Contenu du sommaire : De nouveaux mondes de production ? Pratiques makers, culture du libre et lieux du “commun”

Revue Recherches Sociologiques et Anthropologiques Mir@bel
Numéro vol. 46, no 2, 2015
Titre du numéro De nouveaux mondes de production ? Pratiques makers, culture du libre et lieux du “commun”
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation. Des laboratoires du changement social - Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau, Michel Lallement p. 1-19 accès libre
  • Ce que le “Libre” fait aux “libristes” - Gael Depoorter p. 21-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le développement d'une informatique personnelle a transformé le regard porté sur ses techniciens. Cependant, malgré l'apparition d'une abondante littérature sur la “culture” hacker, ils restent largement invisibles d'un point de vue de leurs inscriptions sociales. Cet article s'appuie sur une enquête de terrain menée dans le cadre d'un doctorat portant sur l'institutionnalisation de la “communauté des logiciels libres”. Il vise à réinscrire l'occupation des hackers, “libristes”, et autres passionnés d'informatique de la “communauté du Libre” dans des pro­cessus sociaux classiques. La restitution des parcours de vie devra nous permet­tre de réduire l' “étrangeté” souvent accolée initialement au phénomène hacker. Nous avons typifié trois populations aux enjeux spécifiques qui sont autant d'investissements dans le “Libre” : les étudiants en informatique, les professionnels et les amateurs passionnés. Il s'agira d'aborder quelques-uns des facteurs contribuant aux processus d'attachement institutionnel. Nous proposons ainsi d'examiner la manière dont les personnes que nous avons rencontrées font du “libre” et font le “Libre” à travers la façon dont elles s'y inscrivent.« Cette perspective [réflexive sur les mécanismes de l'institutionnalisation] con­duit à mettre l'accent sur la construction de l'institution comme résultat d'enga­gements et d'activités hétérogènes, jamais complètement voulu par quiconque non plus que jamais totalement contrôlé par personne, sans rien abandonner de l'idée que cette institution échappe, pour cette raison même, à ses auteurs com­me à ses interprètes, quoiqu'elle n'ait cependant peut-être pas d'autre consistance que celle que lui confère la variété des entreprises tendant à s'en saisir et à s'en servir » (Lacroix/Lagroye, 1992 :9-10).
    The development of personal computing has transformed how its technicians are perceived. However, despite the appearance of an abundant literature on hacker “culture”, they remain largely invisible from the viewpoint of their social insertions. This article is based on a field investigation carried out in the context of a doctorate dealing with the institutionalization of the “Free/Libre and Open Source Software (F/LOSS) community”. It seeks to resituate the occupation of hackers, F/LOSS defenders, and others computer aficianados of the “F/LOSS community” in traditional social processes. This restitution of their life courses should enable us to reduce the “strangeness” often initially attached to the hacker phenomenon. We have distinguished three populations with specific stakes, all of which represent investments in “F/LOSS”: students in computer sciences, professionals, and impassioned amateurs. This will involve taking up some of the factors contributing to institutional attachment processes. We thus propose examine how the people we met work with “F/LOSS” and build the “F/LOSS” via the ways in which they are involved in them.
  • Les Creative Commons. Une troisième voie entre domaine public et communauté ? - Clément Bert-Erboul p. 43-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Comment ont été élaborées les licences Creative Commons utilisées par des si­tes gratuits comme Wikipedia ou Flickr, mais également par des projets d'im­primantes 3D ou pour les plantes dans les jardins alternatifs ? Les internautes et les communautés d'expérimentations technologiques utilisent massivement ces outils libres, mais les idéologies du partage et des communautés en ligne qui ont permis leur apparition restent souvent obscures. Dans cet article nous avons utilisé la doctrine juridique américaine, des travaux scientifiques et des archives de la presse spécialisée. À partir de ces sources nous avons analysé les liens en­tre les réformes du Copyright et l'institutionnalisation de l'activité de développeurs de logiciels libres, à l'origine des licences Creative Commons. Le cas des droits de propriété initialement créés pour des biens intangibles et appliqués par la suite à des réalisations matérielles permet d'observer comment les membres de communautés et d'institutions légitiment leurs pratiques informatiques à partir de plusieurs producteurs de normes tels que des organismes étatiques ou associatifs.
    How have the Creative Commons' ownership rules used by free websites like Wikipedia or Flickr and in 3D printer projects or in alternative kitchen gardens, been develo­ped? Internet users and technological experimentation communities rely heavily on these free tools, but the ideologies of the public domain and online communities that allowed their birth often remain obscure. In this article we used American legal doctri­ne, the scientific literature and specialized press archives. From these sources we analyzed the links between Copyright reforms and the institutionalization of the activity of free software developers, at the origin of Creative Commons licenses. The case of intangible goods property applied to tangibles goods shows how the community members and institutions legitimize their IT practices by means of several producers of norms, such as States or communities.
