Contenu du sommaire : La sacralisation de figures païennes à la fin de l'Antiquité (IIe-VIe s.) : poètes, philosophes, hiérophantes et prophètes
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 238, no 2, avril-juin 2021 |
Titre du numéro | La sacralisation de figures païennes à la fin de l'Antiquité (IIe-VIe s.) : poètes, philosophes, hiérophantes et prophètes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La sacralisation de figures païennes à la fin de l'Antiquité : Avant-propos - Lucia Maddalena Tissi, Philippe Hoffmann p. 187-205
- Numénius et Pythagore. Pourquoi Numénius fait-il du pythagorisme le fondement du platonisme ? - Fabienne Jourdan p. 207-234 Les historiens de la philosophie hésitent souvent sur l'école philosophique à laquelle rattacher Numénius. Tantôt il est considéré comme pythagoricien, tantôt comme platonicien. Michael Frede semble trancher le débat en le qualifiant de « platonicien pythagorisant ». L'article aborde la question en examinant la manière dont Numénius sacralise Pythagore. Il découvre la dimension polémique de sa démarche. Pour parvenir à un platonisme un et authentique, Numénius situe Pythagore à son origine, fait de Socrate et Platon ses disciples, et exclut de cette lignée tout ce qui s'éloigne de sa lecture de Platon. Ainsi s'oppose-t-il à ceux qui procèdent par inclusion pour reconstruire l'unité de l'Académie. Si, d'un point de vue historiographique, il est sans conteste platonicien, il s'estime sans doute lui-même pythagoricien.Historians of philosophy often hesitate to assign Numenius to any one particular philosophical school. He is sometimes considered a Pythagorist, sometime a Platonist. Michael Frede seems to put an end to the controversy by calling him a “Pythagoreanising Platonist”. The paper deals with the question by examining the way in which Numenius sacralises Pythagoras and the polemical dimension of this sacralisation. To reach a Platonism that is really one and authentic, Numenius places Pythagoras at its origin, portrays Plato and even Socrates as his pupils, and excludes from this line of thought all that is foreign to his interpretation of Plato. In this way, he is in conflict with those who, on the contrary, have recourse to inclusion in order to reconstruct the unity of the Academy and thus accept other trends within it. If, from an historiographical point of view, Numenius is indisputably a Platonist, he probably saw himself as a Pythagorist.
- Le divin Socrate. Autorité et « sacralisation » de Socrate dans le néoplatonisme tardif - Marco Donato p. 235-264 Le rôle de Socrate dans l'interprétation néoplatonicienne de Platon a souvent été dévalorisé, au point que le néoplatonisme a été considéré comme un « Platonismus ohne Sokrates », pour reprendre une formulation classique. Cependant, dans les commentaires des dialogues dont Socrate est protagoniste, le maître de Platon fait souvent l'objet d'une forme d'idéalisation qui le présente comme une allégorie des êtres intermédiaires entre hommes et dieux. Une question se pose d'emblée : peut-on parler d'une véritable « sacralisation » de Socrate dans le néoplatonisme tardif, que l'on pourrait comparer au culte de Socrate qui s'est pratiqué à Athènes ? Dans cet article, nous entendons explorer les modes de représentation du personnage dans les commentaires, entre réception littéraire et spéculation théologique.In standard accounts of Neoplatonic philosophy, the role of Socrates has often been downplayed, to a point that has brought interpreters to speak of a « Platonismus ohne Sokrates », to cite a famous definition. Nevertheless, Plato's master, a prominent figure in the dialogues, is often subjected in the commentaries to a form of idealisation that recognises in him the image of intermediary realities between mankind and the divine. A question thus arises: could we trace a ‘sacralisation' of Socrates in later Neoplatonism, in harmony with the presence of an established cult of Socrates such as we see in late-antique Athens? This article investigates the strategies of representation of Socrates in the commentaries, between literary reception and theological speculation.
- Savants et philosophes au mariage de Philologie : une sacralisation de figures du savoir antique chez Martianus Capella ? - Jean-Baptiste Guillaumin p. 265-292 Composé au ve siècle ap. J.-C. en contexte néoplatonicien, le récit allégorique des Noces de Philologie et de Mercure, de Martianus Capella, met en scène plusieurs grands noms de la philosophie et des sciences antiques, présents, au même titre que les dieux, dans l'assemblée qui accueille Philologie après son apothéose et son ascension céleste. Après avoir résumé la lecture symbolique que l'on peut faire de l'œuvre, cette étude propose d'interpréter la présence de personnages historiques dans le récit comme une forme de sacralisation, en lien avec le motif de l'immortalité astrale des grands hommes. En particulier, le rôle de Pythagore et de Platon au sein de l'œuvre semble fournir une clef de lecture du sens philosophique, voire théologique, des Noces de Philologie et de Mercure.As a trace of the Neoplatonic context of its composition (5th century AD), the allegorical narrative of Martianus Capella's Marriage of Philology and Mercury features several authorities in ancient philosophy and sciences: just like the gods, these characters are present in the heavenly assembly that welcomes Philology after her apotheosis and her heavenly ascent. After summarizing the symbolic reading of the allegory, this paper aims to study the presence of historical characters in the narrative as a form of sacralisation linked with the motif of the astral immortality of great men. In particular, the roles of Pythagoras and Plato within the work seem to provide a key to reading the philosophical or even religious meaning of the Marriage.
