Contenu du sommaire : Politiques du commun (XVIe-XIXe siècles)

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 30, no 119, 2017
Titre du numéro Politiques du commun (XVIe-XIXe siècles)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial - p. 3-5 accès libre
  • Dossier : Politiques du commun (XVIe-XIXe siècles)

    • Dire et faire le commun : Les formes de la politisation ordinaire du Moyen Âge à nos jours - Claire Judde de Larivière, Julien Weisbein p. 7-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose un cadrage historiographique et conceptuel de la question des pratiques ordinaires du politique et de leur centralité dans l'élaboration du commun, en mettant en perspective les travaux des historien.ne.s et ceux des politistes. Suivant des parcours distincts, les deux disciplines ont élaboré sur cette question des objets qui semblent aujourd'hui converger sans que les connexions soient encore faites de façon formelle. Partant de ces constats et de l'analyse de travaux récents, cet article propose des définitions et des principes d'étude de ces pratiques politiques ordinaires, et interroge les sources à notre disposition, les formes d'action et de discours qu'elles révèlent, le contenu et le sens de ces pratiques, ainsi que leur influence sur la construction de l'ordre politique tel que l'élabore ensuite la puissance publique. Cette introduction reflète les attendus théoriques ayant présidé à l'élaboration des articles du dossier, et questionne notamment les définitions de l'ordinaire, les notions de commun, d'ancrage en proximité ou de conjonctures fluides qui ont structuré notre réflexion collective.
      This article proposes a historiographical and conceptual analysis of ordinary practices of politics and their centrality in the elaboration of the idea of the common, considering the works of historians and those of political scientists. Following different paths, the two disciplines have pursued avenues of enquiry that seem to be converging, even though no formal connections have yet been made. On the basis of these findings and the analysis of recent works, this article proposes definitions and principles for studying these ordinary political practices, and examines the sources at our disposal, the forms of action and discourse they reveal, the content and the meaning of these practices, and their influence on the construction of the political order by public authority. This introduction reflects on the theoretical principles that underpin the articles in this issue, and questions in particular definitions of the ordinary, notions of the common, of the world, of proximity or fluid conjunctures that have structured our collective reflections.
    • Protestants et catholiques n'ont-ils rien en commun ? : Politisations ordinaires au temps des guerres civiles de Religion - Jérémie Foa p. 31-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la capacité politique des acteurs ordinaires de petites villes du royaume de France à résister à la violence au temps des premières guerres de Religion (1560-1574). Quand tout, au niveau national, les pousse à se considérer comme des ennemis, comme des « protestants » ou des « catholiques » n'ayant plus rien en commun, comment les citoyens ordinaires de ces villages s'y prennent-ils pour continuer à vivre ensemble ? Pour répondre à cette question, cet article analyse des « pactes d'amitié », signés entre protestants et catholiques, à l'occasion de la reprise des guerres au niveau national. Dans ces accords, les signataires s'engagent à se comporter en « frères, amis et concitoyens » et s'ingénient, en dressant un inventaire hétéroclite de « ce qu'ils ont en commun », à penser ce qui, malgré la déchirure religieuse, les fera « tenir ensemble ».
      This article questions the political ability of common actors from small towns in the kingdom of France to resist violence during the first wars of religion (1560-1574). When everything at the national level pushed them to consider themselves as enemies, as “Protestants” or “Catholics” who had nothing in common, how did the ordinary citizens of these villages live together? To answer this question, this article analyzes “friendship pacts,” signed between Protestants and Catholics when the wars resumed on a national level. In these agreements, the signatories promised to behave like “brothers, friends, and fellow citizens” and, by writing a heterogeneous inventory of “what they had in common,” they invented what, in spite of the religious rupture, would make them “stand together.”
