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Titre Retraites et évolutions démographiques en France - Seconde partie : la transition
Auteur Thierry Chauveau, Rahim Loufir
Mir@bel Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques)
Titre à cette date : Observations et diagnostics économiques
Numéro No 47, 1993
Page 117-160
Mots-clés (matière)démographie fécondité modèle économique personne retraitée politique économique population protection sociale
Mots-clés (géographie)France
Résumé Comme la plupart des pays de l'OCDE, la France connaît, depuis la fin des années soixante, une baisse soutenue du taux de fécondité. Si cette tendance persistait, elle conduirait à des changements importants de la pyramide des âges de notre population. Même avec un taux de fécondité équivalent au seuil de remplacement, peu vraisemblable à l'horizon de l'année 2050, le rapport du nombre d'inactifs du troisième âge au nombre de personnes occupées augmenterait sensiblement. Dans le cadre de l'actuel système public de retraite par répartition, cette transition démographique impliquerait un partage de la production nationale de plus en plus favorable aux retraités si l'on voulait maintenir un rapport constant des prestations retraite aux salaires du moment. A politique inchangée en matière de retraite, les taux de cotisation atteindraient des niveaux extrêmement élevés. Diverses mesures peuvent être envisagées par les pouvoirs publics pour limiter la hausse des cotisations et mieux les répartir entre les diverses générations : une baisse du taux de remplacement, le recul de l'âge légal de départ à la retraite ou la mise en place d'un fonds de régulation ; les deux premières mesures visent à diminuer les charges du régime vieillesse et, corrélativement les cotisations, tandis que la dernière est assimilable à une politique de transferts intergénérationnels destinée à lisser le profil intertemporel des taux des cotisations. A l'aide d'un modèle d'équilibre général calculable à générations imbriquées de l'économie française, nous examinons les conséquences de ces mesures à partir de trois variantes institutionnelles construites autour d'un scénario de référence où l'on suppose le maintien du système actuel de retraites par répartition. Dans le compte de référence, comme dans les variantes, la transition démographique est analogue à celle décrite dans les projections officielles où l'on suppose que le taux de fécondité le plus probable pour les années 1995-2050 est de 1,8 enfants par femme. Les principaux résultats sont les suivants : le maintien du système actuel demeure une option envisageable dans la mesure où les années les plus difficiles de la transition pourront, sans doute, être franchies sans ralentissement économique. Ce maintien semble, néanmoins, peu souhaitable en raison du risque démographique — la réalisation d'un scénario plus défavorable que l'officiel n'est pas à exclure — ef du manque d'équité du système actuel, tel qu'on peut l'apprécier, par exemple, à l'aide du rapport entre les prestations actualisées perçues par une génération et les cotisations actualisées qu'elle verse. Au regard de ce simple critère actuariel, c'est la variante « fonds » — assimilable à de la capitalisation obligatoire et transitoire — qui semble la plus séduisante ; elle aurait, par ailleurs, des effets macroéconomiques assez limités. Si l'on adopte un point de vue d'équilibre général, c'est, au contraire, la variante « recul de l'âge de la retraite » qui semble surclasser les autres, tant au niveau des conséquences macroéconomiques (production ou consommation par tête) qu'en terme de bien-être social. Ce dernier résultat suppose, néanmoins, pour être valide, que l'on revienne rapidement (vers 2010) à une situation assez proche du plein emploi, que la productivité des « 60- 65 ans » demeure assez élevée et que leur préférence pour le loisir n'augmente pas. Ces hypothèses peuvent paraître à certains trop irréalistes. Quoi qu'il en soit, une diminution du taux de remplacement aurait des effets intermédiaires : moins de supplément de production ou de bien-être que dans la variante précédente, mais plus que dans la première ; moins d'efficacité dans la lutte contre le manque d'équité que dans la variante « fonds », mais plus que dans le scénario recul de l'âge légal de départ à la retraite.
Résumé anglais Pensions and demographics in France : the transition Thierry Chauveau and Rahim Loufir Since the end of the sixties, the fertility rate has drastically decreased in France as in most OECD countries. In the next decades, this demographic transition wili imply, if the current public pension scheme — pay-as-you-go « PAYG » — is not changed, a substantial increment in social contribution rates. Various measures can be undertaken by the public authorities to limit the increase of these contributions and to share them out between generations : a decrease of the replacement rate, an increase of the legal retirement age or the creation of a transitory fund. The first two measures aim to lower the burden of the regime and therefore the contributions, whereas the last measure, equivalent to an intergenera- tional transfers policy, aims to smooth the intertemporal profile of the social contribution rates. A dynamic computable general equilibrium model with overlapping generations is used to examine the consequences of these measures and three institutional scenarios are built up around a baseline scenario where we maintain the current public pension scheme — PAYG — . In these scenarios, the demographic transition is quite similar to the one described in the official projections where the very likely fertility rate between 1995 and 2050 is supposed to be equal to 1.8 children per woman. The main results are the following : maintaining the current system remains a possible option since the most difficult years of the transition will be passed without slowing-down. This seems, nevertheless, less desirable because of the demographic risk — the realization of a more unfavourable scenario than the official one is not excluded — and the lack of equity of the current system which can be evaluated by the ratio of the present value of pensions received by a generation over the present value of its social contributions. Considering this simple actuarial criterion, the scenario « fund », equivalent to an obligatory and transitory capitalization, seems to be the most attractive ; it has, however, very limited macroeconomic effects. From a general equilibrium point of view, it is, on the contrary, the scenario « increasing the legal retirement age » that seems to dominate all other options by its macroeconomic effects (production or consumption per head) and its social welfare effects. The last result assumes, nevertheless, a situation close to full employment around 2010, a constant productivity of the 61-65 age group and a constant preference for leisure. Finally, a decrease of the replacement rate would have intermediate effects : less additional production or welfare than the previous scenario, but more than the first one. Less efficiency in struggling against the lack of equity than the scenario « fund », but more than the scenario « increasing the legal retirement age ».
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1993_num_47_1_1348