Contenu du sommaire : Pillages et pirateries
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 134, 3ème trimestre 2009 |
Titre du numéro | Pillages et pirateries |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Giblin Béatrice p. 3-14 L'association de ces deux termes se justifie par les deux points communs essentiels qui en sont la cause : la faiblesse des États et l'aggravation insupportable de la pauvreté qui font dériver certains groupes vers la violence. Dans ce numéro, ce n'est pas l'acception métaphorique qui est principalement retenue, telle que pillage du tiers monde ou cyberpiraterie et biopiraterie (même si deux articles traitent de ces nouvelles formes de piraterie), mais bien les sens classiques de ces deux termes : pillage – acte de guerre avec vols massifs, destructions – et piraterie – tout acte illicite de violence ou de détention commis par l'équipage d'un navire privé agissant à des fins privées contre un autre navire, en haute mer. C'est pourquoi les conditions géographiques de chacune de ces situations géopolitiques sont indispensables à leur compréhension.Looting and Piracy
The association of theses two words, looting and piracy is borne out by two commons features : the weakness of the state and an intolerable aggravation of the poverty which leads human groups to violence. In this issue it's not the metaphorical acception which is held, but the classical meaning : looting is a war act with massives thefts and destructions ; piracy stands for every illicit and violent act or detention commited by the crew of a private boat for private objectives against another boat, on the open sea. That is why grasping geographical background of each of these geopolitical situations is essential to understand them. - Darfour : un modèle pour les guerres du XXIe siècle, entre pillards janjawid et flibuste des puissances émergentes de la mondialisation ? Entretien avec Marc Lavergne - p. 15-37 Cet entretien vise, à partir de l'expérience de terrain de Marc Lavergne, à montrer le lien entre les pillages et les massacres opérés depuis 2003 dans les villages du Darfour par les milices tribales janja wid, et les projets du gou vernement soudanais en matière de recomposition socioethnique de cette région, en vue de faciliter une exploitation économique de type colonial. Derrière les pillages opérés au niveau local se profile ainsi une gestion par le pouvoir central du territoire et de la population sous son contrôle qui peut être assimilée à un piratage des ressources à son profit exclusif.Is Darfur a model for 21st-century wars? From Janjawid pillagers to the buccaneers of globalisation's emerging powers
This interview aims at showing, from the field experience of Marc Lavergne, the link between the plundering and mass killings committed since 2003 in the Darfur homesteads by the “janjawid” tribal militias, and the Sudan government's projects concerning the socio-ethnic reshaping of this region, with the purpose of easing its colonial-like economic exploitation. Behind the plunders committed at the local level is the management by the central power of the territory and the population under its control to be identified as the predation of the resources for its own benefit. - Ressources minérales, armes et violences dans les Kivus (RDC) - Jacquemot Pierre p. 38-62 Le lien causal direct entre le commerce des minerais et les conflits persistants dans les deux provinces du Kivu et en Ituri, en République démocratique du Congo, est avéré depuis la publication de plusieurs rapports internationaux. L'exploitation et le trafic du coltan, de l'étain et de l'or, contrôlés par les groupes militaires et un entrelacs d'intermédiaires aux ramifications internationales, nourrissent les achats d'armes et entretiennent les tensions, dans une économie certes frauduleuse mais très organisée. De 1994 à 2008, les répercussions ont été tragiques : déplacements forcés des populations, violences contre les femmes, enrôlement des enfants, bouleversements des équilibres sociaux, pertes écologiques.Mineral resources, arms and violence in Eastern Congo
