Contenu du sommaire : Les transformations de la géographie au cours des années 1970 (1968-1981)

Revue Bulletin de l'Association de Géographes Français Mir@bel
Numéro no 2015/1
Titre du numéro Les transformations de la géographie au cours des années 1970 (1968-1981)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les habits neufs de la géographie - Christian Grataloup p. 3-7 accès libre
  • 1. Témoignages

    • Questions à Roger Brunet sur les années 1965-1981 - Roger Brunet, Christian Grataloup, Olivier Orain p. 8-13 accès libre
    • Géographes et géographie(s) à Toulouse dans les années 1970 - Marie-Pierre Sol p. 14-23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On s'interroge ici sur le caractère singulier de la géographie produite et enseignée à l'université de Toulouse au cours des années 1970. Elle est en effet restée largement à l'écart de la « nouvelle géographie » sur le plan épistémologique, alors même que les géographes toulousains se montraient novateurs et volontiers critiques sur les plans social et politique. Pour éclairer ce paradoxe, on évoque en particulier la collaboration de géographes avec les sociologues durant les années 1960, et le mouvement de Mai-68 à la faculté des lettres de Toulouse, suivi par l'installation de l'université au Mirail. Ce sont ensuite les dissensions parmi des géographes qui se situent politiquement presque tous à gauche, d'une part, et le rôle de Bernard Kayser incitant à la recherche sur contrats avec les collectivités territoriales, d'autre part, qui aident à comprendre la singularité de la géographie toulousaine.
      The paper discusses the singular characteristic of the geography produced and taught at the university of Toulouse during the 1970s. In terms of epistemology, geographers at university of Toulouse have indeed kept their distance from the “new geography”, while in contrast, they proved themselves innovative and gladly critics on a social and political level. To clear up this paradox, the author recounts the joint efforts of geographers and sociologists in the sixties and the May 68 revolution in the Arts faculty in Toulouse, followed by its implantation in Le Mirail area. From that time, to understand the peculiarity of the geography in Toulouse, one needs to understand the role of Bernard Kayser promoting contract research with regional governments, as well as the dissensions among geographers themselves who were almost all politically left-leaning.
    • Naissance de la didactique de la géographie et modernisation de la géographie scolaire (des années 1965 à 1995) - Micheline Roumégous p. 24-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après un temps de réflexion pédagogique, conforté par l'élan réformateur de « 68 », redéfinissant la géographie scolaire enseignée dans le primaire comme un « éveil au monde », sa rénovation et l'invention de sa didactique prennent forme à partir de « 81 », avec la volonté du gouvernement de gauche de moderniser profondément les savoirs enseignés et de réformer leur enseignement. Les formateurs encouragés vont alors se fonder sur une géographie qui a redéfini son objet et sa méthode depuis les années 1970 et inventer la didactique qui permettait d'en transmettre l'intérêt social et d'en renouveler l'épistémologie. Ainsi la géographie scolaire rejoignait-elle une démarche intellectuelle commune aux autres disciplines, peut-être comme la « méthode pédagogique intuitive » avait imaginé le faire dans les années 1850, lors de leur invention.
      After a period of reflexion on the part of teachers, encouraged by the enthousiasm for reform of “68”, a new definition of school geography to be taught in primary schools emerged as an “awakening to the world”. This renovation of school geography and the invention of its didactics took shape after “81”, with the desire of a left-wing government to radically modernise radically the imparted knowledge and to reform the way pupils were taught. Those who trained the teachers, feeling supported by this, focused on a “new” academic geography whose objects and methods had been redefined in the seventies, to invent a teaching approach which would make easy to convey its social relevance and to renew the epistemology of school geography. In this way primary sschool geography became part of an intellectual process shared with other academic fields, perhaps as the “intuitive approach to teaching” had envisioned it in the 1850s when they were invented.
    • Le Groupe Dupont dans le renouvellement de la géographie - Henri Chamussy p. 34-41 accès libre
    • La naissance d'Hérodote : une création audacieuse - Béatrice Giblin p. 42-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 2016 Hérodote fêtera son 160e numéro. Qui l'eut dit, qui l'eut cru en 1976 ? Les débuts furent en effet difficiles à cause de l'hostilité de nombreux géographes qu'ils soient de gauche ou de droite. La naissance d'Hérodote doit beaucoup au climat intellectuel du Centre expérimental de Vincennes (devenu université Paris 8), à un éditeur, François Maspero, et à la dénonciation par Yves Lacoste, grâce à son raisonnement géographique, de la stratégie américaine du bombardement des digues dans le delta du Fleuve Rouge. « La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre » était démontré. L'équipe d'Hérodote est dès l'origine convaincue que le raisonnement géographique est efficace quand il associe facteurs physiques et facteurs humains, et refuse de qualifier la géographie de science sociale. En 1981, c'est avec un article d'Yves Lacoste consacré à la réhabilitation de l'œuvre géographique d'Elisée Reclus que la géopolitique devient un axe central de la revue. Après avoir suscité le rejet horrifié de quelques géographes dont Roger Brunet, la géopolitique s'est imposée comme partie prenante de la géographicité.