  • Les “tiers lieux”, des microcultures innovantes ? - Olivier Cléach, Valérie Deruelle, Jean-Luc Metzger p. 67-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le développement des “tiers lieux” (Fab Labs, espaces de co-travail, hackerspaces, etc.) est présenté par leurs promoteurs comme un moyen de favoriser la construction de liens sociaux, le partage de savoirs et savoir-faire, un mode de fonctionnement a-hiérarchique. Dans quelle mesure ces promesses sont-elles avérées et constituent-elles des innovations organisationnelles et/ou sociales ? Pour répondre, nous avons procédé par observations et entretiens avec les fondateurs et animateurs de deux espaces de co-travail – l'un à Paris, le second en Bretagne – et d'un Fab Lab situé en Normandie. Le caractère innovant tient à la manière dont différentes techniques d'animation sont mises au service de projets mêlant volonté de réussite économique et respect de valeurs militantes. Ce qui permet de rendre compatibles ces injonctions paradoxales réside dans la capacité des animateurs et des usagers les plus impliqués à élaborer et à pérenniser un mode de régulation autonome et des “microcultures”. De plus, les microcultures orientent le fonctionnement du lieu sur le mode de la démocratie participative, ce qui, en retour, facilite les échanges et l'engagement du plus grand nombre dans le fonctionnement de la structure et dans le processus de créativité.
    The development of “third spaces” (Fab Labs, co-working spaces, hackerspaces, etc.) is presented by their promoters as a means of fostering the construction of social ties, the sharing of knowledge and skills and an a-hierarchical way of functioning. To what point are these promises kept in their representing organisational and/or social innovations ? To answer this, we proceeded through observations and interviews with the founders and animators of two co-working spaces – one in Paris, the other in Brittany – and of a Fab Lab located in Normandy. The innovative character resides in how the various animation techniques are placed at the service of projects blending the will to succeed and respect for militant values. What allows them to make these paradoxical injunctions compatible resides in the animators' and the most engaged users' ability to elaborate and perpetuate a mode of autonomous regulation and “microcultures”. More­over, the micro-cultures orient the space's functioning along the lines of a participative democracy, which, in turn, facilitates exchanges and involves the greatest number in the structure's functioning and the process of creativity.
  • Quand un tiers-lieu devient multiple. Chronique d'une hybridation - Martine Azam, Nathalie Chauvac, Laurence Cloutier p. 87-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse à l'émergence d'un tiers-lieu toulousain dénommé “Le Multiple”. Son histoire est racontée ici en trois temps : la rencontre entre deux “mondes” – un fab lab et un projet de l'économie sociale et solidaire –, l'enga­gement dans un espace commun et la structuration d'activités et de projets collectifs. Basée sur des entretiens et des observations in situ, notre analyse est centrée sur les interactions qui fondent l'action collective. Située dans le courant interactionniste, notre démarche rend compte du rôle-clef joué par le lieu, tantôt prétexte, tantôt moteur, tantôt catalyseur, qui, à la faveur d'événements créant des inflexions fortes et des irréversibilités potentielles, engage les différents participants sur des voies qu'ils n'avaient pas forcément prévues.
    This article focuses its attention on the emergence of a Toulousan third space called “Le Multiple”. Its story is told here in three stages : the encounter between two “worlds” – a fab lab and a project fostering social and solidary economy, engagement in a common space, and the structuring of activities and group projects. Based on interviews and in situ observations, our analysis is centred on the interactions founding the group action. Situated in the inter-actionist current, our procedure takes the key-role played by the space into account, sometimes a pretext, sometimes a motor, sometimes a catalyst, which, given events creating major reorientations and potential irreversibilities, engaged the various participants in ways they had not necessarily foreseen.
  • Entretien avec Michel Bauwens - Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau, Michel Lallement p. 105-110 accès libre
  • La forge conceptuelle. Le “commun” comme réinterprétation de la propriété - Etienne Verhaegen p. 111-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cette contribution vise à montrer que face au foisonnement de significations et de visées que l'on donne aujourd'hui à l'idée de “commun”, sa réinscription dans le cadre d'analyse de la propriété comme insti­tution centrale des rapports sociaux contribue à éclairer les enjeux autours des mouvements qui s'en ré­clament. Un pas nécessaire dans cette direction consiste à identifier les différentes mobilisations con­ceptuelles et pratiques de cette idée, saisir leur originalité et l'éclairage particulier qu'elles apportent sur le renouvellement de l'interprétation de la propriété. Pour ce faire, nous proposons quatre angles de vue ou axes d'interprétation qui nous semblent pouvoir être distingués à travers la littérature et les discours activistes. Cette mise en ordre de l'idée de “commun” nous amène à souligner les tensions internes qui traversent ses différents enrôlements, les contradictions entre eux et leurs impasses. Il est soutenu que c'est l'imbrication de ces conceptions et pratiques du “commun” qui est porteuse des transformations sociétales qu'elles poursuivent.
    This article will attempt to show that given the multitude of significations and aims lent to the idea of “common” today, its reinsertion into the context of analysis of ownership as a central institution of social relationships contributes to clarifying the issues surrounding the movements laying claim to it. A necessary step in this direction consists in identifying the various conceptual and practical mobilizations of this idea, to grasp their originality and the particular light they bring to the renewal of interpretation of ownership. With this in mind, we propose four viewing angles or axes of interpretation which seem to us to be distinguishable in the literature and activists' discour­ses. This ordering of the idea of “common” leads us to underline the internal tensions running through its various employments, contradictions between them and their impasses. We suggest that it is the intertwining of these conceptions and practices regarding the common which is the bearer of the societal transformations they pursue.
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