Titre | L'Europe crée et exporte sa monnaie | |
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Auteur | Département des diagnostics, Philippe Sigogne, Jacky Fayolle, Odile Chagny, Amel Falah, Olivier Passet, Christine Rifflart, Françoise Milewski, Carine Bouthevillain, Valérie Chauvin, Hervé Péléraux | |
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) | |
Numéro | no 59, 1996 Revue de l'OFCE n°59 | |
Rubrique / Thématique | Chronique de conjoncture |
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Page | 5-100 | |
Mots-clés (géographie) | Allemagne Etats Unis France Japon Monde Royaume Uni | |
Mots-clés (matière) | chômage croissance économique déficit budgétaire épargne inflation investissement politique monétaire situation économique situation financière | |
Mots-clés (organismes) | Union européenne - U.E. | |
Résumé |
Au tournant des années 1995-1996, le repli conjoncturel s'est diffusé, via les interdépendances commerciales, à l'ensemble des pays européens. Les révisions à la baisse de la croissance prévue affectent notamment les pays du Nord et du Sud européens qui avaient impulsé la reprise continentale de 1994 en profitant des dépréciations de leurs monnaies. Ce repli européen a-t-il atteint, au cours de 1996, son point bas ? Des signes de redémarrage, encore ténus, apparaissent dans certains pays, surtout en Allemagne et dans les pays adjacents. Après un mauvais début d'année 1996, les signaux de reprise se multiplient en Allemagne depuis le printemps. La consommation a bénéficié des exonérations fiscales et les commandes à l'exportation se sont redressées. Mais le retournement positif de certains postes de demande n'a pas encore pleinement convaincu les producteurs de sa durabilité. L'intensité de la reprise restera limitée par les contraintes durables affectant l'économie allemande, même si elle est soutenue par une attitude accommodante des autorités monétaires. La croissance allemande retrouverait une performance moyenne en 1997 (2,2 % après 1,3% en 1996). La reprise se diffusera en Europe dans les mois à venir si, dans les pays auparavant contraints par la restriction monétaire, le relâchement est assez incitatif pour libérer un comportement de stockage plus offensif et contrer l'impact des ajustements budgétaires en cours. La dépression européenne a laissé libre, pour s'investir à l'extérieur du continent, un excédent d'épargne nourri par le désendettement des agents privés. De pair avec une politique japonaise active de placement à l'étranger, cet apport a amorti les tensions que pouvait engendrer la croissance rapide d'autres régions du monde. La reprise qui se dessine en Europe ne serait pas d'une intensité telle qu'elle modifie radicalement cette situation. Elle reste compatible avec une détente progressive des taux d'intérêt à long terme, même si celle-ci est freinée, courant 1997, par la vigilance des marchés face aux risques inflationnistes américains. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la croissance est de nouveau au rendez-vous, après le ralentissement de 1995. Dans les deux cas, la demande intérieure y contribue fortement. Les limites à la croissance paraissent cependant plus rapprochées dans le cas américain que dans le cas britannique. La croissance de l'économie américaine, encore élevée en moyenne annuelle (2,6 % en 1997 après 2,4 % en 1996), reviendrait à hauteur de 2% l'an sur la seconde partie de 1997. Le Royaume-Uni devrait réaliser en 1997 l'une des meilleures performances européennes de croissance (2,7 % après 1,8 % en 1996). Au Japon, les hésitations de la consommation des ménages et le reflux de la demande publique font douter de la solidité de la reprise. Elevée en 1996 (3 %), la croissance resterait médiocre en 1997 (+ 1,6 %), même si son rythme tendanciel est plutôt de l'ordre de 2% l'an. Les corrections intervenues dans nombre de pays émergents consolident les perspectives de croissance dans ces pays, qui se traduiront cependant par des rythmes plus soutenables de progression de leurs importations. Au total, le commerce mondial, qui aura considérablement ralenti de la mi- 1995 à la mi- 1996, retrouverait un rythme honorable à partir du second semestre 1996, approchant les 7 % l'an. La progression modérée du dollar attendue sur cette même période favorisera aussi une meilleure répartition de la croissance mondiale. En France, les informations conjoncturelles restent contradictoires. Les carnets de commandes dans l'industrie sont toujours très dégradés, notamment dans les biens intermédiaires, mais un redressement s'est opéré à partir de l'été. Les stocks sont encore jugés excessifs, mais davantage au stade de la production qu'à celui de la distribution. Les perspectives personnelles de production, habituellement en avance sur le cycle, sont désormais plutôt orientées à la hausse. Toutefois, l'attentisme des entreprises traduit une défiance vis-à-vis de la reprise, en contrepartie de l'optimisme excessif formulé à la charnière de 1994 et de 1995. La conséquence de ces désillusions demeure un comportement de dépense restrictif : réduction des effectifs dans l'industrie, faibles hausses des salaires individuels, révision en baisse des investissements. Les enchaînements prévisionnels reposent d'abord sur l'arrêt du déstockage, qui a été important au premier semestre pour les produits manufacturés. Mais le prolongement de cette reprise technique en une phase ascendante du cycle, dépendra crucialement de la demande finale hors stocks. La consommation des ménages aura connu une forte croissance en 1996, sans rapport avec la progression du revenu. Elle croîtrait moins vite que ce dernier en 1997, et le taux d'épargne augmenterait par rapport à son bas niveau de 1996. La reprise de l'investissement en 1994 s'est rapidement interrompue. Depuis lors, l'effort de renouvellement des matériels issus de la vague