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Titre Le totalitarisme, l'économie, l'Union soviétique : essai critique
Auteur Jacques Sapir
Mir@bel Revue Revue d'études comparatives Est-Ouest
Numéro Vol. 19, 4, 1988
Page 31-46
Résumé Le concept de totalitarisme a joué, et joue encore, un rôle important dans l'analyse de l'Union soviétique. Ceci pose un problème qui dépasse de loin le domaine des sociologues et des politologues ; les économistes sont directement concernés par l'implicite primat du politique. Une rapide exploration du concept montre qu'on est en présence d'une notion à la définition assez élastique. L'importance du thème de la mobilisation, sur lequel insistent presque tous les auteurs, est marquante. Mais elle met plus en lumière la parenté de l'U.R.S.S. avec les économies de guerre qu'elle ne peut fonder l'existence d'une altérité radicale de la société soviétique. En fait, il y a bien, à l'évidence, des fonctionnements économiques et sociaux spécifiques en U.R.S.S. Le problème est qu'ils ne sauraient permettre de classer cette société dans une catégorie ne présentant aucun point commun avec des formes plus habituelles. La spécificité à elle seule ne suffit pas, car l'on oublie trop souvent que chaque société est unique. D'où la nécessité de préciser à quel niveau dans l'analyse on se situe. Rester à celui des fonctionnements apparents n'est pas pertinent. S'avancer à celui des fondements ne peut que mettre en évidence les parentés avec des formes qui, pour particulières qu'elles soient, ont toujours été réputées capitalistes. De plus, il est possible de déduire nombre des fonctionnements parmi les plus étranges de l'économie soviétique, de la garantie de vente et du rationnement par les quantités. Cette possibilité formelle condamne les monismes idéologique et politique implicites au concept de totalitarisme. Aussi, le concept de totalitarisme s'avère inutilisable comme instrument d'analyse. Mais cet échec souligne la nécessité d'une démarche nouvelle, intégrant les divers aspects de l'étude d'une société. Ainsi, tout en le rejetant, faut-il reconnaître que le débat qu'il a suscité a sans doute permis de substantiels progrès dans la perception du problème, tant pour les économistes, que pour les chercheurs des autres disciplines.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Totalitarianism, the economy and the Soviet Union : a critical essay The concept of totalitarianism has played, and still plays, an important part in analysis of the Soviet Union. This poses a problem which goes far beyond the province of sociologists and political scientists ; economists are directly concerned by the implicit primacy of politics. Rapid examination of the concept shows that one is dealing with an idea of fairly elastic definition. The weight given to the theme of mobilization, emphasized by almost all the commentators, is outstanding. But it lays greater emphasis on the kinship of the USSR with war economies rather than on the existence of a radical alternative to Soviet society. Indeed the evidence shows there are certain economic and social procedures which are peculiar to the USSR. The problem is that they do not enable one to classify this society in a category which shows no common element with more usual forms. Specificity by itself is not enough, for it is too often forgotten that each society is unique. Hence, the need for a precise definition of the standpoint of the analyst. To remain at the level of these apparent procedures is not relevant. To proceed to fundamentals only serves to emphasize similarities with forms which, however specific they may be, have always been considered capitalist. In addition, it is possible to deduce a number of procedures, from among the more strange examples of the Soviet economy, from guarantees of sale and rationing by quantities. The ideological and political monisms implicit in the concept of totalitarianism are discredited by this formal possibility. In this way, the concept of totalitarianism proves not utilisable as an instrument of analysis. But this failure underlines the need for a new analytical approach, to integrate the various aspects of the study of a particular society. And so, while discarding it, it should be recognized that the debate to which it has given rise has occasioned considerable progress in perception of the problem, as much for economists as for scholars in other disciplines.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1988_num_19_4_1381