Contenu du sommaire : Impostures

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 19, no 74, avril 2006
Titre du numéro Impostures
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Impostures

    - (Coordonné par Vincent Denis et Pierre Serna) accès libre
    • Imposteurs et policiers au siècle des Lumières - Vincent Denis p. 11 accès libre avec résumé
      Dans la France du XVIIIe siècle se développent les pratiques d'imposture et le recours à de fausses identités. Cet article est une étude de ces pratiques à partir des dossiers de prisonniers de la Bastille. L'observation des imposteurs révèle les codes de l'identité en vigueur dans la société française. Mais elle montre aussi les limites intrinsèques de l'imposture. Enfin, l'étude de leur répression permet de s'interroger sur le rôle de la police dans la fixation et le respect des identités dans la société du XVIIIe siècle.
    • Travestissements, impostures et la communauté historienne - A propos des femmes soldats de la Révolution et de l'Empire - Jean-Clément Martin p. 31 accès libre avec résumé
      La présence inattendue d'un groupe de femmes soldats dans les armées de la Révolution et de l'Empire, alors que les lois sont prises pour les exclure, conduit à mettre en cause les catégories ordinairement employées pour parler de ces femmes. Sont-elles des aventurières « déguisées » ou des républicaines féministes « militantes » illustrant des groupes sociaux spécifiques ? L'examen de leurs itinéraires conduit plutôt à majorer les aspects individuels de leur démarche, récusant les jugements moraux, idéologiques de la plupart des historiens. Il n'est pas acceptable d'invoquer des travestissements et des impostures, là où il y eut des choix délibérés dans des situations spécifiques, situations que l'historiographie doit accepter en tant que telle.
    • A la recherche des signes de l'identité - Balzac et l'histoire naturelle - Dominique Guillo p. 49 accès libre avec résumé
      Les conditions et les modalités de l'identification des individus et de leur appartenance collective se modifient en profondeur dans la France du XIXe siècle. Il en résulte un brouillage des identités – individuelles et collectives – qui suscite dans le monde éclairé des tentatives pour bâtir des grilles conceptuelles et des batteries de critères nouvelles, destinées à dévoiler, derrière le chaos apparent des attributs, des statuts ou des appartenances, un ordre des identités susceptible d'être considéré comme objectif et fondamental. Comme l'illustre l'exemple de Balzac, la biologie, plus précisément l'histoire naturelle, apparaît alors, aux yeux de beaucoup, comme un outil puissant pour mener à bien une telle entreprise. Sous un tel éclairage, les discours biologisants sur l'homme paraissent se déployer dans le registre sémiologique des indices de l'identité, au moins autant que dans le registre naturaliste et causal de l'ancrage organique des penchants et des conduites.
    • Guerrilla diffusa - Le conflit entre organisations révolutionnaires subversives et l'Etat ouest-allemand - Dominique Linhardt p. 75 accès libre avec résumé
      La littérature consacrée au terrorisme met massivement l'accent sur la violence. Il n'y a à cela rien d'étonnant lorsqu'on considère que ce qui fonde l'action terroriste, c'est l'attentat et que l'attentat engage, par définition, l'exercice d'une violence. Cependant, cet état de fait devient problématique dès lors que l'on réduit l'action terroriste au seul usage de la violence. Si la faculté de suspendre l'interdit du recours à la violence est indéniablement un aspect du modèle d'action terroriste, elle ne l'épuise pas. Parmi les aspects qui méritent une plus grande attention, on trouve la faculté des terroristes à agir clandestinement. L'action clandestine n'est pas seulement une condition de la possibilité d'accomplir un attentat ; elle n'est pas seulement au fondement de l'ouverture d'un espace du soupçon qui fait partie intégrante de l'efficacité de l'agir terroriste ; elle se rend également descriptible comme ce qui permet aux groupes terroristes, suivant une logique de provocation, de jeter l'État dans l'arène du conflit. L'exemple empirique est celui des « années de plomb » allemandes. Ce cas offre l'opportunité de décrire pas à pas la manière dont la stratégie du maintien des « apparences normales » des membres de la guérilla urbaine s'est constituée en un problème policier d'abord, en un objet d'âpre débat public ensuite, amenant une mise en cause profonde de l'État – ce qui était précisément l'objectif visé par les groupes clandestins.
    • La signature au temps de l'électronique - Béatrice Fraenkel et David Pontille p. 103 accès libre avec résumé
      L'électronisation des pratiques d'écriture bouleverse des usages séculaires comme celui de la signature, puissant signe d'identité et de validation. L'analyse s'appuie sur deux cas : le projet d'adoption de la signature électronique pour valider les actes authentiques en France et les nouvelles modalités de soumission d'articles à la célèbre revue Nature. Elle montre combien l'identification est devenue problématique. Les exigences sécuritaires dans un cas et la méfiance envers les pairs dans l'autre aboutissent à des choix opposés : la signature cryptographique en droit et la signature manuscrite en science.
  • Varia