    • Le commun peut-il tenir dans un porc ? Conflits ordinaires autour de la propriété des biens des âmes en Espagne au XVIIIe siècle - Thomas Glesener p. 53-78 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le « porc des âmes » est une pratique répandue dans toute l'Europe méridionale d'Ancien Régime qui consiste à nourrir collectivement un porc avant de le mettre en loterie pour appliquer son produit à des messes en la mémoire des morts. Les études ethnographiques qui ont été menées à partir des survivances contemporaines de ce phénomène ont placé celui-ci du côté des croyances religieuses, des rites communautaires et du syncrétisme entre religion populaire et christianisme. À partir d'un petit nombre de procès conservés dans les archives de la Navarre espagnole, cet article prétend prendre le contre-pied de cette lecture en cherchant à mettre en valeur la dimension politique de cette pratique. Il apparaît que la question de la propriété du porc, en tant que bien consacré aux âmes et donc réputé inaliénable, se trouve au cœur de conflits opposant les curés de paroisse aux magistratures locales. Loin d'être une pratique irénique, le porc des âmes cristallise un rapport de force entre des acteurs locaux qui cherchent à construire leur autorité sur la communauté en démontrant leur légitimité à administrer les biens destinés aux défunts. En étudiant les revendications de propriété des différents acteurs, cet article analyse les modalités selon lesquelles, dans les communautés rurales d'Ancien Régime, les notions de « public », de « sacré » et de « commun » ont pu entrer en concurrence. Selon le statut assigné au porc, ce sont des conceptions différentes de la localité, de son territoire et de l'appartenance à la communauté qui se confrontent.
      The “pig of souls” was a common practice throughout southern Europe during the Ancien Régime, consisting in collectively feeding a pig before putting it into a lottery for its meat to be used at masses in memory of the dead. Ethnographic studies based on the contemporary survivals of this phenomenon have placed it on the side of religious beliefs, community rites, and syncretism between popular religion and Christianity. Based on a small number of cases kept in the archives of Navarra in Spain, this article aims to counterbalance this interpretation by seeking to highlight the political dimension of this practice. It appears that the question of the ownership of the pig, as a property consecrated to souls and therefore considered inalienable, was at the heart of conflicts between parish priests and local magistrates. Far from being an irenic practice, the pig of souls crystallizes a struggle between local actors who sought to build their authority over the community by demonstrating their legitimacy to administrate the goods destined to the dead. By studying the ownership claims of the various actors, this article analyzes the ways in which the notions of “public,” “sacred,” and “common” were in competition in rural communities of the Ancien Régime. Depending on the status assigned to the pig, different conceptions of the locality, its territory and its membership confront each other.
    • Refuser l'impôt, définir le bien commun : Antifiscalisme et pratiques politiques ordinaires en Allemagne au XVIIIe siècle - Rachel Renault p. 79-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine les formes pratiques de l'antifiscalisme et les discours qui les justifient en Allemagne au XVIIIe siècle du point de vue des contribuables ordinaires, qui ne sont pas représentés dans des assemblées d'états. En refusant l'impôt, ils interrogent plusieurs des fondements essentiels du corps impérial dans son entier, et redéfinissent leur propre place en tant que sujets. Refuser l'impôt apparaît comme l'une des manières de conquérir dans les faits un droit de consentement et de refus qui, au-delà de l'impôt, s'étend à l'autorité politique en général. En mettant en œuvre des actions collectives contestataires, en réclamant transparence de l'information financière, équité de la répartition fiscale et consentement à l'impôt, les sujets font ingérence dans des affaires financières que leurs autorités s'efforcent de soustraire à leur emprise. Ces refus rendent possible l'émergence d'espaces publics à la fois fragmentés et conflictuels, et aboutissent à une lutte pour la définition du partage des prérogatives entre gouvernants et gouvernés. La contestation antifiscale, réinsérée dans la continuité des temps « chauds » et « froids », apparaît ainsi comme un lieu primordial de la réélaboration des droits politiques du sujet, précisément par ceux qui sont en principe exclus du droit à les définir, et de leur ingérence, presque par effraction, dans l'espace public légitime.
