Contenu du sommaire : Ethnicisation des États-Unis ?

Revue Migrations société Mir@bel
Numéro vol. 35, no 193, juillet-septembre 2023
Titre du numéro Ethnicisation des États-Unis ?
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial

  • Ethnicisation des États-Unis ? Enjeux d'une lutte de reconnaissance

    • Ethnicisation des États-Unis ? : Enjeux et place des groupes minoritaires - Marie-Christine Michaud p. 15-26 accès réservé avec résumé
      Aux États-Unis, la présence de groupes minoritaires distincts, ethniques ou raciaux, issus de l'immigration atteste l'échec du Melting Pot, d'où les efforts d'une partie de la population anglo-américaine, la plus conservatrice, pour protéger ses institutions nationales, son identité et sa « race ». Ces différents groupes minoritaires, migrants involontaires — comme les esclaves noirs — ou volontaires, dans l'espoir de profiter des opportunités offertes par les États-Unis (notamment ceux venus d'Europe du Sud à partir du milieu du XIXe siècle et d'Amérique latine depuis les années 1960), ont participé à la construction de la nation. Ils ont alors cherché à faire reconnaître leur contribution à son développement. Leur présence a induit un processus d'ethnicisation de la société états-unienne, c'est-à-dire un processus par lequel ces groupes exercent une influence sur la société. En effet, les États-Unis ne peuvent pas se réclamer d'une identité monolithique, d'une culture uniforme, ce qui fait la spécificité de la société états-unienne en tant qu'objet d'étude. Ce dossier, grâce à quelques exemples choisis, apporte un éclairage inédit sur le processus d'ethnicisation des États-Unis issu de la quête de reconnaissance de certains groupes. Les deux premiers chapitres analysent l'influence d'Européens à New York (Néerlandais et Italiens) ; les deux suivants étudient l'impact de groupes encore peu visibles mais interagissant avec la société états-unienne, les Arméniens et les Tibétains ; puis deux études, l'une plutôt culturelle et l'autre artistique, montrent comment les Noirs américains mènent leur lutte de reconnaissance socio-raciale. Tous ces groupes ont participé, et continuent de le faire, à la construction de la nation états-unienne à travers un processus d'ethnicisation.
    • « The Gallant Old Dutchman » : Pieter Stuyvesant, un père fondateur néerlandais pour New York ? - Virginie Adane p. 27-44 accès réservé avec résumé
      Au XIXe siècle, la ville de New York connaît d'importantes transformations économiques et démographiques, liées au développement du port et à plusieurs vagues migratoires successives. Cet article propose d'orienter le regard vers les descendants de l'ancienne élite coloniale et leur repli culturel face à ces transformations. À partir de l'étude des productions historiographiques sur la Nouvelle-Néerlande et de leur matérialisation dans l'espace public entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, il s'agira d'envisager la façon dont la figure de Pieter Stuyvesant, dernier directeur général (ou gouverneur) de la Nouvelle-Néerlande (entre 1647 et 1664), s'est progressivement affirmée comme un symbole ethnicisé des origines néerlandaises de la ville, catalysant entreprises puis débats mémoriels à New York.
    • Le pont Verrazano : un symbole de la lutte des Italo-Américains pour leur reconnaissance - Marie-Christine Michaud p. 45-60 accès réservé avec résumé
      À New York, l'édification au début des années 1960 du pont Verrazano-Narrows, qui relie Staten Island à Brooklyn, fut une occasion pour les Italo-Américains de la région de mener une lutte pour faire reconnaître la contribution de leur groupe ethnique à l'essor de la ville. Ils menèrent alors campagne afin que le pont fût baptisé du nom du navigateur italien Giovanni da Verrazano qui, en 1524, avait découvert la baie de New York. Pour cette communauté, l'enjeu était de faire évoluer la façon dont elle était perçue au sein de la société états-unienne. Les migrants italiens, massivement venus d'Italie du Sud et de Sicile au tournant des XIXe et XXe siècles, furent longtemps discriminés. Leurs descendants, les Italo-Américains qui assistèrent à la construction du pont, saisirent cette opportunité pour mettre en avant une filiation nationale avec le navigateur et, par conséquent, leur apport à l'histoire des États-Unis ainsi que leur légitimité à prendre part à la mémoire collective, cette démarche s'inscrivant dans la lutte pour leur reconnaissance par les Anglo-Américains.
    • Les Arméno-Américains, les élus américains, et la mobilisation pour la reconnaissance du génocide arménien - Julien Zarifian p. 61-75 accès réservé avec résumé
      Estimés à un million d'individus, en général bien intégrés dans les territoires où ils vivent (en particulier en Californie et dans les régions de Boston et de New York), les Arméno-Américains se sont progressivement, à partir des années 1960, organisés politiquement afin d'obtenir la reconnaissance du génocide de 1915, perpétré par les autorités turques de l'Empire ottoman à l'encontre de leurs sujets arméniens, et fermement nié par l'État héritier de cet empire, la Turquie. Dans ce qui s'est souvent apparenté à une âpre lutte politique, qui ne s'est achevée qu'en 2021 par la reconnaissance formelle du génocide par le président Joe Biden, les communautés arméniennes des États-Unis ont pu compter sur le soutien d'élus américains, parfois de premier plan, souvent issus des circonscriptions électorales où ils sont le plus nombreux et influents. L'objectif de cet article est d'étudier les rapports entre les Arméno-Américains et les élus américains, et plus particulièrement les raisons, les modalités et les implications de l'engagement des élus en question auprès des Arméno-Américains pour la reconnaissance du génocide, dans la seconde moitié du XXe siècle et jusqu'au début des années 2020.
    • Contrer l'oubli : les Tibéto-Américains dans la société états-unienne - Molly Chatalic p. 77-94 accès réservé avec résumé
      Pour comprendre l'histoire récente du monde l'on peut s'intéresser aux trajectoires migratoires des Américains d'origine asiatique ainsi qu'à leur extrême diversité, en particulier depuis le milieu du XXe siècle. Pour autant, leur lutte pour la reconnaissance et leur inscription au sein de la société états-unienne sont très récentes. En ce qui concerne tout particulièrement les Tibéto-Américains aux États-Unis, dans quelle mesure peut-on parler d'ethnicisation ? Leurs fêtes sur le sol états-unien commémorant des dates importantes du bouddhisme ou de l'histoire tibétaine, il convient par conséquent de s'interroger sur les fêtes ou commémorations américaines qui peuvent faire sens pour les différents groupes de cette minorité. Les Tibéto-Américains se sont saisis en particulier des outils du système éducatif et démocratique pour inscrire leur spécificité dans leur nouvelle société d'accueil, commémorer leur histoire et contrer l'oubli. En dépit de ces efforts, quelle visibilité et quel degré de reconnaissance ont-ils réussi à obtenir effectivement dans la société états-unienne ?
    • Art afro-américain, stéréotypes et ethnicisation dans les œuvres de Robert Colescott - Éliane Elmaleh p. 95-112 accès réservé avec résumé
      Cet article se penche sur les travaux du peintre Robert Colescott, artiste noir américain qui doit sa renommée aux substitutions qu'il a opérées dans les années 1970 dans un certain nombre d'œuvres d'art dont il a changé les personnages originaux pour les remplacer par des personnages noirs. L'objectif est de montrer qu'en ethnicisant les œuvres concernées, l'artiste questionne l'autorité du canon de l'histoire de l'art et l'identité aussi bien ethnique que de genre des personnages représentés. Cet article analyse tout particulièrement deux exemples très emblématiques des appropriations et détournements d'œuvres d'art opérés par Robert Colescott : George Washington Carver Crossing the Delaware: Page From an American History Textbook (1975), tableau qui reprend l'œuvre historique d'Emmanuel Leutze, Washington Crossing the Delaware (1851), et Eat Dem Taters (1975), la version de Colescott des « Mangeurs de pommes de terre » de Vincent Van Gogh (1885). Dans la première œuvre, Colescott remplace le premier président des États-Unis, George Washington, qui apparaît au centre de l'original, par une figure emblématique de l'histoire afro-américaine, le botaniste George Washington Carver. Dans Eat Dem Taters, l'artiste remplace les paysans européens réunis autour d'une table pour « manger des pommes de terre » par des métayers noirs. L'objectif de cet article est de montrer comment dans ces deux œuvres, les opérations de réappropriation jouent avec les concepts d'appartenance ethnique, de race et de commémoration.
    • Du Martin Luther King Jr. Day à Juneteenth : La célébration nationale de la mémoire des Noirs américains aux États-Unis - Lawrence Aje p. 113-128 accès réservé avec résumé
      À travers l'étude de deux jours fériés, le Martin Luther King Jr. Day et Juneteenth National Independance Day (ou, plus simplement, Juneteenth), commémorant l'histoire des Noirs américains, cet article met en évidence que, dans le sillage des mouvements des droits civiques et de Black Lives Matter, on assiste à un phénomène de « nationalisation » de la mémoire noire américaine aux États-Unis. La « fédéralisation » de la mémoire noire, sur un mode abolitionniste et émancipateur, vise à valoriser l'histoire des Noirs américains dans une logique compensatoire de réparation symbolique. Si au niveau des États fédérés cette dynamique s'accompagne de politiques œuvrant à minorer, circonscrire et, parfois, effacer de l'espace public la célébration d'une mémoire controversée et désormais contestée rappelant le passé esclavagiste, l'inscription d'un espace commémoratif public et officiel honorant la mémoire noire américaine dans le calendrier festif se heurte à des résistances.
    • Bibliographie sélective - p. 129-132 accès libre
  • Varia

