Contenu du sommaire : La santé à l'épreuve du travail

Revue Mouvements Mir@bel
Numéro no 58, avril-juin 2009
Titre du numéro La santé à l'épreuve du travail
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Une organisation du travail néfaste pour la santé

    • L'introuvable renouvellement de l'organisation du travail. Entretien avec Thierry Rochefort - Le Lay Stéphane p. 14-20 accès libre
    • Les salariés face à la dialectique santé-travail précarisé - Hélardot Valentine p. 21-28 accès libre avec résumé
      Les relations santé-travail sont par nature complexes et ambivalentes : si le travail (son contenu, ses conditions, son organisation) et les conditions d'emploi contribuent à construire – ou à fragiliser – la santé physique, mentale et morale, la santé en retour configure la façon de travailler et les orientations des parcours professionnels – positivement lorsque la bonne santé permet une pleine participation au monde du travail, ou négativement lorsqu'opèrent des processus de sélection/exclusion professionnelle sur des critères de santé. Sans pour autant postuler qu'un « âge d'or » aurait existé, dans lequel santé et travail auraient été pleinement compatibles et pacifiés, l'objet est ici de montrer que les transformations profondes qui traversent le monde du travail depuis une trentaine d'années renouvellent, en la durcissant, la dialectique des relations santé-travail. Autrement dit, il s'agit de montrer comment les diverses composantes de la précarisation du travail pèsent sur les possibilités laissées aux salariés de concilier activité professionnelle et préservation de leur santé.
    • Accidents du travail : des blessés et des morts invisibles - Daubas-Letourneux Véronique p. 29-37 accès libre avec résumé
      Faiblement médiatisés, les accidents du travail ne font par ailleurs guère l'objet de travaux de recherche. Il est vrai que les chiffres de ces accidents demeurent relativement difficiles à maîtriser, bon nombre n'étant pas répertoriés. Qui sont ces travailleurs accidentés ? Quelles sont les causes de ces accidents ? Véronique Daubas-Letourneux nous invite à regarder de plus près ces accidents, en remettant en cause l'organisation du travail et la notion de rentabilité maximale dans laquelle notre société est ancrée ; ainsi qu'en examinant le rapport des salariés et des patrons face à un danger, parfois mortel.
    • Faire reconnaître la responsabilité patronale dans les accidents mortels au travail : un parcours éprouvant mais nécessaire. Entretien avec Michel Bianco - Faure Sonya, Le Lay Stéphane p. 38-44 accès libre avec résumé
      Michel Bianco est syndicaliste retraité à la CGT. Militant politique actif, menant par ailleurs une intense activité dans le bénévolat sportif au niveau local, sa vie de père a été bouleversée le 2 août 2006 lorsque son fils, Jérôme, est mort dans un accident du travail, à l'âge de 32 ans. À partir du cas exemplaire que constitue le décès de son fils, il décrit et analyse la difficulté à mener une lutte pour la reconnaissance d'une mort au travail.
    • Reconnaissance des cancers professionnels : de la théorie à la pratique - p. 45 accès libre
    • La reconnaissance des cancers professionnels : entre tableaux et CRRMP, une historique prudence à indemniser.. - Platel Sylvie p. 46-55 accès libre avec résumé
      L'histoire de la réparation des cancers professionnels s'inscrit dans l'épineuse et ancienne question de l'indemnisation des maladies professionnelles ! Elle constitue un enjeu politique conflictuel au cœur des rapports sociaux 1 et des luttes sociales depuis plus d'un siècle, qui freine la traduction en termes de législation, des connaissances scientifiques sur les expositions à des cancérogènes professionnels. Près de quatre-vingt-dix ans après la mise en place de la loi sur les maladies professionnelles, on peut constater des évolutions en faveur d'une meilleure couverture des risques professionnels. Mais les avancées sont plutôt théoriques et les cancers, dans ce dispositif qui pérennise et reconfigure sans cesse des principes de réparation construits autour de réalités devenues obsolètes, souffrent de sous-reconnaissance. Au minimum un cas sur deux ne serait pas reconnu, privant de leurs droits les victimes ou leurs ayant-droits et pesant sur la branche maladie de la Sécurité sociale, soulageant la branche AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) ! L'invisibilité sociale chronique de ces terribles pathologies du travail qui concernent principalement les ouvriers est-elle encore et toujours renforcée dans une « logique de classe et non de santé publique 2 » ?
