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Titre De la sociologie comme technologie sociale
Auteur Odile Henry
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 153, juin 2004 Morale et Sciences des moeurs
Rubrique / Thématique
Morale et sciences des moeurs
Page 48
Résumé À la fin des années 1930, la croyance dans les vertus des nouvelles techniques d'organisation du travail, promues depuis la Première Guerre mondiale par un groupe d'ingénieurs et de techniciens, est ébranlée par les crises économique et sociale. Une fraction des spécialistes de ces questions de rationalisation économique voit alors dans le développement d'une « science de l'homme » la solution à une crise qui leur apparaît avant tout comme l'expression de déséquilibres d'ordre moral. Cette « science de l'homme », à l'institutionnalisation de laquelle participe activement le polytechnicien Jean Coutrot, ignore les analyses fondées sur l'étude des faits sociaux au profit d'une approche exclusivement centrée sur la personne et alimentée par de multiples emprunts, souvent décontextualisés, faits à la biologie, à la psychologie et à la médecine. Réduisant la connaissance scientifique à une méthode de mesure des faits sociaux, dont les techniques issues de la psychobiologie fournissent le modèle, ces ingénieurs entendent fonder rationnellement un ordre moral reposant sur les hiérarchies « naturelles » et sur la stricte adaptation des individus aux fonctions spécialisées. Bien que les institutions crées par Jean Coutrot en 1937 et en 1938 (le Centre d'études des problèmes humains, CEPH, et l'Institut de psychologie appliquée, IPSA) n'aient pas réussi avant guerre à mobiliser les sociologues, Jean Coutrot partage avec J. Stoetzel une même conception de la sociologie, comme technologie de mesure quantitative du social, et préparera les conditions du succès, après la Seconde Guerre mondiale, d'une science sociale sans « présuppositions », ayant renoncé à élaborer une morale laïque fondée sur la science des mœurs.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The belief that the new techniques for organising work, which had been promoted by a group of engineers and technicians following the First World War, would be beneficial was seriously undermined by the late 1930s as a consequence of economic and social crises. For a number of specialists of economic rationalisation, the development of a ‘human science' represented the solution to a crisis which they saw first and foremost as the manifestation of moral imbalances and deficiencies. This ‘human science', whose institutionalisation was actively supported by the polytechnician Jean Coutrot, did not take into consideration analyses based on the study of social reality, but adopted an approach exclusively centred on the individual and borrowing, often out of context, from other disciplines, such as biology, psychology and medicine. Reducing scientific knowledge to a method for measuring social reality, with techniques modelled after those used in psychobiology, these engineers had the intention of founding rationally a moral order that would be based on ‘natural' hierarchies and on the strict adaptation of individuals to specialised functions. While the institutions created by Jean Coutrot in 1937 and 1938 (the Centre d'études des problèmes humains, CEPH, and the Institut de psychologie appliquée, IPSA) did not succeed in mobilising sociologists before the war, J. Coutrot had a conception of sociology – shared by J. Stoetzel – that saw it as a technology for quantitatively measuring social reality. After the Second World War, and having given up on elaborating a secular morality based on the science of morals, this work laid the groundwork for a social science that would be free of ‘presuppositions'.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_153_0048