- La « sacralisation » des figures païennes dans les textes patristiques : le sens, les voies et les limites d'une notion - Sébastien Morlet p. 293-318 Après une discussion sur la légitimité et les sens possibles du terme « sacralisation » dans le cas des textes chrétiens de l'Antiquité, l'étude analyse les modalités de la sacralisation des figures « païennes » dans ce corpus : a) l'établissement d'une « symphônia » doctrinale ; b) l'élaboration biographique. Il existe une tendance forte à la sacralisation de certaines figures païennes dans les textes patristiques, mais elle reste cependant limitée, dans la mesure où ces figures, pour les auteurs chrétiens, ne sauraient être mises sur le même plan que les figures prophétiques de la tradition biblique.After discussing the legitimacy and the possible meanings of the term « sacralization » applied to the Christian texts of Antiquity, this paper analyses the ways in which « pagan » figures may sometimes be sacralized within this corpus: a) the establishment of a doctrinal « symphônia »; b) the biographical elaboration. There is, in the patristic texts, a strong tendency to sacralize a few pagan figures, which is counterbalanced by the idea that, for several reasons, these figures cannot be put on the same level as the prophetic figures of the biblical tradition.
- L'astre vivant : quelques remarques sur le statut prophétique de Zoroastre dans la littérature gréco-romaine de l'Antiquité tardive - Chiara Ombretta Tommasi p. 319-347 Après un aperçu général sur la réception de Zoroastre, le prophète et fondateur de la religion persane (qui était considéré comme un sorcier et comme un sage), dans la culture gréco-latine, l'article présente une discussion sur deux passages moins connus (Arnobe et le roman pseudo-Clémentin), où les aspects traditionnels du sorcier et de l'astrologue se mêlent à des interprétations qui relèvent du gnosticisme et présentent aussi des contaminations avec la Bible.After providing a general introduction on how Greco-Roman sources treated the figure of Zarathushtra, the prophet and founder of the Persian religion, who was considered both as a sorcerer and as a sage, this paper investigates two less known passages dealing with different interpretations of Zarathushtra. Arnobius and the author of the Pseudo-Clementines emphasise his role as a magician and attest to some implied links with Gnostic literature and doctrines, also by means of some connections with Biblical figures.
- Mosaïques romaines du IVe siècle et réaction païenne : récupération et re-sémantisation des images - Janine Balty p. 349-374 Les chrétiens se sont livrés très tôt à des emprunts – voire à la sacralisation – de figures païennes, pratique qui a provoqué des réactions chez les païens, tant dans les textes que dans les arts visuels. J'analyse ici deux séries de mosaïques du ive siècle, découvertes l'une à Apamée de Syrie, l'autre à Nea Paphos (Chypre). Le cycle apaméen affirme, par l'image du triomphe de Cassiopée sur les Néréides, la signature néoplatonicienne de l'ensemble et récupère les figures d'Ulysse et de Socrate dans deux autres tableaux ; enfin, une couronne contenant l'inscription εὖ χρῶ parodie le chrisme. La mosaïque de Nea Paphos, avec la même signature, offre un parallèle ironique à quatre scènes chrétiennes, par le moyen d'images mythologiques gréco-romaines. La résistance païenne n'est pas un vain mot.From the beginning, Christians were accustomed to borrowing from the paideia or to sacralizing pagan figures, which gave rise to pagan reactions, both in texts and in the visual arts. My scope here is to analyze two series of mosaics from the fourth century, one discovered in Syria (Apamea), the other in Cyprus (Nea Paphos). The Apamean series offers four pictures: Kassiopeia triumphing over the Nereids, as a Neoplatonic signature; the Return of Odysseus (meeting Penelope/Philosophy); Socrates teaching among the Sages; the last panel (inscription εὖ χρῶ) is a parody of the chrismon. The Cypriot mosaic, with the same Neoplatonic signature, presents four mythological themes as ironical parallels to Christian scenes. Pagan values continued to resist.
- Comment contourner une autorité : l'exemple du néoplatonisme post-plotinien - Adrien Lecerf p. 375-411 On sait que les néoplatoniciens après Plotin ont élaboré un système très complexe d'autorités pour justifier leurs doctrines : Platon, Aristote et Pythagore, ainsi que les anciens théologiens (Orphée, Homère, les Oracles chaldaïques) reçoivent ainsi un statut proche du sacré. On a moins remarqué que l'usage de ces autorités, souvent envahissantes, n'excluait pas une certaine souplesse. D'une part, il reste possible de congédier une figure respectable si celle-ci viole les principes qui conviennent à une exégèse correcte ; d'autre part, lorsqu'une autorité est exploitée, surinterprétations, raffinements, évictions respectueuses, passages sous silence etc. permettent aux philosophes de conserver une forme d'autonomie et de développer leurs propres thèses sous couvert d'interpréter les Anciens.It is known that post-Plotinian Neoplatonists developed a highly complex system of authorities in order to give credence to their doctrines: Plato, Aristotle and Pythagoras, as well as ancient theologians (Orpheus, Homer and the Chaldean Oracles) are thus endowed with a status bordering on the sacred. However, the use of such – rather burdensome – authorities does not preclude a degree of adaptation: one can still dismiss respectable figures if they do not respect the principles ruling correct exegesis; on the other hand, when an authority is in fact used, overinterpretations, refinements, subtle dismissals or neglect etc. allow philosophers to remain autonomous and to develop their own theses under the cover of interpreting the Ancients.