Contenu de l'article

Titre La sociologie et l'empire : Richard Thurnwald et la question de l'autonomie scientifique
Auteur George Steinmetz
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 185, décembre 2010 Représenter la colonisation
Page 12-29
Résumé Pourquoi certains sociologues cherchent-ils à maximiser leur autonomie, tandis que d'autres alignent leur travail sur le « principe de réalité » des puissances séculières ? Les sociologues qui étudient le colonialisme et l'empire sont souvent la cible de pressions plus ou moins directes qui les incitent à ajuster leur travail aux besoins et aux présupposés des maîtres d'œuvre de la politique impériale. Dans le but de répertorier les principales formes d'hétéronomisation de la sociologie coloniale, cet article analyse la vie de Richard Thurnwald (1869-1954), un ethno-sociologue et professeur à l'université de Berlin de 1923 à 1949. À plusieurs reprises au cours de sa carrière, Thurnwald a aligné ses recherches sur des forces extérieures au champ scientifique de l'ethnologie, révélant ainsi une forme extrême et polymorphe d'auto-hétéronomisation. Ses premières publications sur le colonialisme visaient des acteurs impliqués dans le domaine de la gouvernance coloniale de l'outre-mer. Au cours des années 1920, son attention s'est déplacée vers le champ en plein essor de la sociologie universitaire, dans lequel il s'est efforcé de pénétrer de façon oblique, en cherchant la reconnaissance du champ sociologique américain. Après 1936, Thurnwald a réorienté son travail vers les programmes coloniaux et impériaux du régime nazi. Cette recherche de reconnaissance en-dehors du champ scientifique auquel appartenait Thurnwald et sa collaboration avec les nazis ne sont pas le résultat d'une position marginale au sein de l'ethnologie, ni d'un simple opportunisme, mais d'une incapacité fondamentale à développer un habitus ou un sens de l'identité scientifique intégré.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This paper asks why some social scientists seek to maximize their autonomy while others align their work with the “reality principle” of the temporal powers. Social scientists who study colonialism and empire are often subject to direct and indirect pressures to align their work with the needs and presuppositions of imperial policymakers. In order to map some of the main forms of heteronomization of colonial social science, this paper examines the life of the Richard Thurnwald (1869-1954), an ethno-sociologist and Professor at the University of Berlin from 1923 until 1949. Over the course of his career Thurnwald repeatedly realigned his research with forces external to his core scientific field of ethnology, revealing a pattern of extreme, polymorphous self-heteronomization. His earliest publications on colonialism were directed toward actors in the overseas field of colonial governance. During the course of the 1920s he redirected his attentions toward the burgeoning field of academic sociology, which he attempted to enter obliquely by gaining recognition in the American sociological field. After 1936 Thurnwald realigned his work with the colonial and imperial programs of the Nazi regime. Thurnwald's search for recognition outside his main field and his eventual collaboration with the Nazis stemmed not from his marginality in ethnology, nor from simple opportunism, but from a deeper inability to form an integrated scientific habitus or sense of self.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_185_0012