are not in a sufficiently solid position to assert their political weight vis-à-vis regional government nor to seriously engage in a process of collective action at the metropolitan scale. This increasing disjunction between political and economic functions should be emphasized in the Indian context, since it marks a difference with recent European experience, at least a difference of degree if not substance. The political subordination of urban local bodies in India is exacerbated by the traditionally centralized nature of political institutions, the relative weakness of local institutions of governance (in terms of mandate and fiscal revenue), the absence of powerful mayors and the virtual nonexistence of a political entity at the metropolitan level. Furthermore, taking into account economic growth, social justice and the environment is a Herculean task, especially in a plural society. Hence, in both cities ongoing processes are contentious and contradictory, providing a stark contrast to the smooth vision statements that convey an image of the quest for “development” as a consensual process.
    • Vers une « global city region » ? Stratégies économiques, déploiement spatial et politiques d'accompagnement à Mumbai - Romain Imbach accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objet de cet article est d'appréhender l'évolution de Mumbai sur la scène économique mondiale et son positionnement dans l'armature urbaine à l'échelle globale. Ainsi, le cadre théorique des régions métropolitaines globales (global city régions de Scott et al., 2001) est-il interrogé au regard des évolutions du système productif métropolitain et du jeu des acteurs politiques. À une échelle plus fine, nous mettons en perspective les dynamiques propres à deux zones industrielles en présentant leur activité (principalement bijouterie et informatique), leur intégration respective dans le système productif régional et mondial ainsi que les politiques d'encadrement différenciées autour de chacun de ces espaces.
      The purpose of this paper is to apprehend the evolution of Mumbai in the world economy and its positioning in the urban hierarchy on a global scale. Thus, the theoretical framework of global city regions (Scott et al., 2001) is explored with regard to developments in the metropolitan production system and the interplay of political actors situated at various scales. At at a more micro scale, we put into perspective the specific dynamics of two industrial areas: their business activities (mainly jewelry and computers), their integration in the respective regional and global production systems and the differentiated policy framework put in place for each of these areas.
    • Alternative au service public d'eau conventionnel : l'exemple des « réseaux de groupes d'usagers » d'un bidonville de Mumbai - Rémi de Bercegol, Adeline Desfeux avec résumé avec résumé en anglais
      L'universalisation de l'accès à l'eau potable reste un défi majeur dans les villes du monde en développement. Face à l'ampleur de cet enjeu, toutes les initiatives techniques et institutionnelles tentant d'y répondre doivent être prises en compte. A travers l'analyse précise de « réseaux de groupes d'usagers » mis en place dans un quartier pauvre du Nord-Est de Mumbai, l'objet de cet article est de mettre en lumière la capacité des communautés locales à élaborer et gérer elles-mêmes des modes de desserte fonctionnels pour compenser les insuffisances du service public. On cherchera à questionner l'efficacité du rôle des usagers dans la régulation locale de ces « réseaux de groupes d'usagers » et les implications politico-territoriales de cette gestion. Ainsi, après avoir explicité les modalités d'émergence et de fonctionnement des dispositifs observés, leur description critique et leur évaluation technico-économique en seront faites afin d'en proposer d'éventuelles améliorations.Plus largement, cette réflexion s'inscrit dans un champ d'étude portant sur la diversité des modalités d'accès à l'eau urbaine et la légitimité des communautés locales à les prendre en charge. Elle vise à contribuer au débat sur la différenciation du service entre les habitants d'une même ville.
      Providing universal access to drinking water remains a formidable challenge in the cities of developing countries and all potential technical and institutional solutions need to be taken into account. By looking at the specific example of “user group networks” set up in a poor neighbourhood in the North-East of Mumbai, this article aims to highlight the ability of local communities to design and run functional systems that compensate for shortcomings in the public service. We will analyse the effective role that users play in regulating these groups at local level as well as the political-territorial implications of this type of management. After providing a clear overview of the systems that have emerged and their modus operandi, we will describe and assess them from a critical technical/economic perspective in order to suggest possible improvements.More generally, our research is part of a broader attempt to study the different ways of providing access to urban water and the legitimacy of local communities in taking the process in hand. We wish to contribute to the debate that focuses on providing a differentiated service to the inhabitants of the same city.