    • La métaphore des racines : un obstacle à l'analyse sociologique des dynamiques culturelles - Stéphane Dorin p. 125 accès libre avec résumé
      Dans cet article, on vise à démonter, pièce par pièce, les présupposés essentialistes et racialistes de la métaphore des racines culturelles, souvent invoquée dans les discours contemporains sur l'identité culturelle, dont l'authenticité serait menacée par la globalisation. La déconstruction de ce topos de notre sur-modernité constitue un point d'entrée pour réévaluer la portée du concept de culture à l'aune d'une anthropologie de la globalisation. Loin de rejeter les théories classiques de l'anthropologie culturelle du XXe siècle, on montre que l'obsession de l'authenticité culturelle n'est pas nouvelle et que l'éloge du métissage n'en est que le revers. Penser les échanges culturels en termes de circulation de formes culturelles permet de s'affranchir de la métaphore des racines, qui se révèle plus trompeuse que féconde, et d'esquisser ainsi une approche plus dynamique des phénomènes culturels dans le contexte de la globalisation.
    • Les métamorphoses du gouvernement du parasitisme en Afrique - Insecticides, frontières et civilisation dans la lutte antipaludique (1930-1962) - Matthieu Fintz p. 149 accès libre avec résumé
      À partir des années 1930, on peut observer un changement dans la manière selon laquelle les paludologues définissent le poids du paludisme parmi les communautés africaines. Avant cette période, ils concentrent principalement leur attention sur le paludisme épidémique qui se manifeste dans les zones de peuplement européen et sous-estiment le paludisme « hyperendémique » en Afrique rurale. Cela est dû à la croyance qu'une immunité raciale « naturelle » protège les indigènes du paludisme. Cette différence fondamentale entre les immunités noires et blanches a créé deux types de politiques : un laisserfaire pour les premiers et une politique plus interventionniste pour les seconds. Lentement, les paludologues ont cependant abandonné les explications raciales pour davantage se fixer sur un processus « social » ou « civilisationnel ». Dans cette optique, les immunités au paludisme devinrent moins fixes. On peut se demander si ce changement a ouvert de nouvelles opportunités pour contrôler le paludisme dans les communautés rurales connaissant une forte endémie. D'une part, l'après seconde guerre mondiale peut représenter un tel revirement avec le design de zones pilotes pour les aspersions d'insecticide. D'autre part, la mise en œuvre de ces schèmes peut aussi signifier une translation du gouvernement du laisser-faire avec la civilisation remplaçant simplement la nature.
    • Le "pacte d'oubli" de la transition démocratique en Espagne - Retours sur un choix politique controversé - Danielle Rozenberg p. 173 accès libre avec résumé
      Après la mort du général Franco, en novembre 1975, la mémoire traumatique de la Guerre civile et le désir de réconcilier la nation expliquent l'obsession du consensus qui a dominé la vie politique espagnole. Les lois d'amnistie et l'absence de justice rétroactive concernant les années de dictature ont rendu la transition possible. La « réussite exemplaire » de la transition espagnole a érigé cette dernière en modèle à l'usage des pays d'Europe centrale et d'Amérique latine à l'heure d'engager leur propre démocratisation. Depuis la fin des années 1990, cette politique officielle est dénoncée par les victimes du franquisme, qui se mobilisent pour exiger des réparations. Dans le même temps, le « pacte d'oubli » et le processus démocratique espagnol font l'objet de relectures critiques. Avec le retour des socialistes au pouvoir, en mars 2004, se dessine un contre-modèle de réconciliation, fondé sur la « récupération de la mémoire historique ».
  • Notes de lecture

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