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Titre Défense et illustration de "l'honnête homme"
Auteur Gisèle Sapiro
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 153, juin 2004 Morale et Sciences des moeurs
Rubrique / Thématique
Morale et sciences des moeurs
Page 11
Résumé L'institutionnalisation de la sociologie autour de l'école durkheimienne a suscité de violentes attaques émanant d'hommes de lettres. Ces attaques s'inscrivent dans le cadre d'une réaction anti-scientiste, qui doit être replacée dans le contexte plus général des transformations de la configuration des rapports entre champ littéraire et champ universitaire dans la France de la IIIe République. Face au progrès de la division du travail d'expertise, les hommes de lettres se voient dépossédés de leurs domaines de compétence, en particulier celui de l'étude des mœurs. Renvoyant à des différences sociales, le discours anti-scientiste se fonde sur la défense de la culture générale désintéressée contre l'utilitarisme de la spécialisation et sur la valorisation des qualités littéraires associées à l'homme de lettres (génie, inventivité, originalité) contre le caractère technique du travail scientifique (habileté, répétition, routine). Les arguments du discours anti-sociologique des hommes de lettres, qui ont trouvé leur expression la plus élaborée dans le livre de Pierre Lasserre, La Doctrine officielle de l'Université, illustrent parfaitement la concurrence entre hommes de lettres et sociologues sur le terrain de la morale. En instituant une science des mœurs, la sociologie se place dans une position de stricte observation en dehors de tout jugement de valeur et de normativité. Cet objectivisme et le relativisme qui la conduit à comparer les cultures dites « primitives » à la civilisation occidentale heurtent la vision du monde normative et hiérarchisée de lettrés convaincus que leur culture classique fonde leur supériorité sociale et morale.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The institutionalisation of sociology around the Durkheimian school led to violent reactions on the part of literati. These attacks were in line with a larger reaction against science that was developing in a context of changing relations between the literary world and academia in France during the Third Republic.In the face of increasing division of work and specialisation in different fields of expertise, the literary intelligentsia felt that they were being deprived of their areas of competence, especially those concerning the study of morals. Their anti-science discourse, which refers to social differences, was based on a defence of disinterested and general knowledge (as opposed to the utilitarianism of specialisation), and on the promotion of qualities associated with the literary intellectual (genius, inventiveness, originality) versus the technical character of scientific work (skill, repetition, routine).The arguments used in their anti-sociological discourse – which are most fully expressed in Pierre Lasserre's book La Doctrine officielle de l'Université – perfectly demonstrate the rivalry and competition that existed between literati and sociologists in the field of morality. With the institution of a science of morals, sociology found itself in a position of strict observation, beyond value judgements and normativity. This objectivism and relativism which, in sociology, led to the comparison of so-called ‘primitive' cultures with western civilisation, clashed with the normative and hierarchical vision of the world held by the literati, convinced as they were that their classical culture formed the basis of their social and moral superiority.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_153_0011