Contenu de l'article

Titre La furie américaine dans la communication (dans le prolongement de la dérèglementation)
Auteur Ruffat J.
Mir@bel Revue Politiques et management public
Numéro vol. 14, no 4, décembre 1996
Page 159-185
Mots-clés (matière)activité économique communication déréglementation entreprise industrie informatique internet relations économiques relations internationales technologie nouvelle
Mots-clés (géographie)Etats Unis Europe
Résumé Le développement technique de l'Amérique s'est fait dans le prolongement immédiat de la révolution industrielle britannique, dont les inventions furent très vite transposées et assimilées par son industrie naissante dès la fin du 18ème siècle, tout naturellement dans le textile et la métallurgie. En même temps l'Amérique s'est elle même montrée très inventive ("yankee ingenuity", comme on dit là-bas), ainsi sa contribution, parfois décisive, a beaucoup des premiers développements de l'électricité (en particulier avec Thomas Edison), du téléphone (avec Graham Bell), puis ensuite dans l'automobile et dans l'industrie manufacturière de façon générale, et, plus tard, dans l'aviation, comme dans la chimie, puis dans la pharmacie, etc., sans parier de l'espace et de l'informatique. En fait, il y avait déjà furie américaine dans les techniques dès le milieu du 19èrne siècle. Mais si les produits agricoles (blé, coton, tabac, etc.) ont rapidement traversé l'Atlantique d'Ouest en Est dans des volumes de plus en plus importants, les produits industriels (et leurs fabricants) ont très peu passé l'océan jusqu'à, pratiquement, la deuxième guerre mondiale (sauf pour quelques exceptions, comme Singer, Ford, General Motors ou Michelin). Quant aux services, ils n'ont pris le grand large que très récemment, en pratique au cours des vingt dernières années, sauf bien sûr la banque et l'assurance, qui ont été de toutes les aventures depuis quasiment la renaissance. En conséquence la problématique des relations économiques, des rapports de force et des échanges entre l'Europe et l'Amérique a considérablement évolué au fil du temps. Aussi courons-nous toujours le risque de les analyser avec les grilles de lecture et d'analyse relevant de la guerre précédente. Les facteurs géo-politiques ont également pesé lourdement, au cours du 20ème siècle, sur la nature et l'importance de ces échanges. Ainsi, par deux fois au cours de ce siècle, l'Amérique a incarné l'espoir pour une Europe déchirée. Elle fut, dit-on, 'l'arsenal des démocraties". Il en est résulté des flux monétaires, des transferts technologiques (et ce faisant culturels) et des flux de marchandises de très grande ampleur. Depuis, l'Amérique a voulu se redynamiser, en particulier au cours des vingt dernières années, en explorant de nouveaux gisements de valeur économique (notamment dans le domaine des technologies de l'information), qui ont périmé beaucoup des anciens gisements, pour eux comme pour les autres peuples. Mais le résultat, c'est qu'après l'espoir, l'Amérique inspire aujourd'hui la crainte, celle, pour les européens, d'être bousculés dans le confort qu'elle les avait aidé à construire pendant les Trente glorieuses, en particulier grâce au Plan Marshall, par tarissement des gisements de valeur sur lesquels ils avaient assis leur prospérité (et ce faisant les droits acquis par sa population) depuis la deuxième guerre mondiale. Après le lifting en profondeur qu'a produit la déréglementation dans le secteur des télécommunications, le véritable raz de marée (Bill Gates parle de 'sea change") qui emporte le monde de la communication vers des rivages incertains est en effet lourd de menaces pour l'Europe, si elle ne savait pas s'adapter rapidement à la nouvelle donne. Mais la peur est mauvaise conseillère en matière de stratégie. Aussi faut-il d'abord analyser la dynamique à l'œuvre dans le champ de la communication et se demander dans quelle mesure elle nous concerne directement. Ensuite seulement se pose la question de l'adéquation de nos réponses collectives. Sont-elles, en effet, les plus pertinentes et les plus appropriées, eu égard aux nouveaux rapports de force tels qu'ils s'organisent et se profilent, en dynamique, dans l'économie mondiale ; surtout compte tenu de la vitesse du jeu tel qu'il est mené actuellement par les américains? Cette dynamique renouvelle en profondeur l'assise même de nos économies et périme beaucoup des cadres d'analyse anciens. Il en résulte de sérieux malentendus et erreurs d'appréciation dans la sphère du politique en ce qui concerne les ressorts profonds et le métabolisme de l'économie, et surtout les leviers et les marges d'action réels des politiques (de tous bords) sur ces économies.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1996_num_14_4_2126