In RDC, links between illegal trade of minerals and permanent conflicts in Ituri and in the two Kivus are obvious according to several international reports. Coltan, stain and gold trafficking, under military groups control and with several traders belonging to international networks, provides funds for arms et emphasizes tensions in a very well structured fraudulent and military economy. From 1994 to 2008, consequences have been frightful : population exodus, sexual violence against women, child enrolment as soldiers, environmental losses. - Le rôle des ressources naturelles dans les conflits armés africains - Hugon Philippe p. 63-79 Les relations entre guerres et ressources naturelles ont conduit à une écologie politique de la guerre : guerres de ressources, guerres environnementales, de pillage ou de sécession liées aux ressources naturelles. Les ressources naturelles du sous-sol peuvent, du fait de leur abondance, attiser des contrôles par la violence (coloniale, impérialiste, pillage). Les ressources naturelles du sol peuvent, du fait de leur rareté (eau, terre), aviver les tensions. En prenant le cas des conflits armés africains, cet article différencie : 1/ l'enchevêtrement des facteurs et des acteurs de la conflictualité, 2/ l'économie politique des conflits 3/ le rôle spécifique des ressources naturelles.The Role of natural resources in the case of armed conflicts in Africa
The relationship between wars and natural resources led to a political ecology of war : wars of resources, environmental wars, wars of pillaging or of secession tied to natural resources. The natural resources of the subsoil can, by their very abundance, stoke the fires of violent control measures (colonial, imperial, pillaging). Those of the ground can, by their dearth (water, earth), intensify tensions. By taking up the case of armed conflicts in Africa, the present article differentiates among : 1/ the entanglement of factors and actors of the conflict, 2/ the political economy of the conflicts, 3/ the specific role of natural resources. - La dimension terrestre des pirateries somaliennes et indonésiennes - Frécon Éric p. 80-106 Depuis un an au large de la Somalie, les pirates signalent leur retour à force de détournements et prises d'otages. Des Occidentaux en ont été victimes. En réaction, des patrouilles navales ont été mises en place sur le modèle des opérations lancées en 2004-2006 dans le détroit de Malacca où la piraterie semble avoir été jugulée. Mais au regard des obstacles opérationnels et juridiques rencontrés lors des manoeuvres et arrestations, s'agit-il vraiment de la meilleure méthode pour éradiquer le fléau ? Ne conviendrait-il pas mieux de s'attaquer aux racines terrestres de la piraterie ? Celle-ci se développe à l'écart des pôles administratifs et économiques, parmi les oubliés de la mondialisation. Aussi paraît-il plus judicieux d'envisager une approche globale pour stabiliser les États pourvoyeurs de pirates et réguler les flux de renseignements ou d'argent sale. Le combat sera long : si les prochaines mesures envisagées en Somalie invitent à l'optimisme, déjà les attaques reprennent entre le détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale, une fois la mousson passée...Piracy as a land threat: the Somalian and Indonesian cases
Since spring 2008, hijackings and hostage crises off Somalia have announced the return of the pirates. Western people have been victims of these attacks. Subsequently, naval patrols have been set up as a response, following the example of the operations launched in 2004-2006 in the Malacca Straits, where piracy seems to be under control. But is it really the best way to eradicate this plague in the long term, regarding the operational and legal difficulties ? Wouldn't it be better to focus on the “land roots” of piracy ? This threat grows in areas cut off from the administrative and economic poles, among the outcasts of the globali zation. That is why a comprehensive approach would be more relevant to stabilize the states from where pirates come and to check the flows of dirty money as well as of intelligence. This fight will be long. Some new initiatives in Somalia allow for optimism. Nevertheless, some new attacks occurred recently between the Malacca Straits and the South China Sea after the monsoon. - La piraterie dans le golfe d'Aden : les puissances désarmées ? - Gascon Alain p. 107-124 À bord de rapides canots à moteur, les pirates somaliens du golfe d'Aden menacent la route maritime majeure qu'emprunte la moitié du trafic mondial des hydrocarbures. Ils opèrent surtout le long des rivages yéménites et se réfugient dans les ports de la côte somalienne de l'océan Indien. L'armada internationale, déployée depuis 1991 en appui à l'intervention de l'OTAN en Afghanistan et même relayée par les bases maritimes, paraît impuissante à les traquer. Sont-ils alliés à Al-Qaïda et font-ils diversion sur le flanc sud des forces engagées dans la « lutte contre le terrorisme»? Ou bien n'est-ce pas la poursuite, en mer, de la guerre civile qui déchire depuis 20 ans la Somalie ?Piracy in the Gulf of Aden: are the great powers disarmed?