    • Par-delà l'expatriation et la migration : L'identification des Français hors de France à l'aune de la mobilité et de l'immobilité - Sylvain Beck, Benedicte Brahic p. 133-149 accès réservé avec résumé
      Le terme expatriation, entré dans le langage ordinaire, désigne les expériences de l'ensemble des Français hors de France. Issu d'un imaginaire forgé par l'expérience des écrivains voyageurs américains à Paris dans les années 1920 et largement développée dans le champ des sciences de gestion depuis les années 1980, ce terme pâtit de sa notoriété et englobe désormais des réalités très diverses et contrastées. Revenant sur la question jusqu'à présent relativement peu étudiée des Français hors de France, cet article met en lumière, à partir d'enquêtes de terrain conduites au Royaume-Uni et au Maroc, les enjeux liés à la situation migratoire de ces Français avant d'interroger les catégories de la migration et de la mobilité à l'aune des pratiques des individus sur le terrain et des représentations qui leur sont associées. L'article conclut en esquissant une terminologie pour nommer et réfléchir à cet impensé qui, bien que phénomène grandissant, reste relativement marginal sur le terrain des pratiques de recherche, alors même qu'il nécessiterait d'être intégré aux débats sur les migrations, les mobilités et les déplacements humains. Cet article argumente notamment en faveur de l'expression « Français hors des frontières nationales », qui reflète les dimensions matérielles du déplacement de ces derniers tout en laissant assez de place pour penser les dimensions subjective et existentielle de ce déplacement qui s'effectue hors de France mais pas « sans » la France.
  • Note de lecture

  • Nouveautés documentaires du CIEMI