    • Les ONG contre les habitants. La gestion du relogement et de la réinsertion des populations des bidonvilles à Mumbai - Derya Ozel accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le « Mumbai Urban Transport Project » (MUTP) est le premier grand projet d'infrastructures urbaines à Mumbai qui s'accompagne d'une politique de relogement et de réhabilitation. En effet, ce projet de transport, largement financé par la Banque mondiale, nécessite la démolition de bidonvilles dans la banlieue de cette grande métropole et le déplacement des habitants. La Banque mondiale impose un certain nombre de conditionnalités au gouvernement du Maharashtra dans la mise en œuvre du programme de relogement : le cahier des charges doit respecter la politique de « déplacement involontaire » du bailleur international et des ONG doivent s'inscrire dans le cadre institutionnel et opérationnel du programme. Ces nouveaux partenaires dans la gouvernance urbaine doivent relever autant de défis de gestion, coordination et suivi dans les opérations de relogement que de responsabilités envers les familles affectées par le projet MUTP. L'accession à la propriété est considérée par la Banque mondiale et les autorités publiques comme une alternative inédite de réinsertion des familles et un moyen de minimiser les conséquences et les risques d'appauvrissement liés aux mobilités contraintes. Pour aborder la question du relogement, cet article met en avant une approche qualitative visant à comprendre le rôle ambigu des ONG et la diversité des logiques et des stratégies d'adaptation ou de résistance des familles par rapport à l'option de relogement. Il apparaît au final que les ONG se préoccupent davantage de répondre aux exigences de la Banque mondiale que d'accompagner les familles dans une transition vers une nouvelle forme d'habitat et d'un nouveau cadre de vie.
      The "Mumbai Urban Transport Project" (MUTP) is the first large-scale urban infrastructure project in Mumbai to be accompanied by a resettlement and rehabilitation policy. Indeed, this transport project, which is largely financed by the World Bank, requires the demolition of slums located on the outskirts of this large metropolis and the displacement of its inhabitants. The World Bank has imposed a number of conditionalities on the Government of Maharashtra in the implementation of the resettlement program: the specification must comply with the "involuntary displacement" policy of the international lender and NGOs must be part of the institutional and operational framework of the program. These new partners in urban governance face many challenges in management, coordination and monitoring in the operations of resettlement as well as responsibilities towards the families affected by the MUTP project. Home ownership is considered by the World Bank and authorities in Mumbai as a new option for the rehabilitation of families and a tool to minimize the consequences and risks of impoverishment due to involuntary displacement. To address the issue of resettlement, this article highlights a qualitative approach that seeks to understand the ambiguous role of NGOs and the diversity of logics and strategies of adaptation or resistance of the families towards the option of resettlement. It appears that NGOs are more concerned with meeting the requirements of the World Bank than helping families to make the transition towards new forms of housing and a new living environment.
    • Le rôle des associations de résidants dans la gestion des services urbains à Hyderabad - Marie-Hélène Zérah accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Centré sur les associations de résidants des quartiers résidentiels de la ville d'Hyderabad, cet article cherche à comprendre comment ces associations concourent à la redéfinition des modalités de l'action publique. Une première partie détaille la politique municipale de délégation de responsabilités à ces associations, en matière de services urbains, et les efforts de la part des habitants pour affirmer une identité de quartier et organiser la défense de leurs intérêts. Ces deux logiques  « top down » de la municipalité et « civiles ou bottom up » se renforcent mutuellement et, pour la municipalité comme pour les  associations, l'échelle de la localité apparaît comme une échelle pertinente de résolution de certains problèmes urbains. Une deuxième partie s'intéresse à la manière dont les associations de quartiers mettent en place des stratégies pour sortir de l'enfermement local en renforçant leurs compétences, en démocratisant leur fonctionnement et en créant des fédérations qui s'inscrivent dans des réseaux nationaux. Enfin, les conséquences en matière de gouvernance urbaine du rôle croissant de ces associations dans les affaires urbaines sont analysées dans une troisième partie. Celle-ci montre que les partenariats privilégiés entre la municipalité et les associations de résidants s'accompagnent d'une capture des ressources municipales. Cette forme de gouvernance par contrat se concrétise par une spatialisation de l'action publique qui fortifie l'ancrage des associations et renforce leur rôle de contre-pouvoir face aux institutions politiques locales.  
      Focused on residents' associations in the residential areas of Hyderabad, this article seeks to understand how these associations contribute to a shift in the conduct of public policy. The first part details the municipality's policies of urban services delegated management to these associations and the efforts by residents to assert their neighborhood identity and organize the defense of their interests. These two logics, a "top down" one by the municipality and a "bottom-up" one by the associations, mutually reinforce each other. For the municipality and the associations as well, the city is a relevant scale to solve a number of urban problems. The second part focuses on neighborhood associations' strategies to overcome the dangers of a local trap by strengthening their management skills, democratizing their functioning and setting up federations, which are part of larger national networks. Finally, the third part analyses the impact on urban governance of the increasing power of these associations in urban affairs. This section shows that the privileged partnerships between the municipality and residents associations are accompanied by a process of municipal resources capture and that this mode of governance by contract induces a spatialization of public policy, which strengthens these associations in their ability to act as a counter power to representative democracy.
  • Recensions