      In 2016 we will publish the 160th issue of Hérodote. Who could have predicted this in 1976? Indeed, the beginning was difficult for we had to face the hostility of many geographers, whether they were from the Left or the Right. The foundation of Hérodote benefited from the intellectual atmosphere in the Centre expérimental de Vincennes (which later became the University Paris 8), from publisher François Maspero, and from the work of Yves Lacoste, who, thanks to his geographical reasoning, denounced the American strategy of dykes bombardment in the Red River delta. The following catch phrase was then demonstrated: « the main use of geography is war ». Hérodote' team has always been convinced that geographical reasoning is most effective when it combines physical and human elements, and we refuse to describe geography as a social science. In 1981, a paper by Yves Lacoste about the geographical work of Elisée Reclus placed geopolitics as the central axis of the journal. After horrified reactions of some geographers such as Roger Brunet, geopolitics appeared to be a major element of geographicity.
  • 2. Analyses

    • La géographie physique des années 1970 en France, entre occasions manquées et essais non transformés ? - Christian Giusti, Marc Calvet, Charles Le Coeur p. 49-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La période allant de 1968 à 1981 correspond à des années cruciales pour la géographie physique en France, entre tradition et innovations. Au plan scientifique et sociétal, la géographie physique est en effet confrontée depuis 1950 à divers changements au plan des concepts et des théories, en particulier la double révolution de la systémique et de la quantification. Dans les années 1970 s'accélère la marche aux grands programmes internationaux, à la globalisation et à l'innovation technique. L'article discute des possibles raisons de fond d'une mutation inachevée de la géographie physique française, moins par manque de moyens matériels que du fait d'effectifs insuffisants pour porter le renouvellement des idées.
      The period from 1968 to 1981 is a crucial one in France for physical geography, between tradition and innovation. Since 1950, physical geography was confronted, scientifically and socially, to various changes in terms of concepts and theories, especially the dual revolution of systems theory and quantitative geography. In the 1970s there was an acceleration towards large international programs, globalisation and technological innovation. The paper discusses some fundamental reasons for the incomplete transformation of the French physical geography, less from lack of resources than as a result of an insufficient number of scholars to put forward the renewal of ideas.
    • L'affirmation de la géographie quantitative française au cœur d'un moment d'ébullition disciplinaire (1972-1984) - Sylvain Cuyala p. 67-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les années 1970 sont une période de fortes turbulences en géographie française durant lesquelles émerge la « nouvelle géographie » dont l'une des formes est la « géographie théorique et quantitative ». Cet article propose d'étudier l'émergence de cette géographie au moyen d'une théorie sociologique, celle du MSI (mouvement scientifique ou intellectuel) (Frickel, Gross, 2005), complétée par une approche d'analyse spatiale (Hägerstrand, 1957 ; Rogers, 1962 ; Saint-Julien 1980) et d'histoire du temps présent (Bédarida, 2001), combinaison qui constitue l'apport majeur de ce travail. L'évolution temporelle et la configuration spatiale de ce mouvement scientifique restaient très mal connues. Cet article permet de mettre en perspective les rares auto-analyses qui y sont consacrées (de Brunet, 1976 à Deneux, 2006). Il mobilise principalement un matériau de type archivistique (Répertoire des géographes, revues ou listes de communications à des colloques spécialisés) analysé au moyen de méthodes quantitatives (de la théorie des graphes à l'analyse de la spécialisation des unités géographiques). Cette investigation a permis de montrer que l'émergence de ce mouvement scientifique a eu lieu de 1971-72 à 1984, impliquant un faible nombre d'acteurs et de lieux dans une grande moitié est de la France, dont les chercheurs isolés entrent en interaction pour s'auto-former. Ce travail se voudrait un premier modèle pour l'étude sociale et spatiale d'autres mouvements scientifiques, passés, présents ou émergents, intra comme interdisciplinaires.
      The 1970s were a period of heavy turbulence in French geography. During this decade, the “New Geography” emerges, and one of its forms is the “theoretical and quantitative geography”. The aim of this article is to analyse the emergence of this geography by means of a sociological theory (scientific/intellectual movement) (Frickel, Gross, 2005), combined with spatial analysis. Temporal evolution and spatial configuration of this scientific movement remained largely unknown until now. This paper mainly engages archives (Répertoire des géographes, journals or lists of communications of TGQ colloquium) analyzed with quantitative methods (from graph theory to the analysis of geographical units' specialization). This investigation has shown that the emergence of this scientific movement took place from 1971-1972 to 1984, involving a small number of actors and locations, and while individual researchers interact in order to give themselves a self training.
