Titre | L'avortement : un secret connu de tous ? Accès aux services d'avortement et implication du réseau social au Burkina Faso | |
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Auteur | Rossier Clémentine | |
Revue | Sociétés contemporaines | |
Numéro | no 61, 2006 Avortement ici et ailleurs | |
Rubrique / Thématique | Avortement ici et ailleurs |
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Page | 41-64 | |
Résumé |
On évite de parler de l'avortement provoqué au Burkina Faso, où cette pratique est illégale et fait l'objet d'une forte réprobation sociale. En nous appuyant sur les théories
du secret, nous tenterons de comprendre pourquoi et comment les acteurs de l'avortement
(clients et prestataires, femmes et hommes) finissent pourtant par en parler à un nombre important de personnes. À partir de données collectées en 2000 en milieu rural (n=13) et en
2001 en milieu urbain et péri-urbain (n=30), nous montrons que les femmes parlent de leur
avortement à leur partenaire, leurs amies, et parfois à des parentes proches, au moment de la
prise de décision et lorsqu'elles cherchent un avorteur. Les prestataires partagent le secret
avec leurs clientes, parfois avec des collaborateurs : leur désir de publicité est toutefois limité
par la peur de la loi. Tous les acteurs de l'avortement mettent en place des systèmes de sécurité pour éviter que leur secret ne s'évente : les relations d'intimité et les liens de transgression partagée fournissent des lieux protégés de confidence. De plus, les prestataires peuvent
filtrer leurs clients, les impressionner par la magie, ou corrompre leurs collègues. Certaines
pratiques (fuites, espionnage) tendent à rompre le secret de l'avortement, surtout dans les
communautés villageoises moins anonymes. Lorsque les rumeurs s'en mêlent, l'avortement
devient alors un secret connu de tous. Les acteurs pourvus de capitaux relationnels et économiques mettent moins de personnes au courant, et préviennent mieux les fuites. Cette application des théories sociologiques du secret au cas de l'avortement au Burkina Faso éclaire la
stigmatisation dont cette pratique fait l'objet dans d'autres contextes et peut ainsi expliquer
sa sous-déclaration dans les enquêtes du monde entier. Les résultats suggèrent ainsi une nouvelle méthode de collecte de données pour les avortements clandestins, la méthode des confidentes. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
A secret known to all : access to abortion services and social networks in Burkina Faso.
Induced abortion, an illegal and socially condemned practice, is little talked about in
Burkina Faso. Grounding our analysis on existing theories of secrets, our goal is to
understand why and how the different actors of abortion (women and men, providers
and clients) nevertheless end up talking about it to a non negligible amount of people. Using data collected in 2000 in rural Burkina (n = 13), and in 2001 in urban and
peri-urban areas (n = 30), we show that women talk to their partner, female peers,
and sometimes close female parents at the time of the abortion decision, and to locate an abortionist. Abortion providers share their secret with their clients, sometimes with close colleagues : their need for publicity is however strongly checked by
their fear of law. All abortion actors put in place security systems to defend their secret : intimate relations or relations of shared transgression provide such protection.
Providers can also filter their clients, impress them with magic, and bribe their colleagues. Certain forces (leaks, espionage) tend to break secrets, especially in less
anonymous village communities. When rumors kick in, abortions become secrets
known to all. Actors with relational and economic capitals share their secrets with
fewer people, and prevent leaks more effectively. This application of sociological
theories of secret to the case of induced abortion in Burkina Faso sheds new light on
the stigmatization which characterize abortion in other contexts, and in particular, its
underreporting in surveys. The results suggest also a new method to collect data on
clandestine abortion, the confidants method. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SOCO_061_0041 |