In the Gulf of Aden, Somali pirates using small speedboats threaten the main sea route through which half the world's oil traffic is shipped. They mainly attack along the Yemeni shore and take refuge in the ports of the Somali coast of the Indian Ocean. The international armada which has supported since 1991 the Nato intervention in Afghanistan, even with the help of sea bases, seems to be powerless to capture them. Have they been allied to Al Qaeda and then created a diversion on the southern flank of the armed forces which are “combating against terrorism”? Otherwise have they continued, at sea, to fight a civil war which for 20 years has torn Somalia ? - Mafia et économie légale : pillage et razzia - Champeyrache Clotilde p. 125-137 La question du pillage est ici abordée sous l'angle des pratiques mafieuses en Italie. La mafia a pour spécificité d'être une association criminelle présente dans l'économie légale : elle possède en effet des entreprises déclarées exerçant des activités légales. Ce sont ces entreprises, dites légales-mafieuses, qui permettent à la mafia de piller le territoire sous son contrôle. Cela passe par une captation et un détournement systématiques des ressources de ces territoires. Ceci explique les obstacles au développement rencontrés par ces territoires. Les agents non mafieux se trouvent exclus et ne peuvent plus profiter des opportunités économiques. La richesse est drainée par et pour les mafieux exclusivement. Par ailleurs, la mafia se livre aussi à de véritables razzias, y compris hors de son territoire. Ces razzias sont liées aux situations d'urgence : crise des déchets, tremblement de terre, etc. Elles permettent à la mafia de s'emparer de fonds publics.The mafia and the legal economy: pillage and razzia
We deal with the issue of pillage in relation to the practices of the mafia in Italy. The specificity of the mafia is to be a criminal association which operates in the legal economy : the mafia indeed owns declared enterprises within legitimate businesses. These enterprises we qualify as “legal mafia-owned” allow for the plundering of the territories under mafia control. This entails a systematic harnessing and embezzlement of resources in these territories. This explains for the hurdles to development observed. Non-mafiosi agents are excluded and cannot grasp economic opportunities anymore. Wealth is then drained exclusively by and for the mafiosi. Moreover, the mafia also engages in genuine razzias, even outside its territory. These razzias are linked to states of emergency such as earthquakes and waste crisis. They allow the mafia to take over public funds. - La biopiraterie : réalité ou manipulation médiatico-politique ? Le cas des Indiens Krahó en Amazonie brésilienne - Zahluth Bastos Rodolpho p. 138-150 Cet article se penche sur un cas particulier de « biopiraterie » ayant lieu en Amazonie brésilienne, chez les Indiens Krahó (État du Tocantins). On cherche notamment à démontrer à quel point le terme « biopiraterie » peut souvent masquer la réalité du terrain et des enjeux de la bioprospection. Le cas est intéressant à observer dans la mesure où il illustre bien les rivalités d'intérêts dans l'exploitation d'un territoire.Bio-piracy : Reality or Medio-political manipulation? The Kraho Indian's case in Brazilian Amazonia
This article aims to present a case of “bio-piracy” in Brazilian Amazonia, at the Kraho Indian territory in the state of Tocantins. One seeks to show how the term “bio-piracy” can often mask the real conflicts on the spot and the magnitude of the stakes in bioprospection. It is interesting to consider this case because it illustrates the rivalries of interests in the exploration of a territory. - Pillage et vandalisme dans le Delta du Niger - Augé Benjamin p. 151-175 Les eaux du Delta du Niger sont devenues en 2008 les deuxièmes plus dangereuses au monde après celles au large de la Somalie. Les attaques de groupes de militants ou de simples pirates de plus en plus organisés et équipés se sont multipliées et ont causé les plus importantes pertes de pétrole de l'histoire du pays. Passé en dessous des deux millions de barils par jour en 2008, le Nigeria tente grâce à des moyens militaires et politiques bien maigres de juguler des attaques qui lui font perdre des milliards de dollars chaque année. Les militants qui réclament une meilleure répartition des revenus du pétrole n'ont pas besoin de beaucoup développer leur discours pour convaincre la population de la mauvaise gestion du secteur énergétique par l'État fédéral. Ce dernier doit avoir recours à du pétrole raffiné à l'étranger pour les 3/4 de sa consommation et, de plus, les centrales thermiques au gaz subissent des ruptures d'approvisionnement quasi quotidiennes alors que le pays possède les premières réserves d'Afrique.Piracy in Niger Delta, between looting and vandalism