    • De l'épreuve du travail à l'épreuve de la reconnaissance du cancer en maladie professionnelle - Boujasson Laura p. 56-65 accès libre avec résumé
      Décrivant le parcours de professionnel d'un ouvrier, monsieur Nahal, devenu un patient du Giscop (groupement d'intérêt scientifique sur les cancers d'origine professionnelle), l'auteure nous montre les difficultés d'une quête de reconnaissance en maladie professionnelle dans la réglementation française.
  • Des perspectives scientifiques de la relation santé / travail

    • Pour une histoire par en bas de la santé au travail. Entretien avec l'historien Jean-Claude Devinck - Vincent Julien p. 68-78 accès libre avec résumé
      La question de la « santé au travail » ne date pas d'hier. Elle fait aujourd'hui l'objet de nombreux travaux historiques qui permettent de revisiter l'histoire de l'État, de la médecine, mais aussi d'introduire des questionnements nouveaux comme la prévention des risques, les rapports de genre ou l'impact des pollutions industrielles. Selon Jean-Claude Devinck un tel renouvellement ne doit pas dissimuler l'essentiel : la place du mouvement ouvrier reste profondément méconnue dans cette histoire. Trop souvent décrits comme les spectateurs passifs de débats entre experts, les ouvrièr-e-s furent en réalité les principaux acteurs d'une lutte systématiquement occultée jusqu'à nos jours. En matière d'histoire de la santé au travail, la problématique de la « lutte des classes » n'a jamais été aussi actuelle.
    • Les relations entre santé et travail du point de vue de la psychodynamique du travail - Gernet Isabelle p. 79-84 accès libre avec résumé
      Si le nombre des situations professionnelles qui ont des répercussions sur la santé de ceux et celles qui travaillent est en constante augmentation, peut-on pour autant réduire le travail à ses effets délétères pour la santé mentale comme pour la santé du corps ? L'auteure analyse d'un point de vue psychodynamique le rapport entre le travail et la santé.
    • Le rapport santé-travail en psychologie du travail - Lhuilier Dominique, Litim Malika p. 85-96 accès libre avec résumé
      Les problèmes de santé au travail ne sont pas uniquement des problèmes de santé physique. Viennent s'y ajouter les problèmes de santé mentale. Leur reconnaissance reste encore très difficile sur le plan législatif et elles donnent lieu à des interprétations contradictoires, dont les conséquences sociales sont loin d'être neutres. Les deux auteures nous en exposent ici les enjeux et les perspectives, à partir de leur expérience en psychologie du travail.
    • L'approche ergonomique des questions santé / travail - Hubault François p. 97-102 accès libre avec résumé
      Ce qui fonde le point de vue ergonomique, c'est la « reconnaissance » que le travail réel est toujours différent du travail prescrit. Ce qui fonde le débat à l'intérieur de la communauté ergonomique c'est la question de savoir pourquoi. Il y a en effet plusieurs angles d'attaque possibles, en vérité des différences épistémologiques essentielles entre les deux approches principales en lice.
  • Reparler du travail

    • Enjeux et incertitudes de la politique européenne en santé au travail - Vogel Laurent p. 104-116 accès libre avec résumé
      Les enjeux généraux de la santé au travail sont multiples. Ils convergent vers une question centrale : quel contrôle social et public sur les systèmes de production ? Jusqu'à quel point l'initiative privée accordée aux détenteurs de capitaux peut-elle mettre en danger la santé humaine ? Cette question est apparue avec la révolution industrielle. Elle a été relancée à travers de nombreuses mobilisations sociales. Elle a souvent reçu des réponses étriquées, se présentant sous l'apparence de la neutralité technique qui en ont dilué le contenu. Cet article consacré aux politiques de l'Union européenne en santé au travail présente un bilan synthétique de dispositifs complexes et souvent contradictoires dans lequel les choix politiques sont rarement assumés et doivent être décryptés derrière l'épais jargon des eurocrates.