d'accumulation initiée il y a dix ans, a été stoppé. Mais les besoins de remplacement subsistent et leur satisfaction devrait fonder la reprise des achats ; elle serait favorisée, dans un premier temps, par les dispositions relatives à l'amortissement des biens nouvellement acquis et par la poursuite de la détente monétaire. L'investissement total, quant à lui, pâtirait du recul des dépenses des administrations. La demande intérieure finale (hors stocks) freinerait légèrement, passant de 1,8% en 1996à 1,5 % en 1997. Grâce à une contribution modérée du commerce extérieur et à une forte impulsion des stocks, la croissance du Pib serait de 2,1 % l'an prochain, après 1,2 % cette année, si la rigueur budgétaire ne s'intensifie pas outre mesure. L'inflation ralentira à nouveau et l'excédent extérieur progressera encore. Mais le chômage poursuivra sa hausse. Source : Éditeur (via Persée) |
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Résumé anglais |
At the turning point of years 1995-1996, the fall back of activity has diffused, via trade interrelations, to all European countries. Expected growth has been revised, in particular, for North and South European countries which had stimulated the continental recovery of 1994, as they benefited from their depreciating currencies. Has this European drop reached its bottom during 1 996 ? Signs of take off, still tenuous, have shown up in some countries, especially in Germany and neighbour countries, since last spring. Private consumption has taken advantage of tax cuts and export orders have turned around. But the upturn of some demand components has not yet fully convinced producers of its durability. The strength of the German recovery will be restricted by structural impediments, in spite of an accommodating monetary policy. The German growth would be middle-sized in 1997 (+ 2,2 % following + 1 ,3 % in 1 996). The recovery will stretch to Europe in the coming months if, in those countries previously hampered by monetary restrictions, the easing is large enough to free a more bullish inventory piling and offset ongoing budget reorganizations. The European slump has freed an excess saving due to the disindebtedness of the private sector, that finds its way into other regions. Combined with an active Japanese policy of capital outflow, this contribution has softened possible tensions arising from a rapid growth in these regions. The outlined European recovery will not be such thatthis situation gets radically changed. It doesn't preclude a gradual easing of long-term interest rates, though watchful financial markest, wary of American inflationary risks, may check it during 1997. In the United States and the United Kingdom, growth is back, following the slowdown of 1995. In both cases, domestic demand is a strong contributor. Limits to growth look nearer in America than in Great Britain. The American growth, still high on yearly average (+ 2,6 % in 1997, from + 2,4 % in 1996), would decelerate to around 2 % per year during the second half of 1997. The United Kingdom would be about to achieve in 1997 one of the best European performances (+ 2,7 % after + 1,8 % in 1996). In Japan, reluctant consumers and a falling public demand will make the recovery waver. High in 1996 (+ 3 %), growth would be feeble in 1997 (+ 1 ,6 %), with an underlying trend near 2 %. Adjustments occurred in many emerging countries establish their growth prospects, yet more sustainable import trends. After a sizeable abatement from mid-1995 to mid-1996, world trade would retrace a creditable pace, next to 7 %, from this second half. The expected moderate rise of the dollar will also facilitate a better distribution of world growth. In France, short-term economic data remain conflicting. Industrial order books are depleted, especially for the intermediate goods, though less since the summer. Inventories are still considered too high, but rather at the production sites than on retailers'shelves. Personal output expectations, usually a leading indicator in the cycle, are now on the rise. However, firms still post a wait-and-see behaviour and distrust the upturn, in contrast with the excessive optimism they expressed at late 1 994- early 1995. Undeceived, firms still curtail their expenditures : they cut their labour force, they grant small wage increases, they downsize their investment projects. Our forecast scenario relies firstly on the end of destocking, which paid a major role for the manufactured goods during the first half-year. But the turn of this technical recovery into a cyclical growth phase will crucially depend on the other private components of the final demand. Private consumption has notably increased in 1996, much faster than disposable income. It would grow less in 1 997, and the saving rate would bounce from its low 1996 level. The resumption of investment in 1994 has quickly stopped. So have the efforts to substitute new machines for those massively purchased ten years ago. But replacements are still needed and their fulfilment should feed new acquisitions. Increased depreciation allowances for the recently acquired equipment goods, then the loosened monetary policy would encourage these acquisitions. But total investment would suffer from the lower expenditures by the public sector. Final domestic demand (excluding inventories) would slightly slow down to 1 ,5 % in 1 997 from 1 ,8 % in 1 996. Thanks to a moderate contribution of foreign trade and to the impetus of stock building, GDP would grow by 1 ,2 % this year and 2,1 % next year, would fiscal stance not be unduly stiffened. Inflation would again slow down and the external surplus would still widen. But unemployment would go on expanding. Source : Éditeur (via Persée) |
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Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1996_num_59_1_1435 |