The Niger Delta's waters became in 2008 the second most dangerous worldwide right after the Somalian waters. Attacks conducted by militant movements or just simple pirates who became more and more organized and better equipped, started to grow in number causing the most important petroleum losses in the history of Nigeria. With the fall of the production in 2008 below two million barrels per day, Nigeria tries with mediocre military and political means to stop these attacks causing the loss of billions of dollars yearly. Yet, militants who ask for a better share of oil income don't need to be much elaborate to convince the population of the bad management of the Energy sector by the Federal State. The latter of which refers to the import of refined oil to fulfill ¾ of its consumption. On the other hand, gas thermal facilities run out of supplies on an almost daily basis, whereas the country holds the largest reserves of Africa. - Les pirates du cyberespace - Douzet Frédérick, Samaan Jean-Loup, Desforges Alix p. 176-193 Dans un contexte de dépendance accrue aux outils informatiques et d'interconnexion des systèmes au niveau mondial, la cyberpiraterie est devenue un enjeu sécuritaire majeur pour les États. Comme sur d'autres fronts, la montée en puissance de la Chine dans ce domaine inquiète. Attaques en déni de service par botnets, phishing, spams, scams, arnaques... la piraterie dans le cyber-espace prend des formes différentes qui ne relèvent pas toutes de la géopolitique. Elle peut être à visée frauduleuse, de renseignement ou stratégique. La distinction n'est pas aisée car l'identification et la localisation des pirates est techniquement difficile et incertaine. La lutte est politiquement complexe car elle met en jeu les libertés individuelles et doit s'organiser dans un contexte de rivalités de pouvoir entre États cherchant à asseoir leur suprématie informationnelle.Pirates of Cyberspace
Cyberpirates have become a challenge to the security of nation-states in a context of increased dependency over computers and worldwide networks interconnection. China seems to be emerging as a major threat on the cybercrime scene. Denial-of-service attacks by botnets, phishing, spams, scams, swindle... cyberattacks can take different forms and don't necessarily bear geopolitical consequences. They can be pure fraud, intelligence or cyberwar attacks. These different types are hard to distinguish since identifying and localizing pirates is technically very challenging. Fighting cyberattacks is politically equally challenging as it can threaten civil liberties and would involve international cooperation in a context of information warfare where nation-states have a vested interest in defending their information supremacy. - De l'utilité politique de l'accusation de « pillage » : le cas des multinationales de l'eau en Argentine, l'exemple de Córdoba - Akhmouch Aziza p. 194-217 Suite à la crise de 2001, les multinationales installées en Argentine ont été la cible d'attaques régulières de la part des pouvoirs publics. Dans un contexte de paupérisation massive – notamment de la classe moyenne – la radicalisation du discours de l'administration Kirchner (2003-2007) a trouvé un écho très marqué dans l'opinion publique. La multinationale était ainsi perçue comme un «pilleur» qui, après s'être enrichi pendant des années, ne respectait plus son cahier des charges. La dévaluation du peso a en effet bouleversé la donne et sonné le glas des agencements plébiscités sous le ménémisme (1989-1999). En particulier, l'eau et l'assainissement ont fait l'objet des attaques les plus virulentes. Mais, outre le retournement de la conjoncture économique, des facteurs politiques expliquent également ce haut degré de conflictualité ainsi que le départ des opérateurs privés à l'issue de renégociations infructueuses. Le cas de Córdoba démontre notamment comment l'affrontement avec le concessionnaire a servi des stratégies politiques locales.The political benefit of “spoiling” accusations: The case of water multinationals in Argentina, the example of Córdoba
After the 2001 crisis, the multinationals settled in Argentina were subject to regular attacks from public authorities. In a context of massive impoverishment – especially of the middle class – the radicalisation of the political discourse of the Kirchner administration (2003-2007) found a relatively marked echo in the public opinion. The multinational was then perceived as a “spoiler” that had made a lot of money during several years but was no longer respecting its contractual commitments. The devaluation of the peso actually changed the framework for private sector participation and definitely put an end to the arrangements favourered by the Menem government (1989-1999). In particular, the most virulent attacks were targeting the water and sanitation sector. But apart from the economic downturn, political factors also contribute to explain this high degree of conflicts and tensions, as well as the withdrawal of private operators after fruitless renegotiations. The case of Córdoba is relevant to demonstrate to what extent the attacks against the private operator could serve local political strategies. - Hérodote a lu - p. 218-219