    • Face à l'intensification, quand les syndicalistes interrogent leurs pratiques - Théry Laurence p. 117-124 accès libre avec résumé
      L'intensification ainsi que la diversification du travail dans tous les secteurs d'activité ne sont plus à prouver. Les salariés sont de plus en plus malmenés par la recherche de rentabilité de leur entreprise, créant inévitablement des tensions. Laurence Théry, dans cet article, nous expose une recherche-action menée entre syndicalistes et chercheurs, qui aide les salariés à mieux comprendre le poids des changements d'organisation du travail dans leur activité 1.
    • Quand l'art met en scène le travail et la santé (1). Table ronde réunissant Klara Vidic-Stanic, Sylvain Rossignol et Jean-Michel Carré - Debout Frédérique, Faure Sonya p. 125-130 accès libre avec résumé
      Klara Vidic-Stanic vient de Slovénie pour faire du théâtre. Elle se forme au Cours Simon, où elle obtient un prix d'interprétation pour La voix humaine de Cocteau. Elle joue alors dans différentes pièces. En 2000, elle fonde une union de comédiens, Filipendule, avec l'intention de créer à partir d'une recherche théâtrale ; elle y anime l'atelier d'écriture Les Plâtrières. À partir des textes qui y sont produits, elle écrit Les Barreaux de travers. La pièce est représentée en janvier 2003 à Paris. Elle écrit sa deuxième pièce Et Dieu vit que cela était bon. L'année 2002 est consacrée à l'écriture. Elle suit une formation à Escale (école supérieure de la création littéraire), où elle écrit nouvelles, scénarios, récits fantastiques et autres formes. En juin 2003, elle achève Port du casque obligatoire. Continuant sa recherche personnelle d'écriture, elle reste en lien avec le monde de l'entreprise jusqu'en 2005. Depuis un an, elle se consacre à la mise en place d'ateliers d'écriture créative. Simultanément, elle mène une réflexion quant aux leviers de création, ou comment accompagner un public divers vers l'expression littéraire qui lui est propre ; ainsi, en 2006, est fondée l'association Chantier 32, dont l'objectif est la conception, la réalisation et l'intervention dans le cadre d'atelier d'écriture créative pour différents publics : adultes, infirmes moteurs et cérébraux. Les premières formules sont menées à bien avec des personnes hospitalisées et avec les adultes handicapés de l'Esat Cécilia 1. Dernièrement, elle a été mise à l'honneur dans le cadre du Comité du pilotage « Écrivain à résidence » à la Ferté-sous-Jouarre, lors d'une série de lecture de ses textes. En tant que lectrice enfin elle vient de donner à entendre Dissident, il va sans dire de Michel Vinaver, à la Scène Watteau. Sylvain Rossignol se passionne pour le monde du travail. Notre usine est un roman 2 est son premier roman. Sorti en mai 2008, il a été remarqué par la critique et a fait l'objet d'un deuxième tirage. Des adaptations pour le théâtre et le cinéma sont en projet. Jean-Michel Carré a écrit plusieurs livres et réalisé plusieurs films depuis 1971. Il s'intéresse depuis de nombreuses années aux mutations que rencontre le monde du travail. Citons de manière non exhaustive en 1999 Charbons ardents, Beaucoup, passionnément, à la folie mais aussi Question de classes. En 2006, J'ai (très) mal au travail. En 2007, Le système Poutine ou encore en 2008, Les travailleuses du sexe.