    • Le terrain : la fin d'un grand récit ? - Yann Calbérac p. 84-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le terrain – la collecte des données in situ - que Vidal de La Blache a érigé au rang de méthode privilégiée de la géographie fonctionne pour celle-ci comme un « grand récit » (dans le sens que lui donne Jean-François Lyotard) constitutif de la modernité et des avancées de la géographie à la fin du XIXe siècle. Les multiples remises en cause du terrain tout au long des années 1960 et 1970 s'apparentent donc à l'essoufflement d'un métarécit qui a joué un rôle essentiel dans le fonctionnement de la communauté.
      Fieldwork – i.e collecting data outside – has been promoted, thanks to Paul Vidal de La Blache, as the main method of geographers. It appears as a metanarrative (according to the definition given by Jean-François Lyotard) insofar as it enables geography to reach modernity. The passionate debates dealing with fieldwork during the 1960s and the 1970s reveal the decrease of this metanarrative at that time: it is no longer play an important part in the community of French geographers.
    • Espace vécu, perceptions, cartes mentales : l'émergence d'un intérêt pour les représentations symboliques dans la géographie française (1966-1985) - Matthieu Pichon p. 95-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les années 1970 constituent, pour la géographie française, une période d'émergence de nouveaux objets de recherche. Parmi ces derniers, la question des représentations symboliques de l'espace et des lieux commence à intéresser un certain nombre de géographes. Cet article revient sur cette apparition, en insistant d'une part sur les dynamiques collectives de recherche sur ces questions et d'autre part sur la variété des discours et des positions épistémologiques qui ont existé dans ces travaux. Il s'agira principalement de montrer qu'il existe dans les années 1970 et les années 1980 une petite communauté de géographes spécialisés sur la thématique des représentations, qui anime une sorte de forum large sur ces questions. Par ailleurs, il conviendra de souligner que ces dernières poussent bon nombre de géographes à prendre position pour des approches centrées sur les individus et sur leur « point de vue ». Cette posture, toutefois, n'est pas partagée par tous : il apparaît ainsi que la recherche sur les représentations en géographie est plus complexe et plurielle qu'on ne le croit souvent, et qu'elle est difficilement réductible aux seules « géographie de l'espace vécu » ou « géographie des représentations ».
      As far as French geography is concerned, the 1970's represent a time of significant transformations. New topics emerged and among them, the one of mental representations of space and places. Many geographers began to carry out some research on this topic. This article aims to study the emergence of this research and to show that it was carried out by several little communities and not by isolated individuals. However, it was a field that remained quite heterogeneous, especially when we consider the variety of the epistemological positions defended by these geographers. We can identify, in the 1970's and in the 1980's, a kind of « forum » where research circulates and where geographers discuss some issues related to mental representations. Many of them focus on individuals and on their point of views, whereas some refuse this kind of approach and prefer a much more holistic approach. This leads us to underline that research on mental representations in geography is a way more complex field than it often seems to be.
    • Le temps de l'engagement, enjeux et développement d'une géographie appliquée (1970-1980) - Solène Gaudin p. 111-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'orientation des géographes en direction de l'action et des applications a donné lieu à des réticences affirmées et à de nombreux débats. Le développement de la géographie appliquée dans les années 1970 correspond à la fin d'une polémique et coïncide avec une diversification des fonctions et des contraintes – d'enseignement notamment – de la géographie universitaire. La géographie appliquée se développe et s'institutionnalise durant les deux décennies suivantes, jusqu'à la multiplication, dans les années 1990, de géographies sous contrat. Mais les années 1970 marquent encore les hésitations et les tâtonnements devant une bifurcation de la discipline, des finalités pratiques des travaux, mais aussi de la structuration de la formation. Portés par des géographes engagés, la géographie appliquée va représenter, durant cette période, l'ancrage et les paradoxes de l'implication de la discipline dans le débat social et les questions d'aménagement et de planification qui lui sont liés.
      The turn of geographers towards applications faced strong reservations and spurred numerous debates. The development of applied geography in the 1970s coincides with a diversification of functions and constraints - in teaching particularly - for geography in universities. After a period of controversies till the end of 1960s, applied geography developed and became institutionalized in the next two decades, until the increase of command-led geographical research in the 1990s. The 1970s reflect hesitations and experimentations in view of a paradigm shift of the discipline, practical purposes of research, as well the restructuration of geographers' training. Promoted by politically involved geographers, applied geography represented, during this period, the embeddedness and paradoxes of geography within social debates and questions about development and planning.
  • Synthèse et témoignage final - Bernadette Mérenne-Schoumaker p. 126-129 accès libre