      This paper analyzes practical forms of tax resistance as well as the discourses justifying them in eighteenth century Germany, from the point of view of ordinary tax payers, who were not represented in assemblies of estates. By refusing to pay taxes, they questioned several essential foundations of the Holy German Empire as a political and social body and they attempted to redefine their own place as subjects. Refusing to pay taxes was a way of de facto gaining a right to consent which, beyond taxes, extended to political authority in general. Collective action and calling for transparency, fairness in tax distribution, and consent were ways of becoming involved in financial matters that the authorities were trying to remove from public control. Refusing to pay taxes was thus seen as a condition for the emergence of fragmented and conflictual public spheres and as a way of fighting for the right to define how power prerogatives should be shared.
    • Les ambivalences du commun : le politique entre la communauté nationale et la communauté locale (diocèse de Nantes, 1790-1792) - Déborah Cohen p. 101-121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le terme de « politique » est un label qui est aussi un enjeu des luttes : les épisodes de la Révolution française, et en particulier celui de l'insurrection vendéenne ont été, plus que d'autres peut-être, les objets d'une telle lutte ; les uns faisant des Vendéens les parangons de la contre-révolution politique, les autres ne voyant dans leur mouvement qu'une résistance de brutes primitives et locales. Par une approche ethno-historique qui observe de près les acteurs en amont des moments les plus intenses du conflit, l'article montre que ces labellisations apparemment contradictoires ne sont possibles que parce qu'elles ont un même enjeu en partage, celui des formes du vivre en commun. C'est l'ambivalence de ce commun qui permet de l'exprimer sous des modalités affrontées et incompatibles – spécifiques et universalisantes dans un cas, indigènes ou populaires et locales dans l'autre. Ces dernières formes pourront par ailleurs connaître des trajectoires de spécification, témoignant paradoxalement de la victoire conceptuelle des révolutionnaires et de leur définition du politique.
      To describe events as “political,” or to deny them this quality, is part and parcel of confrontations in history. The French revolution, and in particular the insurrection in the Vendée, have been the objects of this kind of quarrel over labels. Some used to see Vendeans as fanatical political counter-revolutionaries; others considered their movement as but a primitive and local rebuff. Observing historical actors with an ethnographic eye, and analyzing their behavior before the times of peak turmoil, this article argues that these seemingly contradictory labels are only possible because they share the same issue, that of the forms of living alongside one another. Community is an ambiguous notion that can be understood as national as well as local. And this ambiguity is at the roots of conflict.
    • Une politique en mode mineur : Ordre patronal et ordre communautaire dans les mines du Nord au XIXe siècle - Samuel Hayat p. 123-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au sein de la Compagnie des Mines d'Anzin au XIXe siècle, la direction entend monopoliser le droit à organiser le monde commun des mineurs par l'imposition d'un ordre patronal. Mais face à celui-ci, un ordre communautaire se construit, reposant sur des normes et des pratiques propres aux mineurs et sur leur capacité à dire et faire le commun. La politisation ordinaire des mineurs repose alors indissociablement sur l'apprentissage de cet ordre communautaire et sur la mise en question de l'ordre patronal. Les grèves constituent des moments paroxystiques de l'affrontement entre ces deux ordres encastrés dans le monde commun des mineurs. La politisation des mineurs par la grève se trouve alors dans la continuité des formes ordinaires de leur politisation. Mais l'interaction entre ordres patronal et communautaire dans la grève aboutit à une division des mineurs et une réinterprétation de l'opposition entre ces ordres en termes de lutte de classes.
      In the nineteenth century at the Compagnie des Mines d'Anzin, the management tried to monopolize the right to organize the miners' common world by imposing a managerial order. But it had to face a community order based on the miners' own norms and practices and on their ability to define their common world. The ordinary politicization of miners was therefore based on both their ability to learn the rules of this community order and on their contestation of the managerial order. Strikes were the paroxysm of the battle between these two embedded orders, and there was a continuity between the ordinary and exceptional processes of politicization. But the interaction between the managerial and the community order during strikes led to a division of the miners' world and a potential reinterpretation of the opposition between these orders in terms of class struggle.
  • Lecture critique

  • Notes de lecture