    • Quand l'art met en scène le travail et la santé (2). Entretien avec Sophie Bruneau, réalisatrice du documentaire Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés - Faure Sonya p. 131-135 accès libre avec résumé
      Sophie Bruneau a réalisé, avec Marc-Antoine Roudil, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, sorti en salle en février 2006 en France. Découpé en quatre parties, le documentaire filme quatre patients au sein de consultations « Souffrance et travail » de la région parisienne. Devant l'unique caméra de Sophie Bruneau et de Marc-Antoine Roudil, une ouvrière, un directeur d'agence, une gérante de magasin et une aide-soignante racontent leur mal-travail aux médecins ou psychanalystes. En guise d'épilogue, ces derniers (Marie Pezé, Marie-Christine Soula et Nicolas Sandret) accompagnés de Christophe Dejours, reviennent sur leur pratique. Ils ne mouraient pas tous, sorti sur les écrans le même jour que Les Bronzés 3, et sur dix copies seulement, a pourtant atteint les 80 000 entrées en France. Sophie Bruneau explique pourquoi elle a voulu filmer le travail, et comment elle a réussi à montrer la souffrance, plus invisible encore.
    • Aux racines de tous les stress - Monestier Jean p. 136-144 accès libre avec résumé
      Le stress se répand aujourd'hui dans le monde du travail, où il est devenu un facteur majeur des atteintes à la santé. Jean Monestier s'interroge sur les raisons qui peuvent pousser les salariés à accepter des formes de « mise au travail » qui les blessent. Il explore dans cet article l'hypothèse que cette acceptation est avant tout mue par un désir d'augmentation de leur pouvoir d'achat, lui-même orienté par un désir effréné de consommation auquel pousse l'idéologie consumériste contemporaine. À cet asservissement des désirs et des subjectivités, il oppose la décroissance et la défection comme seul horizon alternatif crédible.
  • Itinéraire

    • Un toxicologue de la marge à la centralité. Entretien avec Henri Pézerat - Le Lay Stéphane, Lusson Julien p. 146-157 accès libre avec résumé
      Pendant un siècle, malgré les preuves que l'amiante, largement utilisée dans de nombreuses industries, était, dans toutes ses variétés, un terrible cancérigène, des générations d'ouvriers y ont été confrontées. Sacrifiées, plus exactement, sur l'autel des profits et de l'emploi. Il a fallu le combat de plusieurs décennies de victimes de l'amiante ou de personnes exposées, pour que le gouvernement français se décide enfin, en 1997, à interdire définitivement tout usage de ce matériau mortel qui devrait selon les estimations, faire encore de 80 000 à 100 000 victimes dans les vingt prochaines années. Le « professeur » Henri Pézerat, qui fut universitaire à Jussieu et toxicologue au CNRS, a été sans conteste l'une des figures emblématiques du combat contre l'amiante, auquel il a consacré plus de trente ans de son existence, du comité anti-amiante de Jussieu à Ban Asbestos en passant par l'association ALERT dont il fut l'un des fondateurs. Certains l'ont surnommé « le Juste de cette histoire insupportable ». Son combat ne s'est pas arrêté à l'amiante. Il fut également l'un des principaux acteurs, depuis les années 1970, des luttes pour la reconnaissance, la prévention et la réparation des risques professionnels. Cet entretien a été réalisé quelques semaines avant son décès le 21 février 2009. Henri Pézerat aura toute sa vie combattu aux côtés des ouvriers et salariés victimes de l'impéritie des directions d'entreprises.
  • Thèmes

    • Crise financière : modèles du risque et risque de modèle - Armatte Michel p. 160-176 accès libre avec résumé
      Dans le modèle financier capitaliste qui s'est écroulé avec la crise, la gestion du risque est ce qui apporte les gains, et provoque le crash. Michel Armatte revient ici sur les modèles statistiques associés à cette gestion du risque qui ont pu entretenir l'idée d'une « fausse sécurité » et entraîner le système dans le gouffre.
    • Aux origines était la bulle. La mécanique des fluides des subprimes - Poon Martha p. 177-190 accès libre avec résumé
      La crise des subprimes aux États-Unis est née de la conjonction d'une bulle immobilière sans précédent et d'un système de prêt qui a transformé l'endettement en ressources financières... jusqu'à l'implosion finale. Filant la métaphore de la mécanique des fluides, Martha Poon déconstruit et tire les enseignements de la crise 1.