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Titre L'art et le métier
Auteur Claude Grignon
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro vol. 2, no. 4, 1976
Page 21-46
Résumé Institution de promotion sociale, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) offre aux travailleurs la possibilité formelle d'entreprendre ou de reprendre des études supérieures techniques tout en continuant à exercer leur métier : école parallèle, il se distingue des institutions d'enseignement régulières dont il est à certains égards la réplique par un ensemble de propriétés paradoxales : accessible à tous (sauf aux étudiants), sans concours et même sans condition de diplômes, il est habilité, comme les Grandes écoles, à délivrer le titre d'ingénieur. Dans la pratique, les études sont difficiles et longues, les abandons fréquents, l'obtention du titre exceptionnelle. Comme le montrent l'enquête réalisée auprès des élèves (N = 1 900) et l'histoire structurale de l'institution, c'est dans l'idéal -dans les discours officiels et aussi, pour une part, dans l'idée des élèves- qu'il permet de réunir ce qui, dans la réalité, reste nécessairement séparé et opposé : l'art et le métier, ou encore, selon une autre dimension de la hiérarchie sociale, la théorie et la pratique, l'ingénieur et l'ouvrier, le travail intellectuel et le travail manuel. Fonctionnant à la manière des instances spécialisées dans la manipulation des hiérarchies symboliques et dans la conciliation des contraires, il constitue un des lieux où l'avant-garde de la classe dominante s'efforce de "dépasser" des contradictions qui l'obsèdent et qu'elle n'a pas la possibilité de résoudre pratiquement. Produit de la rencontre entre les fonctions symboliques de l'institution et l'accroissement de la demande sociale de formation et de promotion émanant de la petite bourgeoisie, parmi laquelle se recrute la quasi-totalité des élèves, la crise que traverse actuellement le Conservatoire et les tentatives de redéfinition dont il fait l'objet montrent comment une utopie se trouve "remise à l'endroit" à mesure qu'elle se réalise et qu'elle trouve sa place dans l'ordre social.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Art and Trade : Parallel Education and the Lower Middle Class The Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) is an institution of social mobility, offering workers the possibility of undertaking or of returning to advanced technical studies while continuing to work at their trade. Functioning parallel to the regular teaching institutions, of which it is in certain respects the counterpart, it differs from the latter because of a number of paradoxical features. It is open to all (except students), without competitive entrance examination or even a specific degree requirement, and it is empowered, like the "Grandes Ecoles" (e.g; the Ecole des Mines and the Ecole Centrale), to grant engineering degrees. In practice, however, the studies are long and difficult and frequently abandoned, and the degree rarely obtained. As can be seen from the survey conducted among 1,900 students and from the history of the institution, it achieves its stated aims only in the ideal realm. Only there -in the officiailrhetoric and, to some extent, in the minds of the students- is it capable of uniting what, in reality, necessarily remains separate and opposed : art and trade, or, looked at along an other dimension of the social hierarchy, theory and practice. engineer and worker, intellectual work and manual work. Operating in the same way as the institutions and organizations practiced in the manipulation of symbolic hierachies and the reconciliation of opposites, the Conservatoire is one of the places where the dominant class seeks to overcome contradictions by which it is obsessed but that it cannot possibly resolve in practice. It is the product of the junction of the symbolic functions with the increasing social demand for training and upward mobility on the part of the lower middle class among whom it draws virtually all of its students. The crisis that the Conservatoire is cur rently experiencing and the attempts to redefine its role illustrates how a utopia is "put aright" to the degree that it becomes realized and finds its niche in the social order
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1976_num_2_4_3464